- Avant - Propos
- Chapitre I: La Littérature Sous La Dynastie Des Lý
- Chapitre II: La Littérature Sous Les Dynasties Des Trần Et Hồ
- Chapitre III: La Littérature Sous Les Dynasties Des Lê Et Mạc.
- Chapitre V: De 1740 Au Début Du Xixè Siècle
- Chapitre VI: La Littérature Sous Les Nguyễn Dans Leur Dernière Période De Pleine Souveraineté.
- Chapitre VII: La Littérature De 1862 À 1913.
T R Ầ N T Ế X Ư Ơ N G
(1870 - 1907)
Il fut le plus grand poète satirique de toute l’histoire littéraire du Việt Nam, grâce au concours de deux ordres de faits : le bouleversement de la société dans laquelle il vivait, et la malchance qui s’acharnait sur lui durant toute sa vie.
Nous connaissons déjà un peu, à travers l’œuvre de Nguyễn Khuyến, la société viêtnamienne de la fin du siècle dernier. Mais Nguyễn Khuyến était un sage qui se respectait, et ses satires n’étaient jamais bien méchantes. Tout autre fut Trần Tế Xương, un raté de la vie, et pour cette raison bien plus amer et mordant. D’autre part Nguyễn Khuyến, après avoir donné sa démission, s’est retiré à la campagne où ne pénétrait guère l’influence française, où les mœurs ancestrales restaient toujours vivaces. Trần Tế Xương, au contraire, a vécu dans la ville de Nam Định, capitale de la région fluviales et terrestres entre le Nord et le centre, et où le capitalisme étranger avait commencé à ériger ses usines de tissage et ses distilleries d’alcool de riz. Enfin, jusqu’en 1915, Nam Định resta l’unique centre d’examens littéraires du Nord, celui de Hanoi ayant été supprimé. On peut donc dire que Trần Tế Xương fut placé aux premières loges pour assister à la tragi-comédie du bouleversement social en cette sombre fin de siècle.
Trần Tế Xương est né extrêmement intelligent, et doué d’un génie poétique hors pair. Mais il avait un grand défaut : la paresse, et l’amour immodéré du plaisir, qu’il poussait jusqu’à la débauche cynique. Lui-même s’est peint dans d’innombrables auto-portraits dont voici les plus caractéristiques :
Thầy đồ dạy học
Thầy đồ thầy đạc, dạy học dạy hành ;
Ba quyển sách nát, dăm thằng trẻ ranh.
Văn có hay đã đỗ làm quan, võng điều võng thắm ; võ có giỏi đã ra giúp nước, khố đỏ khố xanh.
Chắc hẳn thầy văn dốt vũ dát ; vậy nên thầy luẩn quẩn loanh quanh.
Xem thầy con người phong nhã, ở chốn thị thành.
Râu rậm bằng chổi, đầu to tầy giành.
Đã lắm phen đi đó đi đây, thất điên bát đảo ; cũng nhiều lúc chơi liều chơi lĩnh, tứ đốm tam khoanh . . .
(Khảo luận về Trần Tế Xương, p.109)
Le maître d’école
Maitre d’école il s’établit ;
Avec trois livres détériorés, il fait la classe à quelques gamins .
S’il était savant, il serait reçu et nommé mandarin, se pavanant sur des hamacs roses ou écarlates ; s’il était expert en l’art militaire, il servirait le pays comme milicien à langouti rouge ou bleu1.
Mais son ignorance et sa couardise font qu’il reste désoeuvré chez lui.
Il a pourtant l’élégance d’un habitant des villes ;
Sa barbe est touffue comme un balai, et sa tête grosse comme une citrouille.
Souventes fois, il a voyagé par ci par là, accumulant les aventures,
Souventes fois, il s’est amusé follement, de toutes les façons . . .
Chừa gái
Môt trà, một rượu, một đàn bà,
Ba cái lăng nhăng nó quấy ta.
