- Avant - Propos
- Chapitre I: La Littérature Sous La Dynastie Des Lý
- Chapitre II: La Littérature Sous Les Dynasties Des Trần Et Hồ
- Chapitre III: La Littérature Sous Les Dynasties Des Lê Et Mạc.
- Chapitre V: De 1740 Au Début Du Xixè Siècle
- Chapitre VI: La Littérature Sous Les Nguyễn Dans Leur Dernière Période De Pleine Souveraineté.
- Chapitre VII: La Littérature De 1862 À 1913.
N G U Y Ễ N D U
(1765 – 1820)
Né au village de Tiên Điền (province de Hà Tĩnh), d’une famille illustre qui avait donné, depuis la restauration des Lê, c’est-à-dire depuis deux cent ans, une suite ininterrompue de docteurs ès-lettres et de grands mandarins à la Cour. Son père Nguyễn Nghiêm et son frère Nguyễn Khản étaient tous les deux ministres et ducs. Lui-même fut reçu bachelier ès-lettres en 1783, à l’âge de 19 ans.
A la chute de la dysnastie des Lê, il s’enfuit au pays natal de sa femme (Thái Bình) où, avec son beau-frère, il essaya de soulever le peuple contre les Tây Sơn. Mais le prestige de la nouvelle dynastie fit échouer sa folle entreprise. Découragé, il se retira alors dans son village, à Tiên Điền, où il passait le temps à lire, chasser, et faire l’ascension des 99 sommets de la chaine montagneuse Hồng.
Il voulait rester fidèle aux Lê. Mais, après avoir vaincu les Tây Sơn, l’empereur Gia Long, pour se concilier la sympathie des peuples du Nord, appela à son service les anciens mandarins de la dynastie des Lê et leurs descendants. Nguyễn Du n’a pu se dérober à cet appel. De cette servitude obligatoire, de cette trahison involontaire envers ses anciens princes, il garderait jusqu’à la mort une douleur secrète et inconsolable qui perce dans tous ses poèmes.
Son chef d’œuvre, qui est en même temps le chef d’œuvre de la littérature viêtnamienne, est le Đoạn Trường Tân Thanh (Nouveau Chant des entrailles déchirées), roman-poème long de 3254 vers, tous beaux et qui méritent d’être cités intégralement. Dans l’impossibilité de le faire, nous nous bornerons à résumer le roman en donnant des extraits aux passages les plus intéressants.
Đ O Ạ N T R Ư Ờ N G T Â N T H A N H
I. Rencontre.
La famille Vương a trois enfants : deux filles et un garçon. Les deux sœurs Thúy Kiều et Thúy Vân sont également belles, mais tandis que celle-ci est une beauté douce, soumise, qui inspire la sympathie, Thúy Kiều est une beauté plus éclatante, plus altière, qui semble défier les foudres du destin :
Les traits de Vân sont d’une harmonie remarquable :
Un visage plein comme la lune, et des sourcils bien recourbés comme des vers-à- soie.
Son sourire est celui d’une fleur, et ses paroles sortent d’une double rangée de perles.
Les nuages sont moins vaporeux que ses cheveux, et la neige s’avoue moins blanche que sa peau.
Plus éclatante et plus ardente
Est la beauté de Kiều, infiniment supérieure.
Ses yeux ont la luminosité de l’eau en automne, et ses sourcils l’éclat verdoyant des montagnes au printemps.
Les fleurs, moins vermeilles, en sont jalouses, et les saules sont dépités d’être moins verts.
19.- Vân xem trang trọng khác vời :
Khuôn trăng đầy đặn, nét ngài nở nang.
Hoa cười ngọc thốt đoan trang,
Mây thua nước tóc, tuyết nhường màu da.
Kiều càng sắc sảo mặn mà,
So bề tài sắc lại là phần hơn.
Làn thu thủy, nét xuân sơn,
Hoa ghen thua thắm, liễu hờn kém xanh.
Vân xem trang trọng khác vời |
20 Khuôn trăng đầy đặn, nét ngài nở nang |
Hoa cười ngọc nói đoan trang |
Mây thua nước tóc, tuyết nhường màu da |
Kiều càng sắc sảo mặn mà |
So bề tài sắc lại là phần hơn |
25 Làn thu thuỷ, nét xuân sơn |
Hoa ghen thua thắm, liễu hờn kém xanh |
Un jour de printemps où :
Sur l’herbe tendre et verdoyante qui ondule jusqu’à l’horizon
Des poiriers en fleurs piquent quelques taches blanches.
41. Cỏ non xanh tận chân trời,
Cành lê trắng điểm một vài bông hoa.
les trois jeunes gens vont à la campagne visiter les tombes des ancêtres. En ce jour de la Fête des Morts, toutes sont entourées de soins pieux, à l’exception d’une qui paraît délaissée depuis longtemps :
Languissamment un ruisseau serpente
Traversé par un petit pont dressé au pied d’une falaise.
Aplati près du chemin se tapit un tertre de terre
Couvert d’une herbe flétrie, moitié jaune et moitié verte.
55. –Nao nao dòng nước uốn quanh
Dịp cầu nho nhỏ cuối gềnh bắc ngang.
Sè sè nấm đất bên đường
Dầu dầu ngọn cỏ, nửa vàng nửa xanh.
Thúy Kiều s’informe de la cause de cet abandon, et son frère Vương Quan lui apprend que là git une célèbre cantatrice, Đạm Tiên.
Qui fut, de son vivant, femme de tout le monde,
Et qui est mort, fantôme sans mari.
87.- Sống làm vợ khắp người ta
Hại thay ! thác xuống làm ma không chồng.
Prise de pitié, Thúy Kiều verse des pleurs sur l’infortunée cantatrice, et lui dédie un poème. Cependant, des grelots de cheval se font entendre, et les jeunes gens voient venir un jeune cavalier :
Avec pour tout bagage le vent et la lune,
Et suivi seulement par un petit groom.
La neige imprime sa blancheur sur le pelage de son cheval,
Et l’azur du ciel se combine avec le vert de l’herbe pour colorer sa robe.
Enfin ils le voient s’approcher et distinguent ses traits
Quand il descend de cheval pour venir les saluer.
Sur ses bottes brodées qui foulent l’herbe tendre,
Son corps gracieux fait penser à une gerbe de pierres précieuses.
137.- Đề huề lưng túi gió trăng,
Sau chưn theo một vài thằng con con.
Tuyết in sắc ngựa câu dòn,
Cỏ pha mùi áo nhuộm non da trời.
Nẻo xa mới tỏ mặt người,
Khách đà xuống ngựa tới nơi tự tình.
Hài văn lần bước dặm xanh,
Một vùng như thể cây quỳnh cành dao.
C’est un camarade de classe de Vương Quan. Les deux jeunes gens se saluent courtoisement, pendant que les deux jeunes filles :
Se cachent pudiquement derrière les fleurs.
142.- Hai kiều e lệ núp vào dưới hoa.
Mais déjà, entre Thúy Kiều et Kim Trọng :
L’amour éclate sous le masque des convenances.
Rêve-t-il ? Est-il éveillé ?
Il ne peut se résoudre à partir, mais ne saurait rester plus longtemps.
Le crépuscule les enveloppe de tristesse
Alors qu’il remonte à cheval, et qu’elle le poursuit furtivement du regard.
Sous le pont, l’eau coule, limpide ;
Près du pont, les feuilles de saule ondulent gracieusement dans l’ombre du soir.
164.- Tình trong như đã mặt ngoài còn e .
Chập chờn cơn tỉnh cơn mê
Rốn ngồi chẳng tiện, dứt về chỉn khôn.
Bóng tà như dục cơn buồn,
Khách đà lên ngựa, người còn nghé theo.
Dưới cầu nước chẩy trong veo,
Bên cầu tơ liễu bóng chiều thướt tha.
L’eau qui coule, c’est le temps qui passe, c’est l’image de l’adoré qui s’estompe. Et les feuilles qui tombent en tournoyant, c’est le cœur qui est pris dans les filets de l’amour.
De retour chez elle, Thúy Kiều rêve devant sa fenêtre. Son amie la lune semble comprendre son amour naissant.
L’astre des nuits se penche pour regarder à travers la fenêtre,
Eclaboussant d’or les rides de l’eau, et projetant l’ombre des arbres dans la cour.
173.-Gương nga chênh chếch dòm song,
Vàng gieo ngấn nước, cây lồng bóng sân.
Elle pense aussi à l’infortunée Đạm Tiên qui lui apparait bientôt en songe :
Soudain elle voit venir une jeune femme
Suprêmement élégant, et d’une beauté angélique.
Son visage semble couvert de rosée, et son corps de neige,
Et l’on ne saurait dire si elle est loin ou près, tant ses pas glissent dans une démarche vaporeuse.
187.- Thoắt đâu thấy một tiểu kiều,
Có chiều phong vận, có chiều thanh tân.
Sương in mặt, tuyết pha thân,
Sen vàng lãng đãng như gần như xa.
Quelle vision adorable de fantôme ! Thúy Kiều se voit confier que son nom figure déjà dans la liste des Entrailles déchirées. Le destin de Thúy Kiều est ainsi fixé par la double rencontre de ce jour mémorable : l’amour pour Kim Trọng, et la prédiction par Đạm Tiên qu’elle aura une vie malheureuse.
De son côté, Kim Trọng rentre abattu à sa chambre d’étudiant, où il travaillait si courageusement à préparer ses examens. Pauvre amoureux ! L’étude, l’ambition même de devenir un mandarin, a perdu à ses yeux tout charme.
La tristesse l’envahit de plus en plus,
Et un jour sans la revoir lui parait plus long que trois automnes.
Mais les nuages ont caché la chambre de la jeune fille,
Et il en est réduit à poursuivre son image en songe.
Il passe des nuits blanches devant la lune qui décline et la lampe qui se consume
A rêver à son visage, le cœur rempli de tristesse.
Dans sa chambre de travail, glacée comme du cuivre,
Il néglige son pinceau qui se déchèsse, et sa guitare dont les cordes se détendent.
Le vent a beau faire chanter les stores de gaze,
L’image de la bien-aimée le poursuit, jusque dans le parfum de l’encens et l’arôme du thé.
247.- Sầu đong càng lắc càng đầy,
Ba thu dọn lại một ngày dài ghê !
Mây Tần khóa kín song the,
Bụi hồng lẽo đẽo đi về chiêm bao.
Tuần trăng khuyết, đĩa dầu hao,
Mặt tơ tưởng mặt, lòng ngao ngán lòng.
Buồng văn lạnh ngắt hơi đồng,
Trúc se ngọn thỏ, tơ chùng phím loan.
Mành sương phơn phớt gió đàn,
Hương gây mùi nhớ, trà khan giọng tình.
N’y tenant plus enfin, il retourne au lieu où il a rencontré Thúy Kiều pour la première fois. Comment voit-il maintenant le paysage où son cœur a palpité d’amour à la vue de l’adorable jeune fille ?
Une étendue d’herbe d’un vert accablant
Où stagne une eau désespérément limpide, et rien de plus !
Le vent du soir ravive son chagrin
Comme les roseaux qui susurrent plaintivement à ses oreilles.
261.- Một vùng cỏ mọc xanh rì,
Nước ngâm trong vắt, thấy gì nữa đâu !
Gió chiều như gợi cơn sầu,
Vi lô hiu hắt như màu khơi trêu.
Mais l’amour rend ingénieux. Kim Trọng loue une maison à côté de celle de sa bien-aimée, et parvient à lui parler par-dessus le mur mitoyen :
Depuis que je vous rencontrai
Jour et nuit je n’ai cessé de penser à vous.
Mon corps décharné allait s’effrondrer
Car je n’espérais plus que ce jour bienheureux put arriver.
Des mois entiers mes esprits ont erré dans le palais des nuages,
Et j’étais décidé à vous attendre jusqu’à la mort.
Dites, je vous en prie,
Si votre regard veut bien s’abaisser vers l’humble lentille d’eau que je suis ?
323.- Rằng “Từ ngẫu nhĩ gặp nhau,
Thầm trông, trộm nhớ, bấy lâu đã chồn.
Xương mai tính đã rủ mòn,
Lần lừa, ai biết hãy còn hôm nay !
Tháng tròn như gửi cung mây,
Trần trần một phận ấp cây đã liều !
Tiện đây xin một hai điều
Đài gương soi đến dấu bèo cho chăng ?”
Tout d’abord la jeune fille se tient dans une sage réserve, puis, s’enflammant d’amour à son tour, elle lui promet le mariage. Mais leur tendre conversation est troublée, et ils se retirent chacun chez soi, la mort dans l’âme.
Depuis que la pierre de touche a éprouvé l’or,
L’amour est devenu plus pénétrant, et la tristesse plus vive.
La rivière Tương est bien peu profonde,
Mais sur ses rives, les amoureux s’attendent en vain.
363.- Từ phen đá biết tuổi vàng,
Tình càng thấm thía, dạ càng ngẩn ngơ.
Sông Tương một giải nông sờ,
Bên trông đầu nọ, bên chờ cuối kia.
Puis, un jour que ses parents, son frères et sa sœur sont allés assister à un festin d’anniversaire dans sa famille maternelle, Thúy Kiều s’enhardit à venir trouver Kim Trọng dans sa chambre d’étudiant, en s’excusant de n’avoir pu venir plus tôt comme il l’en a prié. Les deux jeunes amoureux causent joyeusement, heureux de pouvoir se contempler et de se parler librement, en toute innocence.
