Dương Khuê

21 Tháng Năm 20143:45 SA(Xem: 7550)

D Ư Ơ N G K H U Ê

(1839 – 1898)

 

Contemporain de son ami Nguyễn Khuyến dont il était le cadet de quatre ans, il en différait à plusieurs points de vue s’il lui ressemblait par le talent littéraire et la haute probité morale.Il appartenait en effet à une famille éminemment aristocratique. Son père fut un grand mandarin, et son frère Dương Lâm parvint jusqu’au grade suprême de Colonne de l’empire. La bonne fée qui avait présidé à sa naissance continuait à lui sourire durant toute sa vie. Reçu licencié puis docteur dès qu’il se présenta à ces examens, il a connu une carrière mandarinale sans accident : gouverneur de Nam Định, puis adjoint au Vice-Roi du Tonkin, il a obtenu à sa retraite le grade honorifique de Ministre de la guerre.

 

Cette chance continue a peut-être influencé sur son caractère. En bon disciple de Confucius, il a certainement éprouvé comme les autres lettrés la honte de la domination étrangère. Mais trop favorisé par le sort, et habitué à une vie de luxe, il n’a pas eu le courage de réagir énergiquement devant les évènements. Non seulement il n’a pas pris les armes contre l’envahisseur à l’instar de Phan Đình Phùng, il n’a même pas eu la digne attitude de Nguyễn Khuyến démissionnant plutôt que de servir le Protectorat. Pourtant, et il le faut le reconnaître avec équité, il ne fut pas un traître. Jamais il n’a cherché à flatter les autorités occupantes, et il n’a participé à aucune action militaire de répression contre les “rebelles”.

 

Conscient de l’impuissance de son pays, il s’est résigné à l’établissement du Protectorat. S’il en eut honte, jamais il ne l’a révélé dans ses poèmes, par prudence. Un jour cependant, il a laissé déviner sa souffrance secrète dans le poème que nous citons ci-dessous, mais par bravade, il s’y est peint comme un homme endurci qui se bouche les oreilles aux critiques des autres et de sa propre conscience.

 May rủi

 

Một rủi một may là máy Tạo,

Dù khôn, dù dại cũng bia trần.

Việc đã rồi nghĩ lắm lại thêm đần,

Liếc gươm trí, cắt giặc phiền từ đó.

Nằm khểnh ngâm thơ cho vợ ngủ,

Ngồi rù uống rượu với con chơi.

Mô phạm con, ba đứa mũi chưa chùi,

Tiêu khiển vẫn mấy cô đào mới nổi.

Ngoài tai ấy tha hồ ai gọi,

Rằng “ngựa trâu”, vâng cũng “ngựa trâu”.

Nào đâu đã hẳn hơn đâu !

 (Dương Khuê, p.57)

 

La chance

 

Notre vie, heureuse ou malheureuse, est entre les mains du Destin

Et quoi que nous fassions, la critique nous atteint toujours.

Ne broyons donc pas du noir sur ce qui a été fait,

Et exterminons avec l’épée de la Sagesse l’ennemi Chagrin.

Je déclame des vers pour bercer le sommeil de ma femme,

Et je bois de l’alcool en regardant mes enfants s’amuser.

Respectable devant mes trois gosses qui ne savent pas encore se moucher,

Je me plais aussi dans la compagnie de quelques jeunes chanteuses novices.

Hors de mes oreilles toutes les critiques,

Et si l’on m’appelle cheval ou buffle, oui, je suis cheval ou buffle 1

Qu’est-ce que cela peut bien me faire ? 

 

La philosophie du plaisir, que nous avons maintes fois étudiée chez les lettrés de l’ancien temps, notamment chez Nguyễn Công Trứ, reposait essentiellement sur une idée aristocratique : l’homme supérieur pouvait et même devait s’y adonner, car le plaisir délicatement savouré est la marque d’une noble nature ; le rustre ne peut se vautrer que dans des plaisirs grossiers.