Chừa được cái gì hay cái nấy,
Có chăng chừa rượu với chừa trà.
(Việt Nam thi văn giảng luận II, p.397)
Se guérir des femmes
Le thé, l’alcool et les femmes,
Ces trois vices me poursuivent sans cesse.
Plus je pourrais m’en délivrer, et mieux cela vaudrait,
Mais tout au plus puis-je me délivrer de l’alcool et du thé !
Ông Tú Vị Xuyên
Vị Xuyên có Tú Xương
Dở dở lại ương ương.
Cao lâu thường ăn quịt,
Thổ đĩ lại chơi lường.
(Khảo luận về Trần Tú Xương, p.III)
Le bachelier de Vị Xuyên
Au village de Vị Xuyên vit un certain Tú Xương
Stupide et entêté.
Il mange souvent au restaurant sans payer,
Et laisse les prostituées pour leurs frais !
Dans aucune littérature du monde, on n’a rencontré pareil cynisme, et à plus forte raison dans les pays de culture confucéenne. Pour que Trần Tế Xương fut arrivé à cette extrémité, il a fallu vraiment qu’il y ait eu une tempête dans l’ordre social et dans son crâne.
Comme tous les lettrés de sa génération, Trần Tế Xương rêvait d’être reçu licencié sinon docteur pour devenir un mandarin. Mais il échouait régulièrement à tous les examens auxquels il se présentait, et n’a pu décrocher que le titre de bachelier, tout à fait insuffisant pour être admis dans la carrière mandarinale. C’est que les règlements des examens étaient d’une sévérité effrayante : outre qu’il fallait éviter d’écrire tous les caractères interdits (les noms des membres de la famille impériale, des palais impériaux, etc. ), le candidat devait connaître par cœur les livres classiques du Confucianisme ; une seule citation erronnée, que dis-je, un seul caractère mal calligraphié suffisait à faire éliminer les meilleures copies. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le paresseux Trần Tế Xương, malgré son intelligence et son talent poétique, ait été constamment recalé. Ecoutons comme il exhale sa douleur après ses échecs :
Hỏng thi
Đau quá đòn hằn, rát hơn lửa bỏng,
Tủi bút tủi nghiên, hổ lều hổ chõng.
Nghĩ đến chữ “Nam nhi đắc chí” thêm nỗi thẹn thùng; ngẫm đến câu “quyển thổ trùng lai “ nói ra ngập ngọng.
Thế mới biết học tài thi phận, miệng đàn bà con trẻ nói vậy mà thiêng; nào ai ngờ chữ tốt văn hay, tài bảng nhỡn thám hoa lỡ ra cũng hỏng.
Có một thầy: Dốt chẳng dốt nào, nhưng hay chữ lỏng.
Nghiện trà, nghiện rượu, nghiện cả cao lâu : hay hát, hay chơi, hay nghề xuống lõng.
Thói nhà phong vận, áo hàng tàu, khăn nhiễu tím, ô lục soạn xanh, ra phố xênh xang, quần tố nữ, bít tất tơ, giầy gia định bóng.
Tú rốt bảng trong năm giáp ngọ, nổi tiếng tài hoa; con nhà dòng đất Vị Xuyên, ăn phần cảnh nọng.
Năm vua Thành Thái muời hai, lại mở khoa thi Mỹ Trọng.
Quyển đệ tam đã viết xong rồi, bảng đệ tứ chưa ra còn ngóng.
Thầy chắc hẳn văn chương có mực, lễ thánh xem giò; cô mừng thầm mũ áo đến tay, gặp người đoán mộng.
Ngày đi lễ Phật, còn kỳ này nữa là xong ; đêm dậy vái trời, qua mồng bốn mồng năm cho chóng.
Nào ngờ : Bảng nhỏ thấy tên, ngoại hàm còn trống.