Au bout d’un instant, elle le quitte. Mais de retour chez elle, elle apprend que la sa famille ne reviendra que le lendemain matin. Spontanément, elle va retrouver son bien-aimé déjà endormi.
Il se réveille au bruit des souliers à talon de lotus
Et dans la lumière déclinante de la lune, voit s’avancer la jeune fille comme une fleur de poirier.
Il ne peut en croire ses yeux,
Et pense qu’il vit un songe d’une nuit de printemps.
Elle dit “Si dans le silence de la nuit profonde
Je suis venue, c’est pour répondre à l’amour par l’amour.
Nous voilà présentement face à face,
Qui sait si plus tard cet instant ne sera qu’un vain songe?”
437. Tiếng sen sẽ động giấc hòe,
Bóng trăng đã xế hoa lê lại gần.
Bâng khuâng đỉnh Giáp non Thần,
Còn ngờ giấc mộng đêm xuân mơ màng.
Nàng rằng : “Khoảng vắng đêm trường,
Vì hoa nên phải đánh đường tìm hoa.
Bây giờ rõ mặt đôi ta,
Biết đâu rồi nữa chẳng là chiêm bao ?”
On devine avec quels transports d’allégresse Kim Trọng l’accueille.
Il s’empresse de l’inviter à entrer,
Rallume les cierges, et ajoute du santal dans le brûle-parfum.
Ensemble ils rédigent un serment d’amour,
Et avec un couteau d’or, se coupent une mèche de cheveux en gage de fidélité.
La lune resplendit de tout son éclat au milieu du firmament
Pendant que deux bouches prononcent ensemble les mêmes paroles.
Du fond de leur cœur, ils se jurent
De graver leur amour dans leurs os jusqu’à la fin de la vie.
Heureux, ils boivent du vin dans une coupe de cristal
Cependant que le parfum de l’encens imprègne leurs robes de soie et que le paravent de verre réfléchit leurs deux visages.
445. Vội mầng làm lễ rước vào,
Đài sen nối sáp, đỉnh đào thêm hương.
Tiên thề cùng thảo một trương.
Tóc mây một món dao vàng chia đôi.
Vầng trăng vằng vặc giữa trời,
Đinh ninh hai miệng một lời song song.
Tóc tơ căn vặn tấc lòng,
Trăm năm tạc một chữ đồng đến xương.
Chén hà sánh giọng quỳnh tương,
Dải là hương lộn, bình gương bóng lồng.
N’oublions pas que les amoureux sont tous deux des artistes pour qui l’amour est aussi une forme d’art qui ne s’épanouit complètement que dans une atmosphère de poésie et de musique. Aussi ne sommes-nous pas étonnés qu’au lieu de lui conter fleurette Kim Trọng demande gravement à Thúy Kiều de lui composer d’abord un poème sur un tableau qu’il vient de peindre, puis de lui jouer de la guitare, qu’il lui présente respectueusement à la hauteur des sourcils. Obéissante, Thúy Kiều s’exécute. Sous ses doigts les notes s’envolent.
Tantôt claires comme le chant de la grue qui vole en plein ciel,
Et tantôt rauques comme le bruit que fait la source en tombant dans un précipice,
Tantôt cadencées comme le doux zéphir,
Et tantôt précipitées comme la pluie d’orage.
481.-Trong như tiếng hạc bay qua,
Đục như nước suối mới sa nửa vời.
Tiếng khoan như gió thoảng ngoài,
Tiếng mau sầm sập như trời đổ mưa.
Cependant la beauté de la jeune fille est tellement ensorcelante que Kim Trọng, aussi maître de lui soit-il, ne peut s’empêcher à la fin de s’en émouvoir. Ses sourires et ses regards se font voluptueusement pressants. Mais Thúy Kiều que nous avons vue passionnée au point de s’aventurer chez son amoureux en pleine nuit, d’un mot le calme. Car l’amour en elle ne se conçoit pas sans le respect que se doivent mutuellement les amoureux, respect qui serait détruit immanquablement par un libertinage prématuré.
Sans valeur est la petite rose,
Et le jardin fleuri ne se permet pas d’empêcher l’oiseau bleu de la visiter.
Mais puisque vous m’honorez comme une épouse,
Epouse, je dois vous garder ma virginité jusqu’au jour du mariage..
A quoi bon vous hâter de contraindre la fleur et le saule,
Mon corps vous appartient déjà, et sera à vous quand l’heure es sera venue.
503.- Vẻ chi một đóa yêu đào,
Vườn hồng chỉ dám ngăn rào chim xanh ?
Đã cho vào bậc bố kinh,
Đạo tòng phu lấy chữ trinh làm đầu.
521.- Vội chi ép liễu hoa nài,
Còn thân ắt cũng đền bồi có khi.
- II. Séparation
Subitement, le drame éclate. Un domestique vient informer Kim Trọng que son oncle est mort à Liêu Dương, et qu’il doit s’y rendre immédiatement pour conduire le cercueil au pays natal. Déchirante est la séparation des deux êtres qui viennent à peine de gouter le bonheur d’être réunis. Kim Trọng se lamente :
Quel évènement épouvantable
Avant que le mariage vienne consacrer notre amour !
Mais la lune est toujours là, qui fut témoins de notre serment,
Et ce n’est pas l’absence qui pourra refroidir mon cœur.
Dix mille lieues me sépareront de vous, peut-être pour trois hivers,
Pendant lesquels je ne saurai comment faire pour dominer mon chagrin.
Au moins, prenez soin de votre santé qui m’est plus précieuse que l’or et le diamant
Pour que celui qui sera bientôt au pied des nuages et au bout du ciel puisse partir le cœur tranquille.
539.- Sự đâu chưa kịp đôi hồi,
Duyên đâu chưa kịp một lời trao tơ.
Trăng thề còn đó trơ trơ,
Dám xa xôi mặt mà thưa thớt lòng.
Ngoài nghìn dặm, chốc ba đông,
Mối sầu khi gỡ cho xong còn chầy.
Gìn vàng giữ ngọc cho hay,
Cho đành lòng kẻ chân mây cuối trời.
Thúy Kiều ne peut cacher aussi son émotion :
Nous nous sommes fait un serment solennel ;
Même si mes cheveux blanchissent, mon cœur ne changera pas.
Je vous attendrai, des mois et des années sans me plaindre,
Mais combien vous allez souffrir en affrontant le vent et la brume sur les grands chemins !
551.- Cùng nhau trót đã nặng lời,
Dẫu thay mái tóc, dám rời lòng tơ.
Quản bao tháng đợi năm chờ,
Nghĩ người ăn gió nằm sương, xót thầm.
Enfin, l’heure de la séparation a sonné :
Ils ne se décident pas à se lâcher la main
Que déjà l’aube blanchit sur le toit de la maison.
Avec regret il s’éloigne pas à pas,
Tandis qu’elle lui fait ses dernières recommandations en versant des larmes.
Son cheval sellé et ses bagages arrimés en hâte, il s’en va
Emportant sa part de chagrin, cependant que la distance les sépare l’un de l’autre.
Tristement il regarde le paysage étranger :
Sur les branches d’arbres, des râles d’eau poussent des gémissements, tandis que sur le ciel des hirondelles s’envolent en rangs dispersés.
Oh ! que sont navrants le vent et la pluie en cours de route !
Chaque jour qui s’écoule alourdit un peu plus son mal d’amour .
559.- Dùng dằng chưa nỡ rời tay,
Vầng đông trông đã đứng ngay nóc nhà.
Ngại ngùng một bước một xa,
Một lời trân trọng, châu xa mấy hàng.
Buộc yên quẩy gánh vội vàng,
Mối sầu sẻ nửa, bước đường chia hai.
Buồn trông phong cảnh quê người,
Đầu cành quyên nhặt, cuối trời nhạn thưa.
Nào người cữ gió tuần mưa,
Một ngày nặng gánh tương tư một ngày.
Le malheur ne vient jamais seul. Une meute de policiers fait irruption dans la demeure des Vương pour arrêter M.Vương et son fils faussement accusés de complicité avec des pirates. Ils les emmènent après les avoir torturés sauvagement et fait main basse sur toux les bijoux et l’argent qu’ils trouvent. Une personne charitable, M.Chung, fait savoir qu’avec 300 onces d’or il pourra obtenir du mandarin-juge un non –lieu . Thúy Kiều n’hésiste pas entre son amour et son devoir. Pour sauver son père, elle est prête à se vendre à qui apporterait cette somme. Une entremetteuse amène bientôt un homme :
Ayant dépassé la quarantaine
Le visage soigneusement rasé, et les vêtements d’une élégance recherchée.
627.- Quá niên trạc ngoại tứ tuần,
Mày râu nhẵn nhụi, áo quần bảnh bao.
Cest en réalité un patron de maison close qui recrute des pensionnaires. Il examine Thúy Kiều, l’oblige à improviser un poème et à jouer de la guitare pour apprécier ses talents artistiques, s’en montre satisfait et, après un sordide marchandage, consent à acheter Thúy Kiều, soi-disant pour en faire sa concubine.
M. Vương est libéré. Mais quand il apprend au prix de quel sacrifice, il se jette contre le mur pour se suicider :
Qu’important les tortures à mon corps décrépit ?
Je ne puis sacrifier mon enfant pour sauver mes vieux jours.
Tôt ou tard, il faudra bien que je meure,
Plutôt mourir que souffrir une telle douleur !
661.- Búa rìu bao quản thân tàn,
Nỡ đầy đọa trẻ, càng oan khốc già.
Một lần sau trước cũng là,
Thôi thì mặt khuất, chẳng thà lòng đau.
Thúy Kiều l’en empêche avec de sages paroles :
L’arbre vénérable que vous représentez
Doit encore soutenir de nombreuses branches.
Si vous ne vous résignez pas à me perdre,
L’orage s’abattra sur notre famille entière,
Tandis qu’avec le sacrifice de ma seule personne
Les feuilles restent vertes sur l’arbre si une fleur est fanée.
673.- Cỗi xuân tuổi hạc càng cao,
Một cây gánh vác biết bao nhiêu cành.
Lòng tơ dù chẳng dứt tình,
Gió mưa âu hẳn tanh tành nước non.
Thà rằng liều một thân con,
Hoa dù rã cánh, lá còn xanh cây.
Mais en réalité, elle souffre affreusement. Non pas d’être arrachée à sa famille pour mener la vie dégradante d’une concubine, mais de faillir à son amour pour Kim Trọng. Et elle pleure amèrement au milieu de la nuit, cependant que sa jeune soeur Thúy Vân d’endort candidement.
Réveillée de som sommeil printanier,
Thúy Vân s’approche de sa sœur et lui dit affectueusement :
“Le malheur qui s’abat sur notre famille,
Vous le supportez seule pour nous en préserver.
Pourquoi, ma sœur, restez-vous encore éveillée alors que la nuit est déjà anvancée ?
Auriez-vous quelque peine de cœur ?”
Thúy Kiều répond : “Oui, mon cœur n’est pas tranquille
Parce qu’il reste entortillé dans un filet qu’il ne peut dénouer.
Honteuse je suis d’avouer ce secret,
Mais en le gardant je manquerais à son affection.
Si tu acceptes de faire ce que je te dis,
Assieds-toi là, que je me proterne à tes pieds, et écoute-moi.
Notre amour est brisé à mi-chemin,
Et c’est à toi que je confie le soin d’en renouer les fils.
Sais-tu bien que depuis notre rencontre avec Kim,
Nous nous sommes juré un amour éternel en échangeant nos éventails et en buvant ensemble une coupe de vin ?
Mais le vent de l’adversité a soufflé sur les flots,
Et je ne puis maintenir intacts à la fois mon amour et ma piété filiale.
Tes jours de printemps sont encore nombreux,
Aie pitié de ton sang, et accomplis le serment d’amour à ma place.
Même si je devais avoir la chair écrasée et les os brisés,
Je sourirais de bonheur dans les Sources du Royaume des Ombres.
Voici le mouchoir qu’il m’a confié, et le papier où est écrit notre serment.
Garde-les en dépôt de notre amour.
Plutard, quand tu seras sa femme,
N’oublie pas ta sœur infortunée.
À défaut de ma personne,
La guitare et le brûle-parfum, témoins du serment, seront toujours là.
Un de ces jours,
En brûlant de l’encens et en jouant de la guitare,
Si tu vois sur l’herbe et les feuilles d’arbres
Souffler un vent léger, tu sauras que c’est mon âme qui revient,
Mon âme toujours rivée à son serment d’amour.
Qu’importe que mon corps fragile soit détruit, pourvu que ma dette d’amour soit tenue grâce à toi !”
713.- Thúy Vân chợt tỉnh giấc xuân,
Dưới đèn ghé lại ân cần hỏi han.
“Cơ trời dâu bể đa đoan,
Một nhà để chị riêng oan một mình.
Cớ chi ngồi nhẫn tàn canh,
Nỗi riêng còn mắc với tình chi đây ?”
Rằng : “Lòng rổn rã thức đầy,
Tơ duyên còn vướng mối này chưa xong.
Hở môi ra cũng thẹn thùng,
Để lòng, thì phụ tấm lòng với ai.
Cậy em, em có chịu lời,
Ngồi lên cho chị lạy rồi sẽ thưa,
Giữa đường đứt gánh tương tư,
Giao loan chấp mối tơ thừa mặc em.
Kể từ khi gặp chàng Kim,
Khi ngày quạt ước, khi đêm chén thề.
Sự đâu sóng gió bất kỳ,
Hiếu tình có lẽ hai bề vẹn hai ?