 

Vào trong phong nhã, ra ngoài hào hoa.

 

Courtois dans ses relations familiales, fastueux dans son comportement public.

 

tel était l’idéal du lettré.

 

Dương Khuê ne s’est pas écarté de cette ligne de conduite. Mais où il a innové audacieusement, c’est quand il prétendit justifier sa vie dissipée (passée la plupart du temps chez les chanteuses) par des considérations inattendues. On sait que l’un des dogmes de la philosophie des lettrés de l’ancien temps était la jalousie du destin envers le talent, dogme expliqué par la structure de la société féodale, comme nous l’avons exposés maintes fois. Comment éviter, détourner cette jalousie du Destin ? Par la pratique de la vertu, par l’élévation du cœur au Bien, répond Nguyễn Du :

 

 

 Có tài mà cậy chi tài

Chữ tài liền với chữ tai một vần.

 Đã mang lấy nghiệp vào thân,

Cũng đừng trách lẫn trời gần trời xa.

 Thiện căn ở tại lòng ta,

Chữ tâm kia mới bằng ba chữ tài.

 

Ne soyons pas orgueilleux de notre talent,

Car souvent il appelle le malheur.

Puisque nous naissons tous avec un karma,

Ne nous épuisons pas en reproches inutiles contre le Ciel.

Les racines du Bien sont en notre coeur,

Et le cœur vaut trois fois plus que le talent.

 

Ici, la pensée bouddhique remédie à un vice de la société féodale construire sur les principes de l’enseignement confucéen. Le confucianiste éprouvé par l’injustice sociale avait la ressource d’aller se réfugier aux pieds de Bouddha.

 

Dương Khuê, lui, a imaginé un autre moyen de se soustraire à la jalousie du Destin, à la fatalité du monde antique. Ecoutons-le s’expliquer dans le poème suivant :

 

 

 Nợ phong lưu

 

Say mới biết ở đời ai cũng hớ,

Vị tài tình nên vướng nợ phong lưu ;

Kho trời chung tiêu phí thấm vào đâu,

Chơi là lãi, dẫu chưa giầu nhưng chẳng kiết !

Trả trả, vay vay lâu cũng hết,

Co co cỏm cỏm chắc hơn ai ?

Chỉ chịu thua tay chú thợ Trời,

Khéo tỉ mỉ nặn người ra múa rối.

Nào nhục, nào vinh, nào hiển hối,

Mặt ra hề thay đổi mấy mươi phen.

Chẳng gì hơn rượu thánh với thơ tiên,

Trời đất chẳng dám ghen chi với hắn.

Thế sự phù vân hà túc vấn,

Thiên kim tán tận hoàn phục lai.

Hay chơi trời cũng chiều người !

 (Op. cit. , p.59)

 

Noblesse oblige

 

C’est seulement dans l’ivresse qu’on peut voir que la vie est un leurre

Et puisque le talent nous force à mener la grande vie,

Puisons sans ménagement dans le trésor céleste, qui est intarissable.

S’amuser, c’est gagner, et si l’on n’y acquiert pas la richesse, on n’en devient pas plus pauvre.

Empruntons même au besoin, nos dettes seront toujours à la longue acquittées,

Tandis que l’avarice ne mène jamais à rien.

Ne cédons que devant le créateur

Qui nous pétrit à sa façon pour s’amuser.

Servitude, grandeur, prospérité, infortune,

Ne sont que des masques de comédie qu’il nous impose.

Rien ne vaut le plaisir de l’alcool et de la poésie,

Et qui s’y adonne lasse la jalousie du Ciel et de la Terre.

Les affaires du monde sont comme des nuages flottants, à quoi bon s’en préoccuper ?

Qu’on ne regrette pas mille taels d’or dépensés pour le plaisir : ils reviendront

Car aux gens qui s’amusent le Ciel est volontiers favorable !