Kẻ đến sáng văn còn được chấm, biển cót nghênh ngang ; người ngồi khuya tên hãy được vào, áo dài lụng thụng.
Thi là thế, sự tình là thế, hở chuyện cùng ai ; người một nơi, hồn phách một nơi, than thân với bóng.
Ví phỏng chăm nghề nghiên bút, thì mười ba mười bẫy đỗ những bao giờ ; những là mải việc chơi bời, mà một tuổi một già hóa ra lóng đóng.
Thôi thì thôi : Sách vở mập mờ, văn chương lóng ngóng.
Khoa truớc đã chầy, khoa sau hẳn chóng.
Ý sẵn kẻ lo toan việc nước, vua chửa dụng hiền ; hay không ai dạy dỗ đàn em, trời còn bắt hỏng !
(Giảng văn đệ tứ, p. 148)
Echec à l’examen
Plus douloureux que des coups de bâton, plus brulant que le feu,
L’échec me couvre de confusion envers le pinceau, l’encrier, la tente et la banquette1.
En pensant aux mots “l’homme viril réalise ses aspirations”, ma honte redouble ; à prononcer la phrase “revenir triomphant après de nombreux échecs”, ma bouche s’embarrasse de pudeur.
Aussi bien le talent est une chose, et le succès en est une autre, ces paroles de femmes et d’enfants sont vraiment prophétiques ; qui se douterait que l’égal en talent d’un docteur puisse échouer ?
Un certain lettré, pas tout à fait ignorant, mais savant à demi,
Adonné au thé, à l’alcool, et à la bonne chère ; client assidu des chanteuses ;
Elégant de naissance, toujours habillé avec recherche : robe de soie, turban de crêpe violette, parapluie de moire bleue, pantalon de calicot, chaussettes de fil, babouches de cuir ;
Bachelier de dernier rang en l’an giáp ngọ (1896) et réputé de grand talent ; fils d’une grande famille de Vị Xuyên, et haut placé dans les banquets communaux : tel je suis.
La douzième année du règne de Thành Thái (1900), s’ouvrit un examen à Mỹ Trọng.
La troisième épreuve a été passée, et le tableau d’admissibilité à la quatrième était attendu.
Certain que mes copies avaient été excellentes, j’employai mon temps à aller prier les génies et demander des oracles ; palpitante d’espoir que je recevrais cette fois-ci la robe et le bonnet des lauréats, ma femme alla consulter les devins pour se faire expliquer ses rêves.
Le jour, j’allai prier Bouddha, afin que cette dernière épreuve se passât favorablement ; la nuit, je me réveillai pour demander au Ciel que vint rapidement le grand jour.
Hélas ! sur le petit tableau 2 fugura mon nom, quoique j’eusse présenté mes copies à temps, pendant que d’autres, qui étaient venus en retard ou qui s’étaient attardés jusqu’à la nuit, eurent leurs noms sur le tableau d’honneur et se pavanèrent dans leurs robes d’apparat.
Ainsi a été l’examen, ainsi ont été les circonstances de mon échec ; à qui les confier ? Mes esprits sont en un endroit et mon corps en un autre ; seule mon ombre le sait.
Ah ! si je m’étais donné la peine de travailler sérieusement, j’aurais été reçu depuis l’âge de 13 ou 17 ans. Mais j’ai voulu m’amuser, et les ans se sont accumulés aux ans, me rendant de plus en plus malchanceux.
Assez de plaintes ! Je n’ai pas approfondi le sens des leçons, et mes devoirs s’en sont ressentis fâcheusement.
Espérons que le prochain examen me sera plus favorable que celui-ci.
Peut-être qu’ayant déjà à son service d’habiles administrateurs du peuple, le roi n’a plus besoin de sages. Ou que manquant de précepteurs pour la jeunesse, le Ciel m’oblige à échouer encore.
Thi hỏng
Bụng buồn còn muốn nói năng chi,
Đệ nhất buồn là cái hỏng thi.