Ngày xuân em hãy còn dài,
Xót tình máu mủ, thay lời nước non.
Chị dầu thịt nát xương mòn,
Ngậm cười chín suối hãy còn thơm lây.
Chiếc vành với bức tờ mây,
Duyên này thì giữ, vật này của chung.
Dù em nên vợ nên chồng,
Xót người mệnh bạc, ắt lòng chẳng quên.
Mất người còn chút của tin,
Phím đàn với mảnh gương nguyền ngày xưa.
Mai sau dầu có bao giờ,
Đốt lò hương ấy, so tơ phím này.
Trông ra ngọn cỏ lá cây,
Thấy hiu hiu gió thì hay chị về.
Hồn còn mang nặng lời thề,
Nát thân bồ liễu, đền nghì trúc mai.
Cependant, le drame est consommé : Mã Giám Sinh, le patron de maison close, épouse Thúy Kiều :
Quelle pitié pour la fleur de camélia
Dont les chemins sont ouverts à l’abeille !
Une furie tempêtueuse
Violente sans ménagement sa délicatesse et son parfum.
845.- Tiếc thay một đóa trà mi,
Con ong đã tỏ đường đi lối về !
Một cơn mưa gió nặng nề,
Thương gì đến ngọc, tiếc gì đến hương.
puis l’emmène à Lâm Chuy. Le voyage dure un mois, pendant lequel elle ne voit en cours de route que :
Des roseaux frissonnants sous le vent froid,
Lui faisant un ciel mélancolique à elle toute seule,
Et par les nuits claires sans brume,
La lune qui semble lui reprocher son parjure envers le bien-aimé.
Dans la forêt automnale où le vert au pourpre se mêle,
Les chants des oiseaux la font songer aux soins qu’elle doit à ses parents.
913.- Vi lô san sát hơi may,
Một trời thu để riêng ai một người.
Dặm khuya ngất tạnh mù khơi,
Thấy trăng mà thẹn những lời non sông.
Rừng thu từng biếc chen hồng,
Nghe chim như nhắc tấm lòng thần hôn.
A son arrivée, elle est recue par une femme qui a :
Une peau d’une pâleur inquiétante
Avec une taille gigantesque qui fait frémir.
923.- Thoắt trông nhờn nhợt màu da,
Ăn gì to lớn, đẫy đà làm sao ?
C’est Tú Bà, l’infâme associée de Mã Giám Sinh. Elle oblige Thúy Kiều à l’appeler maman et à saluer en Mã Giám Sinh son oncle. Étonnée Thúy Kiều déclare qu’elle a été épousée par celui-ci. Alors Tú Bà, comprenant qu’elle a perdu sa virginité, se met en une colère épouvantable et ordonne de la fouetter. Réalisant qu’elle est tombée dans un milieu infâme, la jeune fille se frappe la poitrine avec son poignard, et tombe au milieu d’une mare de sang. On l’emporte évanouie. En rêve, elle revoit Đạm Tiên qui lui murmure à l’oreille que son destin n’est pas achevé, qu’elle doit l’endurer jusqu’au bout pour expier ses fautes d’une existence antérieure, et lui donne rendez-vous sur le fleuve Tiền Đường.
Elle se rétablit lentement. Tú Bà lui promet de la marier honnêtement à l’homme généreux qui lui rembourserait ses dépenses, puis l’installe au pavillon Ngưng Bích.
Tout autour c’est l’immensité
Des dunes de sable jaune, et des buissons de roses.
Confuse devant les nuages du matin et la lampe du soir,
Elle partage son temps entre la contemplation du paysage et les souvenirs de son cœur.
Où est maintenant celui à qui elle a juré fidélité
Au clair de lune, en buvant le vin de l’union ?
Maintenant qu’elle est perdue dans ce coin du ciel, au bout de la mer,
Comment pourrai-elle jamais enlever de son cœur ce souvenir ineffacable ?
Puis elle pense à ses vieux parents qui doivent l’attendre, appuyés sur les battants de la porte.
Qui, à sa place, les évente en été et les rechauffe en hiver ?
Tristement elle regarde la mer au crépuscule ;
Quelle est donc cette barque dont les voiles se profilent au loin ?
Tristement elle regarde le torrent qui se précipite
Emportant dans son courant des fleurs : pour quelle destination inconnue ?
Tristement elle regarde la prairie à l’herbe desséchée
Qui étale jusqu’à l’horizon sa nappe uniformément verte.
Tristement elle regarde le vent qui se lève sur l’estuaire,
Soulevant les flots en un rugissement qui l’enveloppe de toutes parts.
1035.- Bốn bề bát ngát xa trông,
Cát vàng cồn nọ, bụi hồng dặm kia.
Bẽ bàng mây sớm đèn khuya,
Nửa tình nửa cảnh như chia tấm lòng.
Tưởng người dưới nguyệt chén đồng,
Tin sương luống hãy rày trông mai chờ.
Bên trời góc bể bơ vơ,
Tấm son gột rửa bao giờ cho phai.
Xót người tựa cửa hôm mai,
Quạt nồng ấp lạnh những ai đó giờ ?
Buồn trông cửa bể gần hôm,
Thuyền ai thấp thoáng cánh buồm xa xa ?
Buồn trông ngọn nước mới sa,
Hoa trôi man mác biết là về đâu ?
Buồn trông nội cỏ dàu dàu,
Chưn mây mặt đất một màu xanh xanh.
Buồn trông gió cuốn mặt duềnh,
Ầm ầm tiếng sóng kêu quanh ghế ngồi.
Pour se distraire, elle récite un poème. Une voix lui répond. C’est :
Un jeune homme dans la fleur de son printemps
Habillé avec recherche, la robe et le turban gracieux.
1059.- Một chàng vừa trạc thanh xuân,
Hình dong chải chuốt, áo khăn dịu dàng.
Hélas ! C’est Sở Khanh, un Don Juan malhonnête, complice de la patronne Tú Bà. Sur l’ordre de celle-ci, il propose à Thúy Kiều de s’enfuir avec lui. Inexpérimentée, la jeune fille tombe dans le piège. Elle est rettrappée et frappée cruellement pour avoir pris la fuite. De désespoir, elle se résigne à exercer l’ignoble métier de prostituée, où elle ne tarde pas à se créer une réputation éclatante.
Mais dans ses moments de lucidité, ou quand elle se réveille tard dans la nuit,
Elle sursaute de terreur en pensant à son sort.
Jadis jeune fille abritée derrière ses appartements de brocart et de soie,
Elle est devenue une fleur éparpillée au milieu de la route,
Soumise à l’outrage du vent et de la brume,
Des papillons et des abeilles.
Elle laisse les autres jouir d’elle,
Ne connaissant, quant à elle, aucun plaisir du printemps.
1233.- Khi tỉnh ruợu, lúc tàn canh,
Giật mình, mình lại thương mình xót xa.
Khi sao phong gấm rủ là,
Giờ sao tan tác như hoa giữa đường ?
Mặt sao dày gió dạn sương,
Thân sao bướm chán, ong chường bấy thân ?
Mặc người mưa Sở mây Tần,
Những mình nào biết có xuân là gì !
Heureusement un jeune bourgeois, Thúc Sinh, originaire de la préfecture de Tích, et qui est venu à Lâm Chuy pour y installer un comptoir de commerce, entend vanter la beauté de Thúy Kiều. Il vient la voir, en tombe amoureux, et la rachète à Tú Bà. Prudemment, Thúy Kiều lui conseille d’avouer ce concubineage à Hoạn Thư, sa femme, plutôt que d’encourir sa juste colère lorsqu’elle en sera instruite. Mais Thúc Sinh s’y refuse. Un an après, il est obligé de rentrer chez lui ; Thúy Kiều renouvelle ses recommandations d’avouer tout à Hoạn Thư.
“Si vous m’aimez, n’oubliez pas mes paroles.
Un an est vite passé, et nous nous reverrons.
En ce jour, je vous présente un verre d’adieu,
En attendant le plaisir de vous présenter un verre de réunion, ce même jour, l’an prochain.”
Elle relâche enfin sa robe, et Thúc Sinh monte à cheval
Pour se diriger vers la forêt de peupliers, que l’automne a colorée de sa teinte mélancolique.
Son cheval soulève des nuages de poussière
Qui empêchent Thúy Kiều de l’apercevoir à travers les champs verts de mûrier.
Elle revient, seule avec son ombre durant les cinq veilles de la nuit,
Tandis que lui s’aventure sur dix mille lieues au loin.
Qui a partagé la lune en deux parts
Dont l’une s’imprime sur l’oreiller solitaire de celle qui reste, tandis que l’autre éclaire la longue route de celui qui part ?
1515.- “Thương nhau xin nhớ lời nhau,
Năm chầy cũng chẳng đi đâu mà chầy !
Chén đưa nhớ bữa hôm nay,
Chén mầng xin đợi ngày này năm sau .”
Người lên ngựa, kẻ chia bào,
Rừng phong thu đã nhuộm màu quan san.
Dặm hồng bụi cuốn chinh an,
Trông người đã khuất mấy ngàn dâu xanh.
Người về chiếc bóng năm canh,
Kẻ đi muôn dặm một mình xa xôi.
Vầng trăng ai xẻ làm đôi ?
Nửa in gối chiếc, nửa soi dặm trường.
Hoạn Thư acceuille son mari comme si elle ne savait rien de sa trahison. S’il l’avouait, elle lui pardonnerait peut-être, mais il garde un lâche silence. Alors elle se décide à se venger cruellement. Elle l’invite, au bout de quelques mois, à revenir s’occuper de son commerce à Lâm Chuy. Tout heureux, Thúc Sinh vole à la rencontre de sa bien–aimée. Hélas, sa maison a été détruite par un incendie, et sa concubine introuvable. En réalité, Hoạn Thư a fait enlever celle-ci par ses domestiques, et incendier sa maison.
Quand Thúc sinh revient tout triste chez lui, il revoit Thúy Kiều sous le costume d’une esclave. C’est la vengeance terrible de sa femme qui le condamne à assister au martyre de sa bien-aimée sans pouvoir la défendre.
Pendant que les deux époux festoient,
Thúy Kiều est obligée de se tenir à leurs côtés pour les servir,
D’obéir au moindre geste, à la moindre parole,
De s’agenouiller pour le verser à boire.
Thúc Sinh, fou de douleur,
Ne peut retenir ses larmes en buvant verre sur verre.
Il détourne sa tête pour parler ou pour rire
Puis, arguant d’être ivre, demande à se retirer.
Mais sa femme de s’écrier aussitôt : “Esclave Fleur !
Si tu ne réussis pas à l’inviter à vider son verre, tu seras fouettée.”
Epouvanté, l’âme chavirée,
Thúc Sinh doit boire l’alcool qui lui parait amer comme le fruit du savonnier.
Sa femme cependant continue à rire et à parler, comme si elle était à moitié ivre,
Et propose un autre jeu, le festin n’étant pas encore achevé.
“L’esclave Fleur est pleine de talents, dit-elle,
Qu’elle prenne sa guitare et joue un air pour vous distraire.”
Thúy Kiều, complètement hébétée,
Doit obéir, et s’avance devant le paravent pour accorder sa guitare.
Sous ses doigts, les quatre cordes semblent pleurer et gémir,
Bouleversant le cœur des auditeurs.
La même musique
Fait sourire l’une, et pleurer l’autre en cachette.
Malgré lui, Thúc sinh laisse couler abondamment ses larmes
Et incline sa tête pour les essuyer furtivement.
Sa femme, de nouveau, gronde :
“Dans un festin joyeux, pourquoi joues-tu cet air triste ?
Pourquoi ne veux-tu pas y faire attention ?
Si tu le rends triste, je t’en rendrai responsable.”
A ces mots, Thúc sinh, tout frissonnant,
S’empresse de parler et de rire pour conjuger le péril.
Cependant la clepsydre annonce la troisième veille
Et Hoạn Thư se juge satisfaite en regardant les visages de ses victimes.
Son cœur palpite d’une joie mauvaise
De cette vengeance qui la dédommage de sa douleur passée.
1835. Vợ chồng chén tạc, chén thù,
Bắt nàng đứng chực trì hồ đôi bên.
Bắt khoan, bắt nhặt, đến lời,
Bắt quì tận mặt, bắt mời tận tay.
Sinh càng như dại như ngây,
Giọt dài giọt ngắn, chén đầy chén vơi.
Ngảnh đi, chợt nói chợt cười,
Cáo say, chàng đã giạm bày lảng ra.
Tiểu thư vội thét : “Con Hoa !
Khuyên chàng chẳng cạn, thì ta có đòn.”
Sinh càng nát ruột tan hồn,
Chén mời phải ngậm bồ hòn cạn ngay.
Tiểu thư cười nói tỉnh say,
Chửa xong cuộc ruợu, lại bày trò chơi.
Rằng : “Hoa nô đủ mọi tài,
Bản đàn thử giạo một bài chàng nghe.”
Nàng đà tán hoán, tê mê,
Vâng lời ra trước bình the vặn đàn.
Bốn dây như khóc như than,
Khiến người trên tiệc cũng tan nát lòng.
Cũng trong một tiếng tơ đồng,
Người ngoài cười nụ, người trong khóc thầm.
Giọt châu lã chã khôn cầm,
Cúi đầu, chàng những gạt thầm giọt sương.
Tiểu thư lại thét lấy nàng :
“Cuộc vui gẩy khúc đoạn trường ấy chi ?
Sao chẳng biết ý tứ gì ?
Cho chàng buồn bã, tội thì tại ngươi !”
