Nguyễn Khuyến

21 Tháng Năm 20143:45 SA(Xem: 7471)

N G U Y Ễ N K H U Y Ế N

(1835-1909)

 

Originaire du village de Yên Đổ, province de Hà Nam. Reçu premier lauréat licencié en 1864 et premier lauréat docteur en 1871. Sa carrière mandarinale fut brillante, mais courte. Nommé successivement directeur des écoles à Thanh Hóa, mandarin fiscal à Quảng Nam, chargé des relations commerciales avec l’étranger, enfin gouverneur des trois provinces de Sơn Tây, Hưng Yên et Tuyên Quang en 1883. Démissionna en 1885 sous prétexte de maladie des yeux.

 

Né au moment où le Việt Nam était encore puissant, il a eu le malheur de trouver un Việt Nam affaibli, aux prises avec des difficultés diplomatiques croissantes au moment où il eut à s’occuper des affaires publiques. En 1885, Huế tomba, l’empereur Hàm Nghi sortit de sa capitale pour résister contre l’envahisseur. Cependant le traité établissant le protectorat avait signé et restait valable. Aux mandarins deux voies étaient ouvertes : ou rester fidèles à l’empereur déchu et prendre les armes, comme Phan Đình Phùng ; ou accepter le protectorat, comme Hoàng Cao Khải et tant d’autres.

 

Nguyễn Khuyến ne s’arrêta ni à l’une ni à l’autre de ces solutions. Il en adopta une troisième : démissionner, se retirer de la politique, bien qu’il eut alors à peine 50 ans. Quels motifs l’ont amené à prendre cette décision ? Un défaut de combativité peut-être, la conscience que son talent littéraire ne servirait pas à grand’chose dans les combats, probablement, mais surtout son sens des réalités qui lui faisait nettement percevoir l’écrasante supériorité militaire de l’envahisseur, et l’inutilité absolue de toute tentative de résistance.

Il eut honte toutefois de ce qu’il considérait comme une désertion du devoir dans le poème suivant :

 

Tự trào

 

Cũng chẳng giàu mà cũng chẳng sang,

Chẳng gầy chẳng béo, chỉ làng nhàng.

Cờ đương giở cuộc không còn nước,

Bạc chửa thâu canh đã chạy làng.

Mở miệng nói ra gàn bát sách,

Mềm môi chén mãi tít cung thang.

Nghĩ mình lại gớm cho mình nhỉ,

Thế cũng bia xanh cũng bảng vàng !

 (Nguyễn Khuyến , p.137)

 

Auto-portrait

 

Sans richesses ni grandes dignités,

Ni maigre, ni gras, tel je suis.

La partie d’échecs est en cours, mais je ne peux plus avancer aucun pion 1,

La partie de cartes n’est pas achevée que je la déserte déjà 2.

Je n’ouvre la bouche que pour dire des sottises,

Et mes lèvres se ramollissent à absorber de l’alcool.

A moi-même je me fais horreur,

Moi qui ai conquis tableau d’or et stèle bleue ! 1

 

Quoique désertant le devoir, Nguyễn Khuyến pensait toujours à la patrie douloureusement. Son état d’âme se révèle dans les trois poèmes suivants :

Ông phỗng đá

Người đâu tên họ là chi ?

Khéo thay trích trích tri tri nực cười.

 

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1 Jeu de mots : Nước cờ : une mançuvre dans une partie d’échecs. Mais nước signifie aussi pays. L’auteur a voulu dire, au propre, qu’au cours d’une partie d’échecs il était acculé à une impasse et ne pouvait plus faire avancer ses pions. Au figuré, le pays est perdu, et les lettrés sont réduits à l’impuissance

2 Auto-critique très sincère. Au lieu de mourir pour la patrie, l’auteur a adopté une attitude de résistance passive ; il s’est borné à demander sa retraite pour n’avoir pas à servir le protectorat. Et il se reproche amèrement cette retraite qu’il considère comme une sésertion du devoir.

3 Les noms des lauréats étaient écrits sur un palmarès constitué par une feuille de papier jaune, et d’autre part, gravés sur une stèle de pierre bleue dressée au temple de Confucius.

Giang tay ngửa mặt lên trời,

Hay là còn nghĩ sự đời chi đây ?

Trông phỗng đá lạ lùng muốn hỏi,

Cớ làm sao len lỏi đến chi đây ?

Hay tưởng trông cây cỏ nước non này ?

Chí cũng rắp giang tay vào hội lạc !

Thanh sơn tự tiếu đầu tương hạc,

Thương hải thùy tri ngã diệc âu.

Thôi cũng đừng chấp truyện đâu đâu,

Túi vũ trụ mặc đàn em sau gánh vác.

Duyên kỳ ngộ là duyên tuổi tác,

Chén chú, chén anh, chén tôi, chén bác,

Cuộc tỉnh say, say tỉnh cùng nhau.

 Nên chăng, đá cũng gật đầu.