Một việc văn chương thôi cũng nhảm,
Trăm năm thân thế có ra gì ?
Được gần trường ốc vùng Nam Định,
Thua mãi anh em cánh Bắc Kỳ.
Rõ thực nôm hay mà chữ dốt,
Tám khoa chưa khỏi phạm trường quy.
(Khảo luận về Trần Tế Xương, p.112)
Echec à l’examen
Quand le cœur est triste, la bouche reste muette :
De première classe est le chagrin d’échec à l’examen.
Allons ! la littérature n’est que duperie,
Et compromise est ma vie.
Au camp d’examen de Nam Định
Tous mes camarades du Tonkin m’ont vaincu.
Habile nôm, je dois convenir de mon ignorance en chinois.
Huit sessions, et je n’ai pas cessé de contrevenir aux règlements de l’examen !
Plus le pauvre Trần Tế Xương échoue aux examens, et plus il s’amuse pour oublier sa douleur. Il s’enfonce ainsi de plus en plus dans la pauvreté, puis dans la plus noir misère. Et cette misère lui arrache, comme au pélican de Musset, ses plus beaux chants.
Than cùng
Người bảo ông cùng mãi,
Ông cùng thế này thôi.
Vợ lăm le ở vú,
Con tấp tểnh đi bồi.
Ai trói voi bỏ rọ.
Đời nào lợn cạo ngôi.
Khách hỏi nhà ông đến,
Nhà ông đã bán rồi.
(Op. cit. , p.125)
Plainte sur la misère
On dit que je suis tombé dans la misère.
Dans la misère je suis tombé, et après ?
Ma femme s’apprête à se faire embaucher comme nourrice,
Et mes fils rêvent de devenir boys.
Mais qui peut enfermer un éléphant dans une nasse ? 1
Et depuis quand un pourceau se rase-t-il les sourcils ? 2
Si quelque visiteur demande où je demeure,
Eh bien ! ma maison a été vendue !
Ce poème est un véritable éclat de rire sardonique poussé dans le paroxysme de la douleur. Le poète, qui prétend être un aristocrate, souffre affreusement à l’idée que, menacés de mourir de faim, sa femme et ses enfants aspirent à se faire embaucher comme servante et boys chez ignobles parvenus qu’il méprise. On ne peut imaginer rien de plus cruel que cette blessure faite à l’orgueil d’un lettré.
Heureusement, ce n’est là qu’une supposition gratuide, et injuste du poète . Bien qu’il soit resté fainéant toute sa vie, il n’a jamais été menacé de mourir de faim, grâce à sa femme admirable qui travaille péniblement pour lui donner quelque argent qu’il ira vite dépenser chez les chanteuses. Il en éprouve tout de même du remords dans ce poème qu’il adresse à sa femme, type admirable de l’épouse viêtnamienne dont nous aurons l’occasion d’exposer plus soigneusement la psychologie en étudiant la littérature populaire les lettrés évitant d’en parler, sauf exception, par orgueil de grand seigneur.
Tặng bà Tú
Quanh năm buôn bán ở mom sông,
Nuôi nấng năm con với một chồng.
Lặn lội thân cò khi quãng vắng,
Eo sèo mặt nước lúc đò đông.
Một duyên hai nợ âu đành phận,
Năm nắng mười sương dám quản công.
Cha mẹ thói đời ăn ở bạc,
Có chồng hờ hững cũng như không.
(Op. cit. , p.140)
A ma femme
Toute l’année, elle tient un commerce au bord de la rivière
Pour nourir cinq enfants et un mari.
Son corps de cigogne se fatigue dans les endroits déserts 1
Et souffre mille tracasserie en traversant l’eau sur une barque surchargée.
Que ce soit prédestination ou dette d’une existence antérieure, elle se résigne à son sort.
Pluie ou soleil, elle ne ménage pas sa peine.