Sinh càng thảm thiết bồi hồi,
Vội vàng gượng nói gượng cười cho qua.
Giọt rồng canh đã điểm ba,
Tiểu thư nhìn mặt dường đà cam tâm.
Lòng riêng tấp tểnh mâng thầm,
Vui này đã bõ đau ngầm xưa nay.
Thúy Kiều, à la fin, parvient à s’échapper de cet enfer.
Comme dans un monde irréel, elle marche sur des étendues de sable parsemées de buissons d’arbres.
Pendant que les coqs annoncent les veilles aux postes de garde baignés de lune, et que ses pas s’impriment sur le pont humide de rosée . . .
Jeune femme, sur une longue route, par une nuit profonde,
Elle s’aventure, moitié effrayée des périls du chemin, et moitié pleurant sur son infortune.
2029.- Mịt mù dặm cát đồi cây,
Tiếng gà điểm nguyệt, dấu giầy cầu sương.
Canh khuya thân gái dặm trường,
Phần e đường sá, phần thương dãi dầu.
Elle s’écroule exténué dans une pagode, où la bonzesse Giác Duyên l’accueille avec bonté. Mais une cliente, Bạc Bà, l’aperçoit, épouvante la bonzesse en insinuant que sa protégée pourrait être une criminelle fugitive, et finalement offre de s’en occuper. Thúy Kiều, à peine remise à Bạc Bà, est vendue de nouveau à une maison close. Elle s’y résigne stoïquement.
Maudit soit son destin de rose !
A peine échappée, la voilà qui y est de nouveau enchainée !
Combien dure lui est l’existence !
A quoi bon être si douée de talents pour que le ciel et la terre en soient jaloux ?
2151.- Chém cha cái số đào hoa,
Gỡ ra, rồi lại buộc vào như chơi !
Nghĩ đời mà ngán cho đời !
Tài tình chi lắm, cho trời đất ghen.
Cependant, à quelque chose malheur est bon. Au milieu de l’approbre qui l’étouffe, elle fait la connaissance d’un homme extraordinaire :
Une barbe de tigre, une mâchoire d’hirondelle, des sourcils en forme de ver-à-soie,
Des épaules larges de cinq pouces, et la taille haute de dix pieds.
Tel est ce héros majestueux
Qui unit à une force prodigieuse le génie de la science militaire.
Superbe sous le ciel au-dessus de sa tête, et sur la terre qu’il foule de ses pieds,
Il a nom de Từ Hải, étant originaire de Việt Đông.
Il se plait à s’aventurer sur les fleuves et les lacs
Qu’il parcourt avec pour tout bagage une épée, une guitare et une rame.
2.167 Râu hầm, hàm én, mày ngài,
Vai năm tấc rộng, thân mười thước cao.
Đường đường một đấng anh hào,
Côn quyền hơn sức, lược thao gồm tài.
Đội trời đạp đất ở đời,
Họ Từ tên Hải, vốn người Việt Đông.
Giang hồ quen thói vẫy vùng,
Gươm đàn nửa gánh, non sông một chèo.
Dès leur première rencontre, ces deux êtres supérieurs s’estiment réciproquement. Et ils vont abriter leur bonheur dans une solitude à deux.
Mais au bout de six mois, alors que leur amour est encore tout ardent,
Le héros sent se réveiller en son cœur la soif de l’aventure.
Regardant au loin le ciel et la mer immenses,
Il selle son cheval, ceint son épée, et se met en route.
Elle lui dit : “Le devoir d’une femme est de suivre son mari.
Où vous irez, je vous suivrai.”
Từ Hải lui répond : “Unis comme nous sommes de cœur et d’esprit,
Pourquoi n’êtes-vous pas encore dégagée de ces sentiments efféminés ?
Quand j’aurai acquis une renommée hors pair,
Alors je viendrai vous conduire à l’autel de l’hyménée.
Mais maintenant, je ne sais où me loger sur les quatre mers,
Et vous ne feriez que me gêner en m’accompagnant sur les grands chemins.
Résignez-vous à m’attendre ici un certain temps.
Au plus tard dans un an, nous nous reverrons, soyez sans crainte.”
2213.- Nửa năm hương lửa đương nồng,
Trượng phu thoắt đã động lòng bốn phương.
Trông vời trời bể mênh mang,
Thanh gươm yên ngựa lên đàng thẳng dong.
Nàng rằng : “Phận gái chữ tòng,
Chàng đi thiếp cũng một lòng xin theo.”
Từ rằng : “Tâm phúc tương tri,
Sao chưa thoát khỏi nữ nhi thường tình ?
Bao giờ mười vạn tinh binh,
Tiếng chiêng dậy đất, bóng tinh rợp đường,
Làm cho rõ mặt phi thường,
Bấy giờ ta sẽ rước nàng nghi gia.
Bằng nay bốn bể không nhà,
Theo càng thêm bận, biết là đi đâu ?
Đành lòng chờ đón ít lâu,
Chầy chăng là một năm sau, vội gì ?”
Thúy Kiều reste donc de nouveau seule avec ses pensées.
Elle pense à sa maison natale, à dix mille lieues de distance,
En suivant du regard les nuages qui flottent dans le lointain.
Que ses vieux parents sont à plaindre !
Se sont –ils consolés de la perte de leur fille ?
Plus de dix ans ont passé,
Et, s’ils sont encore en vie, leur peau doit être de la couleur de l’écaille, et leurs cheveux de celle de la neige.
Puis elle pense à son premier amour 1
Semblable à un bourgeon de lotus déjà brisé, mais dont les filaments enserrent encore son cœur.
Si sa jeune soeur a renoué le fil rouge à sa place,
Peut-être a-t-elle déjà de nombreux enfants.
A sa nostalgie se mêlent encore
D’autres inquiétudes qui lui tourmentent le cœur.
Depuis que la grue sauvage 2 s’est envolée dans les hautes altitudes,
Elle a beau écarquiller ses yeux, rien n’apparait dans le ciel immense.
2235.- Đoái thương muôn dậm tử phần,
Hồn quê theo ngọn mây Tần xa xa.
Xót thay huyên cỗi xuân già,
Tấm lòng thương nhớ biết là có nguôi ?
Chốc là mười mấy năm trời,
Còn ra khi đã da mồi tóc sương.
Tiếc thay chút nghĩa cũ càng,
Dẫu lìa ngó ý, còn vương tơ lòng.
Duyên em dầu nối chỉ hồng,
May ra khi đã tay bồng tay mang.
Tấc lòng cố quốc tha hương,
Đường kia nỗi nọ ngồn ngang bời bời.
Cánh hồng bay bổng tuyệt vời,
Đã mòn con mắt, phương trời đăm đăm.
Mais le héros lui tient parole. Un beau jour :
Des soldats en armes viennent entourer sa maison,
Et d’un même cri demandent “Où est Son Altesse ?”
Dix généraux placés sur deux rangs
Déposent leurs épées, leurs armures, et sagenouillent devant la cour,
Suivis d’un groupe de servantes,
En disant : “Sur l’ordre du Prince, nous venons conduire Votre Altesse chez lui.”
Un palanquin orné de phénix l’attend dehors,
Entouré de gardes somptueusement vêtus.
L’ordre du départ est donné : les tambours résonnent, les étendards se déploient.
Musique en tête, son palanquin d’or avance,
Précédé d’estafettes qui courent devant
Pour annoncer son arrivée au Grand Etat Major.
Aussitôt le canon tonne, la citadelle se couvre de drapeaux,
Et le Seigneur Từ, à cheval, vient la recevoir à la grande porte,
A son aise dans ses vêtements royaux
Et l’air toujours majestueux avec sa mâchoir d’hirondelle et ses sourcils en forme de vers-à-soie.
Il l’acueille en riant : “Nous voilà réunis comme le poisson dans l’eau.
Vous souvient-il encore de mes paroles d’autrefois ?
Vos yeux d’héroine ont su discerner en moi un héros,
Etes-vous contente maintenant ?”
Doucement elle répond : “Je ne suis qu’une faible femme
Heureuse de vivre sous votre protection comme la liane à l’ombre de l’arbre.
J’assiste à votre triomphe aujourd’hui,
Mais je l’ai prévu depuis longtemps.”
Ils se regardent en riant aux éclats,
Et se donnent la main pour entrer dans la tente se faire des confidences.
Un grand festin est offert aux officiers et soldats
Au milieu des roulements de tambour et des éclats de la musique militaire.
2259.- Giáp binh kéo đến quanh nhà,
Đồng thanh cùng gởi : “Nào là phu nhân?”
Hai bên mười vị tướng quân,
Đặt gươm, cởi giáp, trước sân khấu đầu.
Cung nga thể nữ nối sau,
Rằng : “ Vâng lệnh chỉ rước chầu vu qui.”
Sẵn sàng phượng liễn loan nghi,
Hoa quân giáp giới, hà y rỡ ràng.
Dựng cờ nổi trống lên đàng,
Trúc tơ nổi trước, đào vàng kéo sau.
Hỏa bài tiền lệ rưổi mau,
Nam đình, nghe động trống chầu đại doanh.
Kéo cờ lũy, phát súng thành,
Từ công ra ngựa, thân nghênh cửa ngoài.
Lữa mình là vẻ cân đai,
Hãy còn hàm én, mày ngài như xưa.
Cười rằng : “ Cá nước duyên ưa !
Nhớ lời nói những bao giớ, hay không ?
Anh hùng mới biết anh hùng,
Rày xem phỏng đã cam lòng ấy chưa ?”
Nàng rằng : “Chút phận ngây thơ,
Cũng may dây cát được nhờ bóng cây.
Đến bây giờ, mới thấy đây,
Mà lòng đã chắc những ngày một hai !”
Cùng nhau trông mặt cả cười,
Dan tay về chốn trướng mai tự tình.
Tiệc bày thưởng tướng khao binh,
Om thòm trống trận, rập rình nhạc quân.
C’est l’heure de l’apothéose de notre héroïne, l’heure aussi où elle va pouvoir rendre le bien pour le bien et le mal pour le mal. Sur son ordre, des commandos vont partout capturer ses anciens bourreaux et bienfaiteurs. Ceux-ci sont comblés de présents, tandis que ceux-là sont condamnés au supplice. Seule la jalouse Hoạn Thư obtient la vie sauve grâce à son plaidoyer très habile.
Cependant, la puissance de Từ Hải s’étend de plus en plus :
Avec sa Cour comprenant à la fois
Officiers civils et militaires, il règne sur une partie de l’empire
Comme un orage dévastateur,
Il a renversé cinq citadelles du Sud ;
Aiguisant son épé vengeresse,
Il a massacré tous les tyrans du peuple.
Et maintenant, invincible dans sa marche-frontière,
Il se fait appeler Altesse Royale.
Sous les drapeaux, personne n’ose l’affronter ;
Cinq ans durant, il règne en maître sur toute la région côtière.
2441.- Triều đình riêng một góc trời,
Gồm hai văn võ, rạch đôi sơn hà.
Đòi cơn gió quét mưa sa,
Huyện thành đạp đổ năm tòa cõi nam.
Phong trần mài một lưỡi gươm,
Những loài giá áo, túi cơm sá gì !
Nghênh ngang một cõi biên thùy,
Thiếu gì cô quả, thiếu gì bá vương.
Trước cờ, ai dám tranh cường,
Năm năm hùng cứ một phương hải tần.
L’Empereur finit par s’inquiéter, et dépêche contre Từ Hải un fameux général : Hồ Tôn Hiến. Connaissant les forces redoutables de l’adversaire, le général préfère employer la ruse pour le vaincre. Il envoie à Từ des plénipotentiaires de paix, et des présents magnifiques à Thúy Kiều qu’il sait avoir une grande influence sur l’esprit du chef rebelle. Son calcul est juste. Tandis que Từ Hải est décidé à rester independant dans son fief redoutable.
Plutôt que de se soumettre à la Cour
Où il se sentirait étranger, et quel sort lui y réserverait-on ?
2465. – Bó thân về với triều đình
Hàng thần lơ láo, phận mình ra đâu ?
Thúy Kiều n’est après tout qu’une femme qui préfère le bonheur tranquille et légal à la vie d’aventures, et qui surtout aspire à rentrer au village natal pour revoir ses vieux parents :
Elle pense que, lentille d’eau ballotée par les flots,
Elle a couru assez d’aventures, assez de périls.
Si son époux veut bien devenir un sujet de l’empereur,
Le chemin des honneurs lui étant largement ouvert,
L’intérêt de l’Etat aussi bien que le sien propre seront satisfaits.
Et elle pourra songer à rentrer au village natal,
Pourvue d’un grand titre
Qui fera honneur à ses parents.
Ce faisant, elle servira à la fois sa patrie et sa famille,
Et sera à la fois fille pieuse et sujette loyale.
N’est-ce-pas préférable au sort de la barque désemparée
En butte à la furie des flots et du vent?
2475. Nghĩ mình mặt nước cánh bèo,
Đã nhiều lưu lạc, lại nhiều gian truân.
Bằng nay chịu tiếng vương thần,
Thênh thang đường cái thanh vân hẹp gì.
Công tư vẹn cả hai bề,
Dần dà rồi sẽ liệu về cố hương.
Cũng ngôi mệnh phụ đường đường.
Nở nang mày mặt, rỡ ràng mẹ cha.
Trên vì nước, dưới vì nhà,
Một là đắc hiếu, hai là đắc trung.
Chẳng hơn chiếc bách giữa dòng,
E dè sóng gió, hãi hùng cỏ hoa.