 (Op. cit. , p.74)

 

Au bonhomme de pierre

 

Quel est votre nom ? D’òu venez-vous ?

Votre immobilité inébranlable excite le rire !

Etendant les bras et regardant vers le ciel,

Méditeriez-vous sur les affaires du monde ?

Vous trouvant étrange, je voudrais vous demander

Pour quelles raisons vous êtes venu ici ?

Attristé par l’état où sont tombés les végétaux, les monts et les fleuves 1,

Voudriez-vous chercher un compagnon de plaisirs pour oublier vos chagrins ?

Comme la montagne bleue qui va se couronner de blanche neige, ma tête va aussi se coiffer de cheveux blancs.

Et je voudrais, comme la mouette, planer sur le bleu océan.

Mais trêve à ces pensées vagabondes,

Et laissons à nos cadets le soin de se charger de l’avenir du monde.

Merveilleuse est la rencontre de nos deux vieillesses,

Et ne songeons qu’à vider verre sur verre

Pour nous enivrer ensemble.

Cela vous agrée-t-il ?

Le bonhomme de pierre incline sa tête en signe d’assentiment 1.

 

 

 Hỏi ông phỗng đá

 

Ông đứng làm chi đó hỡi ông ?

Trơ trơ như đá vững như đồng !

Đêm ngày coi sóc cho ai đó ?

Non nước vơi đầy có biết không ?

 (Op. cit. , p.81)

 

Questions adressée au bonhomme de pierre

Que faites-vous là, à rester debout,

Inébranlable comme la pierre et le bronze ?

Jour et nuit, pour qui faites-vous le guet ?

Savez-vous si les monts et fleuves sont intacts ou endommagés ?

 

Dans ces deux poèmes, le bonhomme de pierre n’est autre que l’auteur lui-même, qui se raille d’avoir adopté l’attitude “inébranlable” de cette comique statue devant la tragique situation du pays. Pour oublier sa douleur lancinante, le poète n’a plus que la ressource de s’enivrer, et de placer son espoir dans les jeunes générations.

Đêm mùa hạ

 

Tháng tư đầu mùa hạ,

Tiết trời thiệt oi ả.

Tiếng dế kêu thiết tha,

Đàn muỗi bay tơi tả.

Nỗi ấy biết cùng ai ?

Cảnh này buồn cả dạ.

Biếng nhắp năm canh chầy.

Gà đà sớm giục giã.

 (Luận đề về Nguyễn Khuyến, p. 62)

 

1 L’auteur est déjà ivre, et semble voir, à travers les vapeurs de l’alcool, le bonhomme de pierre incliner sa tête.

 Nuit d’été

 

Au quatrième mois, début de l’été,

Le temps est vraiment étouffant.

Le grillon gémit douloureusement

Et les moustiques volètent languissamment.

A qui confier mon cœur ?

Ce spectacle me remplit de tristesse.

Durant les cinq veilles je n’ai pu fermer les yeux

Que déjà le chant du coq me réveille.

 

Ce poème n’est pas que la description d’une nuit d’été. La sensation d’étouffement qui s’en dégage traduit en réalité l’état d’âme de l’auteur devant la situation du pays. Celui-ci a perdu son indépendance, et le devoir de ses dirigeants (les lettrés) serait de prendre les armes contre l’envahisseur. Mais l’auteur a conscience de l’impuissance de sa classe. Il essaie de fermer ses yeux et ses oreilles aux affaires du monde (de dormir pendant cette nuit d’été), mais le spectacle écœurant de la société (le chant du grillon et le vol de moustiques) l’en empêche. Et il se torture vainement dans sa vieillesse décrépite (ne réussit pas à s’endormir). Heureusement, le chant du coq vient le sortir de cette torpeur angoissée ; par là, il affirme sa foi en un avenir glorieux de la patrie.

 

Acceptant de vivre dans la pauvreté plutôt que de recevoir honneurs et richesses des mains de l’ennemi, Nguyễn Khuyến ne pouvait toutefois rester impassible devant le spectacle corrompu et veule qu’il avait sous les yeux. Bien malgré lui, il prit le fouet de Juvénal pour fustiger ceux qui se consolaient trop facilement de l’esclavage. Mais c’était un doux lettré, et son fouet n’était jamais bien méchant. La littérature satirique n’acquerrait toute sa virulent qu’avec Trần Tế Xương, le poète maudit qui avait raté sa vie.

 

 Cảnh Hội Tây

 

Kìa hội thăng bình tiếng pháo reo,

Bao nhiêu cờ kéo với đèn treo.

Bà quan tênh nghếch xem bơi trải,

Thằng bé lom khom nghé hát chèo.

Cậy sức, cây đu nhiều chị bám,

Tham tiền, cột mỡ lắm anh leo.

Khen ai khéo vẽ trò vui thế,

Vui thế bao nhiêu, nhục bấy nhiêu ! 

 (Nguyễn Khuyến, p.90)

 

 

Le 14 Juillet

 

Entendez-vous, dans la fête de la paix, le pétard crépiter ?