Combien suis-je blâmable de lui être ingrat,
Car elle reste pesque continuellement seule comme si elle n’était pas mariée ! 1
Parce que Trần Tế Xương s’acharnait à se présenter aux examens, malgré des échecs répétés, il ne faudrait pas croire toutefois qu’il oubliât la honte de la domination étrangère. S’il avait été mandarin, il est probable qu’il aurait démissionné tout comme Nguyễn Khuyến. Réussir aux examens était un point d’honneur qui n’impliquait aucune attitude politique. Phan Bội Châu et Phan Chu Trinh, révolutionnaires farouches, ont été bien l’un licencié et l’autre docteur.
Entre deux parties de plaisir effréné, Trần Tế Xương s’est quelquefois mis à penser douloureusement à sa patrie, et il a exprimé discrètement son patriotisme dans ces poèmes :
Đêm buồn
Trời không chớp bể với mưa nguồn,
Đêm nảo đêm nao tớ cũng buồn.
Ngao ngán tình chung cơn gió thoảng,
Ngọt ngào quang cảnh bóng trăng xuông.
Khăn khăn, áo áo thêm rày chuyện,
Bút bút, nghiên nghiên khéo dở tuồng.
Ngủ quách ! việc đời thây kẻ thức,
Bên chùa chú trọc đã hồi chuông.
(Op. cit. , p.116)
Tristesse nocturne
L’éclair des orages ne luit pas dans le ciel, la pluie ne tombe pas à verse sur lesforêts,
Et pourtant chaque nuit la tristesse me gagne.
Le vent emporte dans son souffle léger mon écœurement,
La lumière de la lune doucement éclaire le mélancolique paysage.
Turbans et robes 1 , à quoi cela mène-t-il ?
Pinceaux et encriers 2 ne sont que de la comédie !
Dormons ! et laissons les gens éveillés s’occuper des affaires du monde.
Tenez ! A la pagode voisine le bonze à la tête rasée a déjà sonné l’angélus du matin.
Sông lấp
Sông kia dầy đã nên đồng,
Chỗ làm nhà cửa, chỗ giồng ngô khoai.
Đêm nghe tiếng ếch bên tai,
Giật mình còn tuởng tiếng ai gọi đò.
(Op. cit. , p.164)
L’arroyo comblé
L’arroyo est devenu de la terre ferme
Où ici s’élèvent des maisons, là s’étendent des champs de maïs et de patates.
La nuit, lorsque j’entends le coassement des grenouilles,
Je tressaille, croyant entendre quelqu’un appeler le batelier du bac. 3
Xuân
Xuân từ trong ấy mới ban ra,
Xuân chẳng riêng ai khắp mọi nhà.
Đì đẹt ngoài sân tràng pháo chuột,
Om thòm trên vách bức tranh gà.
Chí cha chí chát khua giày dép,
Đen thủi đen thui cũng lượt là.
Dám hỏi những nơi trong cố quận,
Rằng : “Xuân, xuân vẫn thế ru mà ?”
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1 Emblème des mandarins, simples marionnettes sans pouvoir.
2 Emblème des lettrés dont tout le savoir est vain devant les dangers courus par la patrie.
3 Allusion discrète au temps où le poète recevait la visite nocturne des révolutionnaires. Pour venir chez lui, ceux-ci devaient traverser l’arroyo sur un bac.
Le printemps
Le printemps, de la Capitale, a été octroyé 1
Et s’est répandu dans toutes les maisons sans exception.
A coups intermittents, dans la cour, crépitent de minuscules pétards,
Avec furie, sur le mur, s’ébattent des coqs peints.
Bruyamment résonnent les sandales
Des gens tout noirs de peau et tout de soie habillés !