Elle conseille donc à Từ Hải de faire la paix avec la Cour pour épargner le sang des innocents. Từ Hải se laisse convaincre, et se rend désarmé devant Hồ Tôn Hiến, qui l’attaque à l’improviste. Le héros meurt indigné de cette lâche trahison.
Son esprit sublime s’est envolé vers le royaume des génies
Que son corps reste fermement debout au milieu du champ de bataille,
Inébranlable comme un roc ou une statue de cuivre
Malgré tous les coups qu’on lui porte.
2519. – Khí thiêng khi đã về Thần,
Nhơn nhơn còn đứng chôn chân giữa vòng.
Trơ như đá, vững như đồng,
Ai lay chẳng chuyển, ai rung chẳng rời.
Son cadavre ne tombera que lorsque Thúy Kiều vient s’y jeter en pleurs. Puis elle est amenée devant Hồ Tôn Hiến qui la remercie de son concours, et lui demande si elle a quelque vœu à exprimer.
Elle répond : “Le seigneur Từ était un héros
Qui n’avait peur de personne sous le ciel et sur les mers.
Confiant en moi, il a suivi mon conseil
De mettre au service de la Cour son génie auréole de cent victoires.
Je pensais que nous en serions récompensés,
Sans me douter qu’en une minute sa chair et ses os seraient anéantis.
Cinq ans il a promené sous le ciel et sur les océans son indomptable fierté,
Et maintenant, le voilà mort sur le champ de bataille !
Vous m’avez félicitée, Excellence, de mes services,
Et vous m’avez fait que ravirer ma douleur.
Je me juge avoir plus de tort que de mérite
Et suis prête à mourir, ma vie étant devenue sans objet.
Je ne demande qu’une misérable tombe
Pour qu’au moins son cadavre repose en paix.”
2549. – Rằng : “ Từ là đấng anh hùng,
Dọc ngang trời rộng, vẫy vùng bể khơi.
Tin tôi nên quá nghe lời,
Đem thân bách chiến làm tôi triều đình.
Ngỡ là phu quí phụ vinh,
Ai ngờ một phút tan tành thịt xương.
Năm năm trời bể ngang tàng,
Dẫn mình đi bỏ chiến trường như không.
Khéo khuyên kể lấy làm công,
Kể bao nhiêu lại đau lòng bấy nhiêu !
Xét mình công ít, tội nhiều,
Sống thừa, tôi đã nên liều mình tôi.
Xin cho thiển thổ một đôi,
Gọi là đắp điếm lấy người tử sinh.”
Après avoir satisfait à sa demande, Hồ Tôn Hiến oblige Thúy Kiều à jouer de la musique au cours du banquet de la victoire.
Son visage de fer se pâme aussi d’amour !
2580. – Lạ cho mặt sắt cũng ngây vì tình !
Et il voudrait bien la prendre dans son harem. Mais Thúy Kiều s’y refuse et demande à être conduite à son village natal. Le lendemain matin, pour sauver sa dignité, il la marie d’office à un mandarin local qui l’emmène chez lui sur une barque. Mais comment pourrait-elle supporter encore la vie si amère ?
La lune s’est inclinée sur la montagne de l’Ouest,
Et elle reste toujours hébétée, assise ou debout.
Entendant la marée montante gronder comme le tonnerre,
Elle s’enquiert, et apprend que c’est le fleuve Tiền Đường.
Elle se rappelle alors le rêve
Qui lui assigna jadis ce lieu comme terme de son destin.
“Ô Đạm Tiên, m’entendez-vous ?
Vous m’avez donné rendez-vous ici, recevez-moi donc.”
Sous la lampe, elle prend une feuille de papier
Et y écrit un poème d’adieu à la vie.
Elle fait relever les stores de sa barque,
Et voit le ciel et le fleuve se fondre en une immensité blafarde.
Elle s’écrie : “Le seigneur Từ m’a traitée généreusement
Et j’ai trompé sa confiance au profit de l’Etat.
Meutrière de mon époux,
Comment pourrais-je me tenir debout sur terre en me donnant à un autre ?
Vienne la mort !
Et que mon corps soit confié à ce fleuve !”
Regardant pour la dernière fois les flots tumultueux,
Elle s’y jette, aussitôt happée dans le courant du grand fleuve.
2617. – Mảnh trăng đã gác non đoài,
Một mình luống những đứng ngồi chưa xong.
Triều đâu nổi tiếng đùng đùng,
Hỏi ra mới biết rằng sông Tiền Đường.
Nhớ lời thần mộng rõ ràng
Này thôi hết kiếp đoạn tràng là đây.
“Đạm Tiên nàng hỡi có hay ?
Hẹn ta thì đợi dưới này rước ta.”
Dưới đèn sẵn bức tiên hoa,
Một thiên tuyệt bút gọi là để sau.
Cửa bồng vội mở rèm châu,
Trời cao, sông rộng, một màu bao la.
Rằng : “Từ công hậu đãi ta,
Xót vì việc nước mà ra phụ lòng.
Giết chồng mà lại lấy chồng,
Mặt nào mà lại đứng trong cõi đời ?
Thôi thì một thác cho rồi,
Tấm lòng phó mặc trên trời dưới sông !”
Trông vời con nước mênh mông,
Đem mình gieo xuống giữa giòng tràng giang.
Heureusement son ancienne amie, la bonzesse Giác Duyên, la sauve des eaux. Et son autre amie, la cantatrice Đạm Tiên, lui apparaît en rêve pour lui annoncer que sa vertu a fini par vaincre son destin, et que son nom est effacé de la liste des Entrailles déchirées. En s’éveillant Thúy Kiều trouve Giác duyên à ses côtés.
Grande est leur joie de se revoir !
Elles quittent la barque, et se rendent à l’ermitage
Où elles vivent désormais ensemble
Avec pour compagnons le vent et la lune, et pour nourriture du sel et des légumes.
Tout autour d’elles, c’est l’immensité
De la marée montante matin et soir, escortée de nuages amoncelés devant et derrière.
2731. – Thấy nhau mầng rỡ trăm bề,
Dọn thuyền mới rước nàng về thảo lư.
Một nhà chung chạ sớm trưa,
Gió trăng mát mặt, muối dưa chay lòng.
Bốn bề bát ngát mênh mông,
Triều dâng hôm sớm, mây lồng trước sau.
- III. Réunion.
Revenons au jeune Kim Trọng qui, après avoir conduit les funérailles de son oncle au village natal, vole à ses amours interrompues. Hélas ! la chère maison est abandonnée,
Son jardin envahi par l’herbe folle et des roseaux clairsemés,
Sa fenêtre déserte que seule visite la lune, et ses murs de crépi entièrement abimés par la pluie.
Il ne voit l’ombre de personne en ce coin
Où les fleurs de pêcher, l’an passé, souriaient avec tant de grâce au vent de l’Est.
Furtivement, des hirondelles volètent dans l’appartement désert,
Tandis que l’herbe recouvre le sol et que la mousse a effacé les traces des pas.
Sous les murs, des buissons épineux ont barré le passage
Par lequel sa bien-aimée était venue le voir.
Dans le silence funèbre
A qui pourrait-il confier les peines de son cœur ?
2745. – Đầy vườn cỏ mọc, lau thưa,
Song trăng quạnh quẽ, vách mưa rã rời.
Trước sau nào thấy bóng người,
Hoa đào năm ngoái còn cười gió đông.
Xập xòe én liệng lầu không,
Cỏ lan mặt đất, rêu phong dấu giầy.
Cuối tường gai góc mọc đầy,
Đi về, này những lối này ngày xưa.
Chung quanh lặng ngắt như tờ,
Nỗi niềm tâm sự bây giờ hỏi ai ?
Des voisins charitables lui indiquent la nouvelle demeure des Vương, qui lui racontent en pleurant le malheur qui les a frappés. Sa douleur en apprenant la disparition de sa bien-aimée est affreuse :
Il se tord par terre, comme secoué par la pluie et le vent,
En versant des torrents de larmes, l’esprit chaviré.
La douleur le terrasse, il s’évanouit,
Et à peine reprend-il connaissance qu’il pleure de nouveau, et s’évanouit encore.
2795. – Vật mình vẫy gió tuôn mưa,
Dầm dề giọt ngọc, thẫn thờ hồn mai !
Đau đòi đoạn, ngất đòi hồi,
Tỉnh ra lại khóc, khóc rồi lại mê.
Pour écarter de lui le désespoir, on lui fait épouser Thúy Vân. Mais celle-ci, quoique très belle aussi, ne peut lui faire oublier Thúy Kiều dont le souvenir le torture nuit et jour.
Avec son beau-frère Vương Quan, Kim Trọng se présente à l’examen littéraire. Tous les deux sont reçus, et nommés mandarins à Lâm tri, où ils apprennent les successives mésaventures de Thúy Kiều jusqu’à son mariage avec le chef rebelle Từ Hải. Kim Trọng aussitôt décide d’aller à sa recherche :
Pendant qu’elle est encore au loin, ballotée au gré de son destin,
Comment pourrait-il jouir tranquillement des honneurs et richesses ?
Il projette de donner sa démission
Pour la retrouver, même en traversant monts et fleuves,
Même en s’aventurant sur les champs de bataille.
Peut-être qu’il pourrait la retrouver en faisant le sacrifice de sa vie.
Mais le ciel est vaste et la mer profonde,
Comment pourrait-il y déceler l’ombre de l’oiseau et la trace du poisson ?
2937. – Bình bồng còn chút xa xôi,
Đỉnh chung sao nỡ ăn ngồi cho an ?
Rắp mong treo ấn từ quan,
Mấy sông cũng lội, mấy ngàn cũng qua.
Giấn mình trong áng can qua,
Vào sinh ra tử họa là thấy nhau.
Nghĩ điều trời thẳm vực sâu,
Bóng chim tăm cá biết đâu mà nhìn ?
Peu de temps après, à la nouvelle de la défaite de Từ Hải, Kim Trọng et sa belle-famille se rendent à Hàng Châu pour s’enquérir des nouvelles de Thúy Kiều. Ils apprennent qu’elle s’est suicidée dans le fleuve Tiền Đường. Ils dressent alors un autel sur les bords du fleuve et y font réciter des prières pour le salut de l’âme de la disparue. Par hasard, la bonzesse Giác duyên vient à passer devant l’autel, aperçoit le nom de Thúy Kiều sur les tablettes, demande à parler à ses parents, et apprend à ceux-ci que la prétendue morte est encore vivante. On la suit jusqu’à son ermitage, et retrouve Thúy Kiều sous l’habit de bonzesse après quinze ans de séparation !
Père, mère, frère, sœur, et ancien fiancé la pressent de revenir chez eux. Elle doit céder à leurs supplications. Au milieu du banquet de réunion, Thúy Vân se lève pour la prier de renouer avec Kim Trọng son ancien amour. Elle refuse, en alléguant que le bien le plus précieux de la femme au moment du mariage est sa virginité. L’ayant perdue, elle ne peut laisser déshonorer les sacrés liens du mariage avec son corps souillé. Enfin, aux prières instantes de toute sa famille, elle se résigne à se laisser marier à Kim Trọng. Mais elle a décidé de faire un mariage blanc. Le soir des noces, elle s’en explique à Kim Trọng :
Elle dit : “Mon destin est achevé
Et ne mérite pas qu’on en prenne soin.
Pour répondre à votre amour qui date de longtemps,
Je veux bien être unie à vous par les liens du mariage, pour vous obéir.
Mais en vérité, pleine de honte,
Je suis déjà à moi-même méprisable.
S’il me fallait encore me soumettre aux obligations du mariage,
Comment pourrais-je regarder les gens en face ?
Loin de nous ce geste insensé
De ramasser le parfum répandu à terre, ou de cueillir la fleur à son déclin !
De ma virginité, il me reste cette délicatesse
Que je dois sauvegarder. Pourquoi la détruire sans raison ?
N’y a-t-il pas dans notre amour assez de tendresse
Pour nous abtenir de nous amuser à froisser la fleur fanées ?”
3145. – Nàng rằng :”Phận thiếp đã đành,
Có làm chi nữa, cái mình bỏ đi !
Nghĩ chàng nghĩa cũ, tình ghi,
Chiều lòng gọi có xướng tùy mẩy may.
Riêng lòng đã thẹn lắm thay,
Cũng đà mặt dạn mày dày, khó coi !
Những như âu yếm vành ngoài,
Còn toan mở mặt với người cho qua.
Lại như những thói người ta,
Vớt hương dưới đất, bẻ hoa cuối mùa.
Chữ trinh còn một chút này,
Chẳng cầm cho vững, lại giày cho tan !
Còn nhiều ân ái chan chan,
Hay gì vầy cái hoa tàn mà chơi ?
Et Kim Trọng lui répond noblement :
Le miroir de votre vie est limpide de toute souillure,
Et votre décision me remplit d’admiration.
Longtemps je vous ai cherchée partout comme une aiguille tombée au fond de la mer;
C’était pour tenir notre serment, aussi solide que l’or et le diamant, et non pour rechercher les plaisirs de la lune et de la fleur.
Maintenant que nous voilà réunis, contre toute attente,
Il n’est nul besoin que nous partagions ensemble la couverture et l’oreiller pour unir nos cœurs dans la même affection.
3173. – Gương trong chẳng chút bụi trần,
Một lời quyết hẳn muôn phần kính thêm !
Bấy lâu đáy bể mò kim,
Là nhiều vàng đá, phải tìm trăng hoa ?
Ai ngờ lại hợp một nhà,
Lọ là chăn gối, mới ra sắt cầm ?
Intérêt de ce chef d’œuvre.