 

Ainsi, d’après Dương Khuê, celui qui s’amuse lasse le Destin qui même le favoriserait. Un tel raisonnement, qui n’est d’ailleurs qu’une affirmation gratuite, pourrait nous surprendre. Il nous surprendrait moins si nous cherchions à comprendre la pensée intime de l’auteur. Dương Khuê vécut en effet en un temps où la paix française n’était pas encore solidement établie au Việt Nam, où le Protectorat suspectait systématiquement tous les lettrés de nourir des projets de revanche. Etaient suspects en premier lieu les lettrés qui boycottaient le mandarinat. Mais même ceux qui, tel Dương Khuê, consentaient de servir le Protectorat, plutôt tièdement, n’étaient pas à l’abri de toute suspicion. Pour écarter celle-ci, quel meilleur moyen que d’affecter d’être un libertin, entièrement adonné aux plaisirs ?

 

Telle serait, à notre avis, l’explication de la conception du plaisir chez Dương Khuê. Reconnaissons d’ailleurs qu’il y était amené aussi par son tempérament amoureux. Mais ce chantre de l’amour n’a chanté qu’une catégorie spéciale d’amour : celui des chanteuses. On pourrait déplorer que ce grand poète n’ait pas eu le bonheur de rencontrer dans sa vie un objet d’amour plus digne, une chaste Elvire ou une Juliette virginale. Mais ne le regrettons pas trop : ce prétrone voluptueux y serait probablement insensible. Par contre, il a montré infiniment de grâce dans la description de ses amours innombrables pour les chanteuses. Choisissons, entre ses poèmes, trois spécimens :

 

Le premier raconte sa rencontre avec une chanteuse qu’il a aimée six ou sept ans auparavant, et qu’un malentendu (ou peut-être tout simplement une intervention intempestive et plutôt brutale de madame Dương Khuê) a éloignée de notre poète. Il la retrouve encore dépitée, et pas du tout prête à une réconcillation. Il lui fait alors chanter ce poème composé à son intention :

 

 Tặng cô đào Ngọ

 

Hốt ức lục thất niên tiền sự,

Nợ phong lưu chưa trả hương nguyền.

Đến bây giờ lại gập người quen,

Nỗi lưu lạc sự ghét ghen là thế thế !

Thiếp tự thân khinh lang vị khí,

Thần tuy tội trọng đế do liên.

Can chi mà tủi phận hờn duyên,

Để son phấn lũ đàn em sau khúc khích.

Ý trung nhân chỉ khả tình tượng bạch,

Thôi bút, nghiên, sênh, phách cũng đều sai.

Trông nhau nói nói cười cười !

 (Op. cit. , p.75)

 

A Moidemoiselle Ngọ

 

Soudain me remonte à la mémoire le souvenir de ce qui s’est passé six ou sept ans auparavant,

De nos serments d’amour auxquels nous avons failli,

En vous rencontrant aujourd’hui, ô ma pauvre amie,

Vous que le destin jaloux a séparée de moi.

Sachez que l’amoureuse à son amoureux n’est jamais indifférente,

Et que le sujet coupable trouve toujours grâce devant son souverain.

Pourquoi donc conservez-vous envers moi ce dépit injuste

Qui pourrait fournir sujet de raillerie à vos jeunes collègues,

Alors que les vrais amoureux devraient s’expliquer loyalement ?

Allons, nous avons eu tort tous les deux, vous et moi,

Causons et rions de nouveau, à la bonne franquette !

 

Une autre fois, il amène des amis chez une chanteuse qui ne daigne pas se lever pour les recevoir, se prétendant malade. Moitié en lui parlant affectueusement en ami, moitié en usant de ses droits de client, il a détermine à se lever. On voit que ce grand mandarin, qui aurait pu se faire craindre d’une humble chanteuse a préféré se faire aimer d’elle par la tendresse.