Puis-je demander à mes concitoyens de la vieille cité :
“Sera-ce toujours ainsi, le printemps ?” 2
Mais, comme nous l’avons dit au début, le plus grand titre de gloire de Trần Tế Xuơng est d’être un auteur satirique de premier ordre. Rien qu’avec ses œuvres, on pourrait avoir une documentation très complète sur la société viêtnamienne de la fin du XIXè siècles. Dans sa galerie de portraits, toutes les classes de la société ont défilé : les lettrés, les mandarins, les Français aussi, les bourgeois, les bonzes, les prostituées, etc. Comme il n’est pas dans nos intentions de faire cette étude historico-sociologique, nous nous bornerons à citer quelques poèmes
Sur la société en général :
Than nền đạo lý
Có đất nào như đất ấy không ?
Phố phường tiếp giáp với bờ sông.
Nhà kia lỗi đạo con khinh bố,
Mụ nọ chanh chua vợ chửi chồng.
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1 Le calendrier, fixant la date du printemps, était octroyé par l’empereur qui affirmait par ce geste symbolique son autorité sur la terre et le ciel.
2 Le printemps, tel que le voyait le poète, se résumait en quelques scènes ridicules : pétards, estampes murales, parvenus faisant etalage de leurs richesses. Et le poète se demanda : “Si c’est là le printemps, il faudrait en pleurer plutôt que s’en réjouir. Quand reviendra le véritable printemps du pays ?”.
Keo cú người đâu như cứt sắt,
Tham lam chuyên thở những hơi đồng.
Bắc Nam hỏi khắp bao nhiêu tỉnh,
Có đất nào như đất ấy không ?
(Op. cit. , p.171)
La moralité du temps
Peut-on trouver un endroit comparable à cleui-ci
Où les rues voisinent avec les berges de la rivière ?
Ici, le fils impie méprise son père,
Là, la femme acariâtre insulte son époux.
Les uns sont avaricieux comme de la rouille de fer,
D’autres cupides ne respirent que l’haleine du cuivre 1.
Du Nord au Sud, parmi tant de provinces,
Peut-on trouver un endroit comparable à celui-ci ?
Sur la décadence ses études classiques :
Cái chữ nho
Nào có ra gì cái chữ nho,
Ông Nghè, ông Cống cũng nằm co.
Sao bằng đi học làm thầy Phán,
Tối rượu sâm banh sáng sữa bò.
(Op. cit. , p.133)
Les caractères chinois
D’aucune utilité sont les caractères chinois ;
Même les docteurs et licenciés sont condamnés au chômage.
Ne vaudrait-il pas mieux d’etudier le français pour devenir M. le Secrétaire
Qui boit du champagne le soir et du lait le matin.
Cái học nhà nho
Cái học nhà nho đã hỏng rồi,
Mười người theo học chín người thôi.
Cô hàng bán sách lim dim ngủ,
Thầy khóa tư lương nhấp nhổm ngồi.
Sĩ khí rụt rè gà phải cáo,
Văn chương liều lĩnh đấm ăn xôi,
Tôi đâu dám mỉa làng tôi nhỉ ?
Trình có quan tiên thứ chỉ tôi.
Sur les études du lettré
Les études des lettrés ont irrémédiablement compromises,
Et sur dix jeunes gens, neuf les ont abandonnées.
La libraire sommeille sur ses livres invendus,
L’étudiant s’inquiète sur son avenir incetain.
Le courage disparait chez les lettrés, devenus couards comme la poule devant le renard,
Et leur littérature a perdu toute mesure, comme un homme qui accepte d’être battu pour avoir un bol de riz gluant.
Ne croyez pas que je me suis permis de railler :
Que les notables du village voient et apprécient ! 1
Sur les candidats :
Khoa thi
Nhà nước ba năm mở một khoa,
Trường Nam thi lẫn với trường Hà.
Lôi thôi sĩ tử vai đeo lọ,
Ậm oẹ quan trường miệng thét loa.
Xe kéo rợp trời quan sứ đến,
Váy lê phết đất mụ đầm ra.