La faiblesse de notre traduction n’a pu démolir entièrement le charme infini de ce poème dont le moindre vers est un joyau inestimable. Avec un art extrêmement sobre qui rappelle celui des aquarellistes chinois, Nguyễn Du s’y est révélé un peintre incomparable des paysages, des portaits et des sentiments. Voici quelques exemples pris entre mille :
Le Printemps :
Sur l’herbe tendre et verdoyante qui ondule jusqu’à l’horizon
Des poiriers en fleurs piquent quelques taches blanches.
41. – Cỏ non xanh tận chân trời,
Cành lê trắng điểm một vài bông hoa.
Ces deux vers ne suffisent-ils pas à donner de la saison printanière une impression de délicieuse fraîcheur ?
L’Été :
Au clair de lune les râles d’eau ont annoncé l’été
Et voici que sur la crête des murs les fleurs de grenadier scintillent de tous leurs feux.
1307. – Dưới trăng quyên đã gọi hè,
Đầu tường lửa lựu lập lòe đâm bông.
L’Automne, la saison préférée des poètes :
Sur la surface brillante des eaux se mire le ciel ;
Les citadelles s’estompent dans une brume bleue, et les collines étendent leur reflet jaune dans la lumière crépusculaire.
1603. – Long lanh đáy nước in trời,
Thành xây khói biếc, non phơi bóng vàng.
Quelques touches modestes, et toute la mélancolie de l’automne s’en dégage irrésistiblement.
Si la peinture des paysages est toujours très sobre, c’est que, dans l’art oriental, elle ne sert qu’à traduire les sentiments du cœur. L’écrivain, aussi bien que le peintre, peint moins le monde extérieur que le monde intérieur dont celui-là n’est que le reflet. Entre l’univers et l’homme, l’artiste oriental a toujours senti une communion mystérieuse, qu’il soit confucianiste, bouddhiste ou taoïste.
Déjà, dans les tableaux que nous venons de citer plus haut, transparait l’émotion de l’auteur. Mais en voici d’autres où l’état d’âme des personnanges du roman est exprimé plus clairement encore, à travers l’esquisse des paysages qui les entourent.
Kim Trọng revoit le lieu de ses anciennes amours, maintenant désert
Une étendue d’herbe d’un vert accablant
Où stagne une eau désespérément limpide, et rien de plus !
Le vent du soir ravive son chagrin
Comme les roseaux qui susurrent plaintivement à ses oreilles.
261. –Một vùng cỏ mọc xanh rì,
Nước ngâm trong vắt, thấy gì nữa đâu !
Gió chiều như gợn cơn sầu,
Vi lô hiu hắt như mầu khơi trêu.
Voici Thúy Kiều enfermée dans son pavillon Ngưng Bích :
Tristement elle regarde le torrent qui se précipite
Emportant dans son courant des fleurs : pour quelle destination inconnue ?
1049. – Buồn trông ngọn nước mới sa,
Hoa trôi man mác biết là về đâu ?
Comme les fleurs emportées par le courant, elle est, fleur humaine infortunée, emportée dans un destin tragique.
Passons maintenant aux portraits ; ils révèlent la même double technique : sobriété de la palette, et conformité entre le physique et le moral des personnages.
Thúy Vân est une beauté douce qui inspire la sympathie :
Son sourire est celui d’une fleur, et ses paroles sortent d’une double rangée de perles.
Les nuages sont moins vaporeux que ses cheveux, et la neige s’avoue moins blanche que sa peau.
21. – Hoa cười, ngọc thốt, đoan trang,
Mây thua nước tóc, tuyết nhường màu da.
Mais Thúy Kiều est une beauté plus éclatante, qui excite la jalousie plus que la sympathie :
Ses yeux ont la luminosité de l’eau en automne et ses sourcils l’éclat verdoyant des montagnes au printemps;
Les fleurs, moins vermeilles, en sont jalouses, et les saules sont dépités d’être moins verts.
25. – Làn thu thủy, nét xuân sơn,
Hoa ghen thua thắm, liễu hờn kém xanh.
Voici Kim Trọng, un beau jeune homme bien éduqué :
Sur ses bottes brodées qui foulent l’herbe verte,
Son corps gracieux fait penser à une gerbe de pierres précieuses.
143. – Hài văn lần bước dặm xanh,
Một vùng như thể cây quỳnh cành dao.
Sở Khanh est beau aussi, mais d’une beauté affectée, efféminée, qui dénonce le Don Juan corrupteur :
Un jeune homme dans la fleur de son printemps,
Habillé avec recherche, la robe et le turban gracieux.
1059.- Một chàng vừa trạc thanh xuân,
Hình dong chải chuốt, áo khăn dịu dàng.
Mais où Nguyễn Du se montre incomparable, c’est dans la peinture des sentiments. Il nous suffira d’en citer un exemple entre mille. Au cours de sa vie aventureuse, Thúy Kiều a aimé trois hommes : Kim Trọng d’un amour virginal, Thúc Sinh d’un amour conjugal, et Từ Hải d’un amour admiratif. Ecoutons comment le poète a su rendre ces nuances délicates quand Thúy Kiều pense à ces trois amours :
Thúc Sinh quitte Thúy Kiều pour revenir auprès de sa femme principale :
Elle revient seule avec son ombre durant les cinq veilles de la nuit,
Tandis que lui s’aventure sur dix mille lieues au loin.
Qui a partagé la lune en deux parts
Dont l’une s’imprime sur l’oreiller solitaire de celle qui reste, tandis que l’autre éclaire la longue route de celui qui part ?
1523. – Người về chiếc bóng năm canh,
Kẻ đi muôn dặm một mình xa xôi.
Vầng trăng ai sẻ làm đôi,
Nửa soi gối chiếc, nửa soi dặm trường.
Ces quatre vers rendent merveilleusement la tristesse d’une jeune femme séparée de son époux, tristesse profonde, certes, mais calme, qui traduit l’état d’âme d’une épouse plus que d’une amante.
Lorsque Từ Hải la quitte pour se lancer sur les grands chemins, Thúy Kiều le suit du regard, ou plutôt de la pensée, non pas en femme fidèle ni en amante passionnée, mais en admiratrice fervente :
Depuis que la grue sauvage s’est envolée dans les hautes altitudes,
Elle a beau écarquiller les yeux, rien n’apparaît dans le ciel immense.
2247. – Cánh hồng bay bổng tuyệt vời,
Đã mòn con mắt, phương trời đăm đăm.
C’est que toute sa tendresse, toute sa passion est réservée à son premier amour, Kim Trọng dont l’image la poursuit partout :
- quand elle accompagne Mã Giám Sinh à Lâm Tri :
Par les nuits claires, sans brume,
La lune semble lui reprocher son parjure envers son bien-aimé.
915. – Dặm khuya ngất tạnh, mù khơi,
Thấy trăng mà thẹn những lời non sông.
-quand elle est enfermée au pavillon Ngưng Bích :
Où est maintenant celui à qui elle a juré fidélité
Au clair de lune, en buvant le vin de l’union ?
1039. – Tưởng người dưới nguyệt chén đồng,
Tin sương luống những rày trông mai chờ.
-quand elle est obligée d’exercer son métier de prostituée :
Elle se rappelle le serment qu’elle a fait de s’unir à lui pour trois existences 1
Peut-il comprendre et pardonner son parjure, lui qui est au loin ?
Quand il reviendra et demandera des nouvelles du saule de Chương Đài,
Il trouvera, hélas, que sa branche printanière a été cassée pour passer de main en main.
1259. – Nhớ lời nguyện ước ba sinh,
Xa xôi ai có biết tình chăng ai ?
Khi về hỏi liễu Chương Đài,
Cành hoa đã bẻ cho người chuyên tay.
-lorsque Thúc Sinh la quitte pour rentrer auprès de sa femme principale, nous avons vu Thúy Kiều penser à lui en femme fidèle. Mais elle ne peut s’empêcher de penser en même temps à Kim Trọng, l’amant de cœur :
Ses cheveux, dont une mèche a été coupée en gage d’amour, ont repoussé à hauteur des épaules ;
Mais qu’est devenu le serment fait en face des monts et fleurs pour durer autant que le fer et l’or ?
1631. – Tóc thề đã chấm ngang vai,
Nào lời non nước, nào lời sắt son ?
-mieux encore, même quand elle guette le retour de son héros Từ Hải avec des yeux admiratifs, le souvenir de Kim Trọng la trouble encore d’une douce mélancolie :
Elle pense à son premier amour
Semblable à un bourgeon de lotus déjà brisé, mais dont les filaments enserrent encore son cœur.
2241. – Tiếc thay chút nghĩa cũ càng,
Dẫu lìa ngó ý, còn vương tơ lòng.
Dans les lignes qui précèdent, nous avons tâché de montrer la beauté littéraire du “Nouveau Chant des Entrailles déchirées”. Quant aux idées que Nguyễn Du a soutenues dans ce roman, et surtout son état d’âme qu’il y a exposé discrètement, nous attendrons pour les examiner de lire un autre poème “Histoire de Mlle Guitare (Cầm gia dân) qui composa en 1813 en allant en ambassade de Chine, et qui complétera notre documentation sur ce sujet.
龍 城 琴 者 歌
LONG THÀNH CẦM GIẢ CA
龍 城 佳 人
Long thành giai nhân,
併 氏 不 記 清
Tính thị bất ký thanh.
獨 擅 阮 琴
Độc thiện Nguyễn cầm,
舉 城 之 人 以 琴 名
Cử thành chi nhân dĩ Cầm danh.
學 得 先 朝 宮 中 供 俸 曲
Học đắc tiên triều cung trung cung phụng khúc,
自 是 天 上 人 間 第 一 聲
Tự thị thiên thượng nhân gian đệ nhất thanh.
余 憶 少 時 曾 一 見
Dư ức thiếu thời tằng nhất kiến,
鑑 湖 湖 邊 夜 開 宴
Giám hồ hồ biên dạ khai yến.
其 塒 三 七 正 芳 年
Kỳ thời tam thất chính phương niên,
紅 裝 腌 曖 桃 花 面
Hồng trang yểm ái đào hoa diện.
酡 顏 憨 態 最 宜 人
Đà nhan hám thái tối nghi nhân;
歷 亂 五 聲 隨 手 變
Lịch lọan ngũ thanh tùy thủ biến.
緩 如 疏 風 渡 松 林
Hoãn như sơ phong độ tùng lâm,
清 如 雙 鶴 鳴 在 陰
Thanh như song hạc minh tại âm.
烈 如 薦 福 碑 頭 碎 霹 靂
Liệt như tiến phúc bi đầu toái tích lịch,
哀 如 莊 舄 病 中 為 越 吟
Ai như Trang Tích bệnh trung vi Việt ngâm.
者 聽 靡 靡 不 知 倦
Thính giả mi mi bất tri quyện,
便 是 中 和 大 內 音
Tiện thị trung hòa đại nội âm.
西 山 諸 臣 滿 座 盡 傾 倒
Tây Sơn chư thần mãn tọa tận khuynh đảo.
徹 夜 追 歡 不 知 飽
Triệt dạ truy hoan bất tri bão.
左 拋 右 擲 爭 纏 頭
Tả phao hữu trịch tranh triền đầu,
泥 土 今 金 殊 草 草
Nê thổ kim tiền thù thảo thảo.
豪 華 意 氣 凌 王 侯
Hào hoa ý khí lăng vương hầu,
五 陵 少 年 不 足 道
Ngũ lăng thiếu niên bất túc đạo.
井 將 三 十 六 宮 春
Tỉnh tương tam thập lục cung xuân,
活 做 長 安 無 價 寶
Hoạt tố Trường An vô giá bảo.
此 席 回 頭 二 十 年
Thử tịch hồi đầu nhị thập niên,
西 山 敗 後 余 南 遷
Tây Sơn bại hậu dư nam thiên.
咫 尺 龍 城 不 復 見
Chỉ xích Long Thành bất phục kiến.
何 況 城 中 歌 舞 筵
Hà huống thành trung ca vũ diên.
宣 撫 使 君 為 余 重 買 笑
Tuyên phủ sứ quân vị dư trùng mãi tiếu.
席 中 歌 妓 皆 年 少
Tịch trung ca kỹ giai niên thiếu,
席 末 一 人 髮 半 華
Tịch mạt nhất nhân phát bán hoa.
顏 瘦 神 枯 形 略 小
Nhan sấu thần khô hình lược tiểu.
狼 藉 殘 眉 不 飾 妝
Lang tạ tàn mi bất sức trang.
誰 知 就 是 當 時 城 中 第
Thùy tri tựu thị đương thời thành trung đệ
一 妙
nhất diệu.
舊 曲 新 聲 暗 淚 垂
Cựu khúc tân thanh ám lệ thùy,
耳 中 靜 聽 心 中 悲
Nhĩ trung tĩnh thính tâm trung bi,
猛 然 億 起 二 十 年 前 事
Mãnh nhiên ức khởi nhị thập niên tiền sự.
鑑 湖 席 中 曾 見 之
Giám hồ tịch trung tằng kiến chi.
城 郭 推 移 人 事 改
Thành quách suy di nhân sự cải,
幾 處 桑 田 變 滄 海
Kỷ xứ tang điền biến thương hải.
西 山 基 業 盡 消 亡
Tây Sơn cơ nghiệp tận tiêu vong.
歌 舞 空 遺 一 人 在
Ca vũ không di nhất nhân tại.
瞬 息 百 年 能 幾 時
Thuấn tức bách niên năng kỷ thì,
傷 心 往 事 淚 沾 衣
Thương tâm vãng sự lệ triêm y.