 

 Thăm cô đào ốm

 

Trong nấp bóng ra chiều liễu yếu,

Bệnh đông phong sao khéo nực cười.

Trộm nghe sương tuyết hơi hơi,

Cơm sơi mấy, thuốc sơi dãn mấy ?

Thức hay ngủ cớ sao nằm vậy ?

Hãy tung màn gượng dậy làm vui.

Tiện đây hỏi một đôi lời !

Lòng chiều khách đã suôi suôi thế chửa ?

Đàn cầm sắt gẩy chơi lúc nữa,

Rượu hoàng hoa còn chứa hay không ?

- Nàng vâng xin cũng chiều lòng !

 (Op. cit. , p.81)

 

A une chanteuse malade

 

Dans la pénombre de l’alcôve, je vous trouve languissante ;

Auriez-vous été indisposée par le vent du printemps ?

J’ai entendu dire que vous étiez légèrement souffrante.

Comment va votre appétit ? Les remèdes vous ont-ils soulagée quelque peu ?

Etes-vous réveillé ? Dormez-vous ? pourquoi restez-vous au lit ?

Ne pouvez-vous pas rejeter votre moustiquaire et vous efforcer de vous lever pour nous faire plaisir ?

Un mot, s’il vous plait !

Est-ce ainsi que vous recevez vos clients ?

Que retentisse votre guitare !

Et que l’alcool parfumé au chrysanthème coule à flots !

-Oui, Excellence, qu’il soit fait suivant votre bon plaisir !

 

Enfin, la meilleur œuvre de Dương Khuê est cette chanson où il peint son amour contrariant pour une chanteuse qu’il a connue enfant, et qu’il revoit dans l’épanouissement de sa jeune beauté alors que lui-même se fait déjà vieux. Ebloui devant ses joues roses, il pense mélancoliquement à ses cheveux blancs. Evidemment, avec son argent et sa haute position sociale, il pourrait l’avoir, mais, et c’est ce qui nous charme en lui, il regrette de ne pouvoir s’en faire aimer comme il l’aurait voulu.

 

 

 Hồng hồng tuyết tuyết

 

Hồng Hồng Tuyết Tuyết

Mới ngày nào chưa biết cái chi chi.

Mười lăm năm thấm thoát có xa gì !

Nghoảnh mặt lại, đã tới kỳ tơ liễu.

Ngã lãng du thời quân thượng thiếu,

Quân kim hứa giá ngã thành ông.

Cười cười nói nói tương phùng,

Mà bạch phát, hồng nhan chừng ái ngại.

Riêng một thú Thanh sơn đi lại,

Khéo ngây ngây dại dại với tình.

Đàn ai một tiếng dương tranh.

 (Op. cit. , p. 83)

 

Mademoiselle Rose Neige

 

Rose Neige

Ne savait rien encore, en ce jour pas si lointain.

Quinze ans ont passé depuis, très vite.

Et à peine ai-je eu le temps de me retourner, qu’elle s’est épanouie comme la liane du saule.

Quand, dans la force de l’âge, je venais ici pour m’amuser, elle n’était qu’une petite enfant,

Et maintenant qu’elle a atteint sa puberté, je suis devenu un vieillard !

Nous causons et rions ensemble de notre rencontre,

Mais une gêne se glisse entre mes cheveux blancs et ses joues roses.

Malgré moi, je multiple mes visites

Car mon coeur est pincé par cet amour insensé.

Soudain, la guitare rend un son aigu !

 

Le dernier vers surtout est d’une grâce inimitable. Il semble nous peindre ce vieillard rougissant et ému, absorbé dans la nostalgie de sa verte jeunesse, et réveillé au milieu de ces pensées mélancoliques par un son aigu de la guitare. A travers la différence de races et de civilisations, combien ce soupir nous semble proche de celui de Hugo dans Hernani :

 

Quand passe un jeune pâtre . . .



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