Sao không nghĩ đến điều tu sỉ,
Ngoảnh cổ mà xem lại nước nhà.
(Op. cit. ,p.118)
Une session d’examen
Tous les trois ans le Gouvernement organise un examen
Où sont réunis ensemble les camps de Nam Định et de Hanoi.
Gauchement les candidats portent sur leurs épaules une calebasse 1
Arrogamment les examinateurs braillent dans le porte-voix 2.
Cachant tout le ciel, les véhicules amènent M. le Résident ;
Trainant leurs jupes sur la terre, les dames l’accompagnent 3.
Pourquoi ne songeons-nous pas à la honte qui devrait nous animer
Regardez en arrière pour voir comment est notre pays.
Diễu người thi đỗ.
Một đàn thằng hỏng đứng mà trông,
Nó đỗ khoa này có sướng không ?
Trên ghế bà đầm ngoi đít vịt,
Dưới sn ông cử ngỏng đầu rồng.
(Op. cit. , p.119)
Plaisanterie sur les lauréats
Troupeau de recalés, regardez !
Sont-ils heureux, les bougres qui réussissent à cet examen !
Sur leurs chaises, les dames font trémousser leurs derrières de canes,
1 Contenant du thé destiné à être bu pendant l’examen.
2 Pour donner des ordres aux candidats.
3 Le Résident Supérieur du Tonkin tenait à assister à l’inauguration de chaque session d’examen, et à la proclamation des résultats. Il se faisait habituellement accompagner de quelques dames de la haute société francaise, curieuses de voir ce spectacle exotique.
Dans la cour, messieurs les licenciés dressent leurs têtes de dragons 1.
Lũ thi đỗ
Cử nhân, cậu ấm Kỷ,
Tú tài, con Đô Mỹ.
Học thế, thế mà thi,
Ối khỉ ôi là khỉ !
(Op. cit. , p.120)
Ceux qui ont réussi
Licencié, ce Kỷ, fils de mandarin !
Bachelier, cet enfant du clerc Đô Mỹ !
Et cela se prend pour des étudiants ! Et cela se présente à l’examen !
Grotesque ! oh ! que c’est grotesque !
L’auteur est exaspéré de ce que ces deux fils à papa, réputés pour leur incommensurable ignorance, aient été reçus.
Lắm quan
Ở phố hàng Song thật lắm quan,
Thành thì đen kịt, Đốc thì lang.
Chồng chung vợ chạ kìa cô Bố,
Đậu lạy quan xin nọ chú Hàn.
(Việt Nam thi văn giảng luận, p.388)
Ceux qui ont reussi
Licencie, ce Kỷ, fils de mandarin !
Bachelier, cet enfant du clerc Đô Mỹ!
1 Les lauréats devaient se prosterner dans la cour pour remercier les examinateurs. Dans la tribune étaient assis les hauts fonctionnaires français et leurs femmes.
Et cela se prend pour des étudiants ! Et cela se présente à l’examen !
Grotesque ! oh ! que c’est grotesque !
L’auteur est exaspéré de ce que ces deux fils à papa, réputés pour leur incommensurable ignorance, aient été reçus.
Lắm quan
Ở phố hàng Song thật lắm quan,
Thành thì đen kịt, Đốc thì lang.
Chồng chung vợ chạ kìa cô Bố,
Đậu lạy quan xin nọ chú Hàn.
(Việt Nam thi văn giảng luận, p.388)
Beaucoup de mandarins
De combien de mandarins s’honore la rue des Lianes !
Le Chef de milice est tout noir, le Directeur des écoles a un visage bigarré 1.
Célèbre par ses adultères est la femme du mandarin fiscal,
Tandis que l’académicien 2 a obtenu son grade grâce à ses génuflexions.
Ông Phủ Xuân Trường
Tri phủ Xuân Trường được bốn niên,
Nhờ trời hạt ấy được bình yên.