南 河 歸 來 頭 盡 白
Nam hà qui lai đầu tận bạch,
怪 底 佳 人 顏 色 衰
Quái để giai nhân nhan sắc suy.
雙 眼 瞪 瞪 空 想 像
Song nhãn trừng trừng không tưởng tượng,
可 憐 對 面 不 相 知
Khả liên đối diện bất tương tri.
Le texte est traduit en vietnamien par Chi-Điền Hoàng Duy Từ:
BÀI CA NGƯỜI GẢY ĐÀN
Ở LONG THÀNH
Giai nhân ở đất Long Thành,
Vô tình chẳng rõ phương danh là gì ?
Cô Cầm ! Được gọi vì tài nghệ;
Ngón Nguyễn Cầm tuyệt kỹ từ xưa.
Tiền triều “Cung Phụng” vua ưa,
Khúc đàn tuyệt diệu trời đưa xuống trần.
Hoa niên đã một lần thưởng thức,
Bên hồ Gươm trong bữa tiệc vui.
Xuân xanh ba bảy đương thì,
Áo hồng ửng mặt phương phi hoa đào.
Nét ngây thơ rượu vào khả ái,
Ngón tay măng réo rắt năm cung.
Tiếng khoan, gió thổi rừng thông,
Tiếng nhanh chim hạc kêu trong sương ngàn.
Mạnh như sét đánh tan Tấn Phúc,
Buồn như giọng Việt, Tiến đau ngâm !
Khiến người mê mẩn tâm thần,
Trung Hòa khúc ấy âm thầm trong cung.
Tây Sơn khanh tướng say nghiêng ngả;
Cuộc truy hoan suốt sáng chưa xong.
Tranh nhau tặng thưởng hả lòng,
Bạc tiền coi nhẹ như không ra gì !
Vẻ hào hoa át hàng vương bá;
Trai Ngũ Lăng há được lưu tâm.
Tưởng như băm sáu cung xuân,
Đúc nên vật báu của thành Tràng An !
Hai mươi năm trôi qua từ đấy;
Tây Sơn tan rã, khách vào Nam.
Long Thành gang tấc chẳng sang,
Huống hồ yến tiệc truy hoan trong thành !
Nay Tuyên Phủ vì ta bày tiệc;
Đám ca nhi tuyệt sắc nõn nà.
Cuối phòng một ả tóc hoa,
Thân hình khô héo, màu da võ vàng !
Bơ phờ tàn tạ không son phấn,
Đoán sao ra đệ nhất danh ca !
Điệu xưa giọt lệ thầm sa,
Tai vừa nghe thoảng, lòng đà héo hon !
Bỗng sực nhớ hai mươi năm trước,
Tiệc hồ Gươm ta được gặp nàng !
Thành dời, người cũng đổi rồi,
Nương dâu hóa bể, việc đời đổi thay.
Tây Sơn vương nghiệp nay đâu hết ?
Để một ca nhi sống dãi dầu !
Trăm năm thấm thoát bao lâu ?
Cảm thương việc cũ, dòng châu thấm bào !
Từ Nam lại, khách đầu bạc trắng,
Trách làm sao nhan sắc chẳng tàn !!…
Trông nhau mà những khó tin,
Thương nhau gặp mặt không nhìn ra nhau !!
Histoire de Mlle Guitare.
Dans la cité du Dragon 1 vivait une beauté
Dont je ne me rappelle pas le nom.
Elle excellait à jouer de la guitare,
Ce qui faisait que tout le monde dans la citée l’appelait Mlle Guitare.
Ayant appris de l’ancienne Cour l’hymne “En offrande” composé spécialement pour le Palais Impérial,
Elle se glorifait d’être, sous le ciel et sur la terre, la première cantatrice.
Je me rappelle l’avoir vue une fois dans ma jeunesse
Au cours d’un banquet nocturne organisé sur les rives du lac de l’Université 2.
Elle avait alors vingt et un printemps ;
Le rose de ses vêtements se réflétait sur son visage velouté comme une fleur de pêcher,
Et sa beauté avivée par l’alcool enivrait tout le monde.
Sous ses doigts les cinq notes vibraient,
Cadencées comme le vent léger soufflant à travers une forêt de pins,
Claires comme le chant du cygne dans le ciel serein,
Puissantes comme le tonnerre brisant la stèle de Tiên Phuc1,
Et tristes comme la voix de Trang Tích malade chantant sa douleur en poèmes Việt 2.
Les auditeurs médusés ne se fatiguaient pas
D’apprécier cette authentique musique de l’ancien Palais Impérial.
Les mandarins Tây Sơn qui emplissaient la salle étaient bouleversés
Et poursuivaient le plaisir de l’écouter toute la nuit, sans s’apercevoir que l’aube blanchissait.
De gauche, de droite, ils rivalisaient pour lui lancer des pièces de soie ;
L’or lui était offert à profusion comme de la boue.
Leur générosité défiait celle des ducs et marquis
Et éclipsait celle des jeunes gens de Ngu Lang1.
Je pensai qu’avec sa gamme de trente-six notes, fraîche comme le printemps,
Elle deviendrait facilement un joyau sans prix de la Capitale
En ce soir-là, vingt ans auparavant.
Après la défaite des Tây Sơn je rentrai au Sud
Et n’eus plus l’occasion de revoir la cité du Dragon pourtant pas trop éloignée.
A quoi bon regretter dès lors ses banquets agrémentés de musique et de danse ?
Son Excellence le Gouverneur en mon honneur donne aujourd’hui une fête joyeuse.
La salle est pleine de jeunes chanteuses,
Mais au fond je remarque une femme au cheveux grisonnants,
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1 Sous la dynastie des Tống, Phạm Trọng Yêm, préfet de Nhiêu Châu et très habile calligraphe, fut un jour sollicité par un ami de lui tracer des caractères pour servir de modèle. Il conseilla à son ami d’aller plutôt copier les caractères gravés sur la stèle de la pagode Tiên Phuc, située dans la préfecture même. Mais quand l’ami se rendit à cette pagode, il fut surpris par un orage violent au cours duquel la stèle fut brisée par la foudre.
2 Trang Tích, originaire du pays de Việt, s’était mis au service du roi de Sở qui suspectait néanmoins son loyalisme. Un jour, Trang Tích tomba malade. Le roi en profita pour le faire espionner, sur les conseils de son entourage : “Une personne malade a facilement la nostalgie du pays natal. Si Trang Tích chante en langue Sở, il vous est attaché. Mais s’il chante en langue Việt, il n’a pas oublié son pays d’origine.”
Effectivement, Trang Tích chanta en langue Việt.
3 La jeunesse dorée de Ngu Lang était réputée pour son amour des plaisirs, son luxe et sa prodigalité.
Visage amaigri, esprit desséché, corps grêle,
Et les sourcils clairsemés, laissés en désordre sans être parés.
Qui pourrait reconnaître en elle celle qui fut autrefois la première merveille de la Capitale ?
Son hymne ancien chanté d’une voix nouvelle voile discrètement ses larmes,
Et mon oreille attentive communique à mon cœur une tristesse sans bornes.
Brusquement je me rappelle ce qui s’est passé vingt ans auparavant :
Le banquet près du lac de l’Université, où je la vis pour la première fois.
Depuis, les citadelles ont changé, ainsi que les hommes.
Combien de fois les champs de mûrier se sont transformés en mer bleue !
La fortune des Tây Sơn a sombré en un matin
Et ne laisse plus pour vestige qu’une femme
Cent ans passent en un clin d’œil !
A penser au passé mon cœur souffre et des larmes mouillent mes vêtements.
Du Sud je suis revenu ici, la tête entièrement blanchie,
Quoi d’étonnant que la beauté d’autrefois se soit fanées ?
Mes yeux la regardent fixement mais je suis obligé d’imaginer son visage d’antan.
Combien sommes-nous à plaindre, étant l’un en face de l’autre, de ne pouvoir nous reconnaître !
La lecture de ce poème nous confirme d’abord dans l’idée que depuis toujours nous nous sommes fait de Nguyễn Du : un esprit épris de la beauté, et surtout de la beauté des femmes et de la musique.
Nous savons déjà avec quel art il a su nuancer les beautés différentes de Thúy Kiều et Thúy Vân. De Mlle Guitare, cantatrice professionnelle, le poète, tout en vantant son visage de fleur de pêcher, a pris soin de nous donner une image beaucoup moins pure, moins aristocratique, par quelques touches discrètes : ses vêtements roses, et son visage avivé par l’alcool.
La passion de la musique a aussi dominé le poète toute sa vie. Il en a été littérallement obsédé. Il vivait dans un univers de sons. Et il a su les peindre avec une palette extraordinairement riche. La guitare de Thúy Kiều rend des sons :
Tantôt clairs comme le cri de la cigogne qui vole dans le ciel,
Tantôt rauques comme le bruit que fait la source en tombant dans un précipice,
Tantôt légers comme le vent qui passe devant la fenêtre,
Et tantôt précipités comme la pluie qui s’abat dans un orage.
Et nous avons vu que Mlle Guitare n’est pas moins virtuose :
Sous ses doigts les cinq notes vibraient
Cadencées comme le vent léger soufflant sur une forêt de pins,
Claires comme le chant du cygne dans le ciel serein,
Puissantes comme le tonnerre brisant la stèle de Tiên Phuc,
Et tristes comme la voix de Trang Tích malade chantant sa douleur en poèmes Việt.
Pourrions-nous déceler aussi, dans ces différentes peintures de leur art musical, une distinction quelconque entre la jeune fille aristocratique et la cantatrice professionnelle ? Non, et avec raison. Si la différence de position sociale et d’éducation se révèle en effet dans la parure vestimentaire et le maintien, la jeune fille aristocratique et la cantatrice professionnelle sont égales dans leur passion de la musique et leur virtuosité dans ce noble art. Nous irons même jusqu’à dire qu’elles ressentent les mêmes délices et les mêmes tourments lorsqu’elles s’égarent dans l’univers magique du son. Ici, les contingences sociales s’effacent devant les aspirations de l’âme vers un idéal absolu, qui est l’idéal du Beau.
Cet idéal est précisément celui de notre poète. Ce n’est pas par hasard que Thúy Kiều et Cầm Thị sont toutes deux des virtuoses en musique. Nguyễn Du ne peut pas concevoir ses héroïnes autrement que sous les traits de parfaites musiciennes. Il a été si bien obsédé de la musique qu’il a intitulé son chef d’œuvre “Le nouveau chant des entrailles déchirées”.
Nguyễn Du était donc essentiellement un délettante, ayant le culte de la Beauté. On raconte qu’il fut aussi un fidèle partisan de la dynastie des Lê, et qu’il a tenté de prendre les armes contre les Tây Sơn usurpateurs. Cela est vrai, mais il n’est pas moins vrai que cette tentative fut assez molle, éphémère, et sans conséquence. Nguyễn Du n’a pas été sérieusement inquiété par les Tây Sơn qui l’ont même invité à plusieurs reprises à collaborer avec eux. Offre qu’il repoussa dédaigneusement, bien sur, mais qui témoigne que l’opposition du poète au nouveau gouvernement n’a pas été très farouche.
Dans le présent poème, nous pouvons remarquer que Nguyễn Du a séjourné à Thăng Long en 1793, c’est-à-dire sous le règne des Tây Sơn. Il paraissait s’en accommoder assez bien, puisqu’il a eu le cœur d’aller chez Mlle Guitare écouter sa divine musique en compagnie des officiers de la dynastie usurpatrice. Et vingt ans après, en évoquant le souvenir de cette dynastie déjà déchue, il n’a pas eu pour elle la haine d’un farouche adversaire. De la sympathie, non certainement, mais plutôt une poétique mélancolie dvant le spectacle d’une puissance qui paraissait invincible, et qui est tombée “en l’espace d’un matin”.
Cette attitude de Nguyễn Du ne lui était d’ailleurs pas particulière, mais commune à une bonne partie de gens de sa caste, celle des lettrés du Nord. Ceux-ci se divisèrent en trois clans lorsque les Tây Sơn envahirent le Nord-Việt-Nam :
Une petite minorité, par ambition personnelle ou par patriotisme éclairé, se rallia au nouveau gouvernement. Son représentant le plus célèbre fut Ngô Thời Nhiệm qui aida puissamment l’empereur Quang Trung à vaincre les Chinois et à pacifier le Nord.
La majorité des lettrés, par contre, restèrent fidèles à leurs anciens maîtres : les Lê-Trịnh. Un certain nombre payèrent de leur vie leur dévouement, tels Lý Trần Quán et Trần Danh Án dont nous avons raconté plus haut l’histoire.
Toutefois, bien peu de lettrés furent capables de cet heroïsme. La plupart, dont notre poète Nguyễn Du, se bornaient à une attitude de résistance passive. Depuis plus de trois siècles, le Việt Nam n’avait pas eu à combattre l’invasion chinoise, et l’énergie des compagnons d’armes de Trần Quốc Tuấn et de Lê Lợi s’était émoussée dans une longue période d’indépendance incontestée. Sous la dynastie des Lê (1428-1789), les mœurs se policèrent, et les arts d’agrément prirent le pas sur les travaux virils. Les lettrés, classe dirigeante de l’Etat, se laissèrent amollir dans la douceur d’une vie aristocratique, tissée de plaisirs délicats et décadents : musique, jeux d’échecs, poésie et peinture (cầm, kỳ, thi, họa) , au détriment de l’art militaire et du développement économique. Les solides préceptes de la morale confucéenne continuaient à constituer le substratum de leur âme, mais à côté s’était infiltrée une philosophie épicurienne, issue plus ou moins de la doctrine taoïste et d’un Bouddhisme superficiel et dénaturé. L’étude même de la doctine confucéenne dévis de son but : au lieu de former des sages et des hommes politiques, elle devint un jeu littéraire stérile et alambiqué pour conquérir les honneurs.