Chữ y, chữ chiểu không phê đến,
Ông chỉ phê ngay một chữ tiền.
(Khảo luận về Trần Tế xương, p.23)
M. le Préfet de Xuân Trường
Depuis quatre ans il est préfet de Xuân Trường
Qui grâce au ciel connaît la paix.
On ne l’y a vu annoter ou approuver aucune supplique 1,
Il n’a jamais approuvé que les cadeaux d’argent !
Ông đốc học
Ông về đốc học đã bao lâu !
Cờ bạc rong chơi rặt một màu.
Học trò chúng nó tội gì thế ?
Đến để cho ông vớ được đầu.
(Op. cit. , p.23)
M. le Directeur des écoles
Depuis quand êtes-vous directeur des écoles,
Vous qui êtes préoccupé uniquement par le jeu ?
De quel crime sont coupables les étudiants
Pour que vous leur saisissiez la tête ? 2
Sur les prostituées :
Cô Tây đi tu
Tháo nhẫn ma dê liệng xuống sông,
Thôi thôi tôi cũng mét xì ông.
Âu đành chùa đó, âu đành bụt,
Cũng chẳng con chi cũng chẳng chồng.
Chớ thấy câu kinh mà mặc kệ,
Ai ngờ chữ sắc hóa ra không.
Tôi đây cũng muốn như cô nhỉ,
Nhưng nợ trần gian rũ chửa xong.
(Op. cit. , p.58)
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1 Parce qu’il était illettré. Tout le travail de bureau était fait par des clercs.
2 Le Directeur des écoles, dont la tâche est de meubler la tête de ses élèves, s’est borné à prendre fictivement la direction.
Une concubine de Français qui entre en religion
Otant sa bague qu’elle lance dans la rivière,
Elle dit adieu à son mari français.
Sa maison sera la pagode, et ses compagnons les bouddhas,
Car elle n’aura plus besoin d’enfants ni d’époux.
Ne pensons pas qu’elle se désintéresse des prières 1
Et qui aurait cru qu’elle est revenue de la vanité du monde ?2
Je voudrais vous imiter aussi, ma belle,3
Mais je n’ai pas encore acquité ma dette envers la société.
Enfin, les bonzes même ne trouvent pas grâce devant la verve gouailleuse de notre poète satirique :
Lên đồng
Chẳng khốn gì hơn cái nợ chồng,
Thà rằng bạn quách với sư xong.
Một thằng trọc tuếch ngồi khua mõ,
Hai ả tròn xoe đứng múa bông.
Thấp thoáng bên đèn lên bóng cậu,
Thướt tha dưới án nguýt sư ông.
Chị em thỏ thẻ đêm thanh vắng
Chẳng xướng gì hơn lúc thượng đồng.
(Op. cit. , p.59)
Scéance de spiritisme
Rien de plus ennuyeux que les liens du mariage,
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1 Ce vers renferme un jeu de mots intraduisible. Kệ signifie à la fois se désintéresser de, et prières dans le double kinh kệ.
2 Jeu de mots aussi : Không marque la négation. Mais la locution sắc-không (forme-néant) traduit un enseignement du Bouddha, d’après lequel le monde sensible est inexistant.
3 Pour être auprès d’elle, le galant !
Et mieux vaut tenir compagnie à un bonze.
Assis, un drôle à la tête rasée frappe sur la crécelle;
Debout, deux filles tournoient en agitant des fleurs.
Sous la lumière vacillante d’une lampe, il évoque les esprits des génies,
Langoureusement près de l’estrade, elles font de l’œil au bonze.
Dans la nuit sereine, elles lui murmurent à l’oreille :
Rien de plus voluptueux que d’entrer en transe comme médium.
Hâtons-nous d’ajouter que ces bonzes qui font le déshonneur de la religion bouddhique n’ont jamais formé qu’une infime minorité, et ne peuvent apparaître que dans les moments où la société traverse une crise grave.