Nguyễn Du n’échappa pas à cette ambiance. Nous pouvons concevoir sans peine la vie qu’il devait mener dans cette illustre famille de lettrés qui, depuis deux cents ans, avait fourni plusieurs docteurs ès-lettres et grands mandarins, vie tournée uniquement vers les examens littéraires et les plaisirs aristocratiques. Il acquit le diplôme de bachelier quand il atteignit dix neuf ans (1783). Et très probablement, si le régime avait continué à durer, il aurait été reçu successivement licencié, puis docteur, comme son père et ses frères, puis serait entré lui-même dans la carrière mandarinale. Les Tây Sơn bouleversèrent ce plan de vie tracé d’avance par plusieurs générations d’ancêtres. L’aristocrate vit s’effrondrer devant ses yeux épouvantés l’univers dans lequel il avait jusqu’alors vécu, son univers, le seul qu’il pût concevoir. La chute de ses princes, la ruine de sa propre famille, lui firent l’effet d’une fin de monde. Il eut bien un instant la velléité de lutter pour restaurer l’ancien ordre des choses, mais il n’avait pas assez d’énergie pour cela.
Dans ce cataclysme national, il perdit son ardeur juvénile de conquérir les lauriers littéraires et la joie de vivre. Il devint irrémédiablement triste, et garderait cette tristesse incurable toute sa vie, même lorsqu’il serait devenu un grand mandarin sous le règne Gia Long. L’Histoire raconte qu’il fut un mandarin excessivement timide et taciturne ne donnant jamais un conseil au souverain, et ne faisant preuve d’aucune initiative dans les affaires du Gouvernement. On a cherché à expliquer cette attitude par son loyalisme envers l’ancienne dynastie des Lê. Il n’avait pas collaboré avec les Tây Sơn usurpateurs, mais avait consenti à servir Gia Long (qui défit les Tây Sơn puis confisqua pour lui-même le trône impérial au lieu d’y replacer les Lê). Cette trahison, quoique atténuée, envers ses anciens princes serait à l’origine de son attitude passive de servir la nouvelle dynastie.
Il y a certainement une grande part de vérité dans cette hypothèse, qui demande néanmoins à être un peu plus nuancée. D’une part Nguyễn Du n’a pas consenti mais a été contraint à servir Gia Long. Celui-ci fut un souverain extrêmement soupconneux, particulièrement envers les Nordistes. Tout en cherchant à apaiser l’opinion populaire du Nord par des avances flatteuses aux anciens mandarins de la Cour des Lê et à leurs descendants, il les surveilla étroitement et n’hésita pas à les condamner à la moindre velléité d’opposition.
D’autre part, le peuple du Nord gardait farouchement son loyalisme envers la dynastie disparue. On raconte que lorsque Nguyễn Du rentra à son village natal après avoir accepté un titre de mandarinat des Nguyễn, ses voisins et connaissances chantèrent sur son passage :
Rau vi trong núi đắng ngòm
Bọn Di, Tề giả đói mèm bò ra.
Trop amers sont les légumes de la montagne
Et les faux Di Tề mourant de faim rampent hors de leur retraite 1 .
Nguyễn Du était donc pris entre deux feux, enbutte de tout à la fois à la surveillance tracassière de l’empereur Gia Long, et à la sourde animosit de son ancien clan. Il en souffrait profondément, mais ne pouvait s’en ouvrir à personne. Et comme tous les poètes, il confiait à la littérature ses peines de cœur. Son long poème “Le nouveau chant des entrailles déchirées”, en exposant la douloureuse vie d’une jeune fille de bonne maison, fidèle à son amour, et obligée de se vendre pour sauver son vieux père, n’était que la transposition de la douloureuse vie de l’auteur, né aristocrate, fidèle à son prince, et obligé de servir une autre dynastie pour sauver sa vie et peut-être aussi celle de ses proches. Mieux que cela, dans ce chant du cygne, Nguyễn Du a déversé ses rêves brillants que la vie s’est chargée de briser lamentablement, rêve de devenir un mandarin en temps de paix comme Kim Trọng :
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1 Quand le roi Chu Võ Vương (Zhou Wu Wang 周武王) eut défait le tyran Trụ (Zhou 紂) de la dynastie des Thương (Shang 商), deux fidèles de cette dernière se retirèrent dans la montagne Thủ Dương et ne vécurent que de légumes Vi pour n’avoir pas, disaient-ils, la honte de manger du riz de la nouvelle dynastie des Chu. Un jour, une bonne femme leur dit : “Maintenant que le monde est gouverné par les Chu, tout leur appartient, riz et légumes. Votre abstention de manger du riz des Chu est ridicules.” Di, Tề se laissèrent alors mourir d’inanition.
A qui la porte céleste 1 ouvre largement le chemin des nuages 2
Salué par les fleurs du Jardin Impérial dont le parfum l’accompagne jusqu’à son village natal.
2861. Cửa trời rộng mở đường mây,
Hoa chào ngõ hạnh hương bay dặm phần.
ou rêve de devenir un héros en temps de troubles comme Từ Hải :
Qui se plait à bouleverser le ciel et l’océan
Sans se soucier d’avoir quelqu’un au-dessus de sa tête.
2478. – Chọc trời quấy nước mặc dầu,
Dọc ngang nào biết trên đầu có ai ?
Ces rêves n’ont point été exaucés. Nguyễn Du n’a pas connu l’ivresse d’entendre son nom proclamé parmi ceux des lauréats devant le Palais Impérial, ni celle de battre l’ennemi sur les champs de bataille. Il n’a même pas eu, devenu mandarin, la satisfaction de servir un prince qui l’eut compris et pour qui il eut consenti à verser jusqu’à sa dernière goutte de sang. De fait, Nguyễn Du fut essentiellement un inapté depuis l’effondrement de son univers familier, de ses premiers enthousiasmes, de ses premiers dévouements, de ses premières affections. Pour nous, le point de vue sentimental l’a emporté chez ce poète sur le point de vue politique. Ce n’est pas parce qu’il voulait garder son loyalisme envers les Lê qu’il servait mal les Nguyễn, mais plutôt parce qu’il était inadapté à la nouvelle dynastie, à sa nouvelle aristocratie, à ses nouveaux costumes et rites, à tout ce qui enfin ne cadrait pas avec l’univers de sa première jeunesse. Il traduit cet état d’âme dans ces vers prêtés à son héros Từ Hải qui est décidé à rester independant dans son fief redoutable :
Plutôt que de se soumettre à la Cour
Où il se sentirait étranger, et quel sort lui y réserverait-on ?
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1 Réussir aux examens littéraires était considéré comme franchir la porte du Ciel.
2 Le chemin des honneurs.
2465. – Bó thân về với triều đình,
Hàng thần lơ láo, phận mình ra sao ?
Et nous comprenons pourquoi il était si désenchanté, pourquoi il éprouvait un attachement morbide pour les choses du passé. Dans le présent poème, nous l’avons vu s’attendrir sur la chute des Tây Sơn, ses adversaires pourtant :
Combien de fois les champs de mûrier se sont transformés en mer bleue !
La fortune des Tây Sơn a sombré en un matin.
En réalité, il s’attendrissait sur le caractère éphémère des choses de ce monde, qui l’avait rejeté de l’univers qu’il avait cru immuable dans un univers auquel il se sentait inadapté. Dans cette métamorphose spirituelle causée par les évènements politiques, Nguyễn Du a pour une part subi l’influence de la philosophie bouddhiste qui, nous l’avons vu plus haut, impregnait largement les idées confucéennes de nos anciens lettrés. Pour le Bouddhisme, rien n’existe en soi, et rien n’a d’importance sauf l’effort de l’homme pour s’arracher des contigences de la vie terrestre et s’élever au Nirvana. En Nguyễn Du, le poète désabusé a établi les ponts entre le confucianiste désireux d’appliquer l’enseignement du Maître sur le monde, et le bouddhiste préoccupé uniquement du salut éternel.
Enfin, dans ce poème consacré à Mlle guitare, nous retrouvons un thème cher au poète :
Chữ tài chữ mệnh khéo là ghét nhau
Le talent et le destin sont souvent ennemis l’un de l’autre.
thème vérifié surtout pour le beau sexe :
Trời xanh quen với má hồng đánh ghen.
Le ciel bleu est habituellement jaloux des joues roses.
Pas plus que Thúy Kiều, Mlle Guitare, belle et excellente musicienne, n’échappa à cette loi d’airain. Jeune, elle fut un jouet de luxe entre les mains des riches et des puissants. Et quand sa fraîche jeunesse eut été fanée, elle fut obligée de trainer sa vie à l’ombre des jeunes beautés qui lui avaient ravi sa couronne de célébrité.
Peut-être pourrait-on trouver l’origine de ce thème désabusé dans la doctrine même de Confucius qui, d’une part, préconise en toutes choses le juste milieu (trung dung) et qui, d’autre part, admet dans l’univers l’existence d’un équilibre qui tend toujours à se rétablir par le jeu de bascule ou des compensations. Après la pluie, le beau temps. Après une longue période de paix, une période de troubles. Une jeune fille un peu simple d’esprit comme Thúy Vân jouira d’un bonheur paisible. Mais des beautés éclatantes comme Thúy Kiều et Mlle Guitare excitent la jalousie du Créateur et connaîtront une vie mouvementée.
Oui, la doctrine confucianiste pourtant si vigoureuse pourrait aboutir à cette loi fataliste de compensation, d’opposition entre le talent et le destin. Mais ne serait-il pas plus simple de considérer cette loi d’airain comme un fait d’expérience, vérifiable et vérifié maintes fois dans l’ancienne société féodale ?
En effet la femme y était considérée comme une mineure toute sa vie. “Elle devait obéir, enfant, à son père ; mariée, à son époux ; veuve, à son fils”. (Tại gia tòng phụ, xuất giá tòng phu, phu tử tòng tử). Avec cette mentalité, les mères qui cherchaient une bru, les jeunes gens qui cherchaient une femme, préféraient une jeune fille douce, soumise, voire ignorante, à une jeune fille trop belle, trop talentueuse, trop savante, qui ne se plierait pas docilement à leur quatre volontés. Une beauté trop éclatante était même considérée comme un don néfaste qui attirait le malheur, telle Đặng Thị Huệ, la favorite de Trịnh Sâm, qui fit s’écrouler le royaume par l’influence pernicieuse qu’elle exerçait sur son seigneur. L’incomparable poétesse Hồ Xuân Hương n’a connu aussi de son vivant, qu’incompréhension, mépris et déboires.
Mais la beauté féminine n’était souvent, en littérature, que l’image du talent masculin. Il n’était pas bon pour un sujet, sous la monarchie absolue, d’avoir des talents ou des pouvoirs qui portassent ombrage au souverain. Nguyễn Trãi, Trần Nguyên Hãn, compagnons d’armes de Lê Thái tổ, en ont fait la triste expérience. De même Nguyễn Văn Thành et Đặng Trần Thường, compagnons d’armes de Gia Long. Et plus près de nous, Cao Bá Quát a été décapité, Nguyễn Công Trứ a été maintes fois disgracié, parce qu’ils sortaient de la commune mesure, parce que l’étouffante société féodale ne pouvait pas tolérer ces indépendants qui voulaient aspirer l’air pur de la liberté.
N’en doutons pas : toute la littérature pessimiste et désenchantée de l’ancien temps provenait de cette unique cause, la structure féodale de l’ancienne société. Notre poète a eu la velléité de briser ces vieux cadres en forgeant son héros Từ Hải, mais il n’a pas eu l’audace d’aller jusqu’au bout de sa logique révolutionnaire. L’ordre social du Confucianisme conduisait à une impasse : le maintenir, c’était maintenir la féodalité avec toutes les injustices sociales qu’il autorisait. Mais par quoi faudrait-il le remplacer ? Les temps n’étaient pas venus pour que Nguyễn Du et ses contemporains osassent y trouver une solution. Et nous avons vu que notre poète a été obligé de sacrifier son héros Từ Hải, avec infiniment de regret et de respect :
Son esprit sublime s’est envolé vers le royaume des génies
Que son corps reste fermement debout au milieu du champ de bataille.
2519. – Khí thiêng khi đã về thần,
Nhơn nhơn còn đứng chôn chân giữa vòng.
Et, désabusé, le révolutionnaire velléitaire que fut notre poète revint à la poésie et à la musique pour y trouver un baume à son cœur meurtri. Même chargé de mission importante, il n’a pas dédaigné de goûter au plaisir d’écouter Mlle Guitare et de pleurer sur son sort, ce qui nous a fourni l’occasion de mieux comprendre ce poète divin, “écho sonore” de la chute lugubre d’un régime et d’une société.
1 Kim Trọng.
2 Từ Hải
1 La passée, la présente et la future.
1 Hanoi, baptisé cité du Dragon volant (Thăng Long thành) par le dondateur de la dynastie des Lý. D’après la légende, il aurait vu un dragon s’élever dans les airs lorsqu’il débarqua dans la nouvelle capitale qu’il avait choisie pour remplacer l’ancienne Hoa Lư (province de Ninh Bình) jugée trop étroite.
2 L’Université : Quốc Tử Giám.