Voyez-vous les étendards flotter et les lampions s’illuminer partout.

La grande dame, avec curiosité, assise aux régates

Cependant que le petit gamin se courbe humblement pour voir une pièce de théâtre.

Se fiant à leur force, nombre de filles s’accrochent à la balançoire !

Convoitant l’argent, quantité de garçons escaladent la colonne graissée 1

Admirable est celui qui a imaginé tous ces plaisirs !

Mais autant de plaisir, et c’est autant de honte !

 

 Ông Nghè tháng tám

 

Cũng cờ, cũng biển, cũng cân đai,

Cũng gọi ông Nghè, có kém ai ?

Mảnh giấy làm nên thân giáp bảng,

Nét son điểm rõ mặt văn khôi.

Tấm thân xiêm áo sao mà nhẹ ?

Cái giá khoa danh ấy mới hời.

Ghế chéo, lọng xanh ngồi bảnh chọe,

Tưởng rằng đồ thật, hóa đồ chơi !

 (Op. cit. , p.98)

 

Le docteur du huitième mois 1

 

Bannières, enseignes, bonnet et ceinture d’apparat,

Rien ne lui manque pour être un docteur authentique.

Des morceaux de papier ont faconné son corps de lauréat,

Des taches de vermillon ont orné son visage de lettré.

Mais pourquoi pèse-t-il si peu avec ses coutumes magnifiques ?

La valeur de son titre ne doit pas valoir bien cher !

Sur sa chaise curule, flanquée d’un parasol bleu, il s’assied superbement.

Je le croyais un lettré véritable, mais ce n’est qu’un jouet ! 2

 

 Phường chèo nói chuyện với vợ.

 

Xóm bên đông có phường chèo trọ,

Đang nửa đêm với vợ chuyện trò

Rằng : “Ta thường làm quan to,

Sao người coi chẳng ra trò trống chi ?”

Vợ giận lắm, mắng đi mắng lại :

“Tuổi đã già sao dại như chi ?

Nửa đêm, ai chẳng biết gì,

Lỡ ai biết đến thiếp thì hổ ngươi !

Ở đời chỉ có hai điều sợ :

Sống, chết người, quyền ở trong tay.

Thế mà chàng đã chẳng hay,

Còn ai sợ đến thứ này nữa chăng ?

Vả chàng cũng lăng nhăng túng kiết,

Cuộc sinh nhai kiếm chác qua thì.

Vua chèo còn chẳng ra gì,

Quan chèo chi nữa khác chi thằng hề ! “

 (Op. cit. , p.107)

Conversation entre un comédien et sa femme

 

Dans le hameau de l’Est un comédien séjourne ;

Au milieu de la nuit, avec sa femme il s’entretient

En ces termes : “Pour moi qui joue les rôles de grand mandarin,

Pourquoi n’a-t-on pas aucune considération ?”

Sa femme, courroucée, lui réproche véhémentement :

“Tu es vieux déjà, pourquoi es-tu resté si sot ?

C’est bien heureux qu’il soit minuit et que personne ne nous écoute ;

Autrement, combien serais-je confuse de tes paroles !

Dans la vie, on n’a d’égards que pour ceux qui

Tiennent entre leurs mains la vie et la mort des autres.

Ne le sais-tu pas ?

Pourquoi te redouterait-on ?

D’ailleurs tu es pauvre

Et tu gagnes difficilement ta vie.

Même un roi de comédie ne vaut rien,

A plus forte raison, un mandarin de comédie n’est qu’un bouffon !”

 

 Nous ne savons pas si les contemporains de Nguyễn Khuyến appréciaient beaucoup ses satires. En tout cas, ce qui nous charme le plus en lui, ce qui fait sa gloire impérissable, c’est qu’il fut peut-être le poète qui savait le mieux peindre les paysages viêtnamiens. Nous avons maintes fois admiré Nguyễn Du et Bà huyện Thanh Quan pour leurs beaux paysages, trop beaux cependant, trop idéalisés, nous dirons même d’une beauté trop aristocratique, comme sortis d’un livre d’estampes chinoises et non pris dans la réalité banale de la terre viêtnamienne. Ecoutons par exemple ces deux vers de Nguyễn Du qui chantent la grâce vaporeuse de l’automne :

 

 Long lanh đáy nước in trời,

 Thành xây khói biếc, non phơi ánh vàng.

 

Dans le fond brillant des eaux se mire le ciel,

Les citadelles s’estompent dans une brume bleue, et les collines étendent leur reflet jaune dans la lumière crépusculaire.

 

et comparons-les avec ces trois descriptions de l’automne de Nguyễn Khuyến :

 

 Thu điếu

 

Ao thu lạnh lẽo nước trong veo,

Một chiếc thuyền câu bé tẻo teo.

Sóng biếc theo làn hơi gợn tí,

Lá vàng trước gió sẽ đưa vèo.

Từng mây lơ lửng trời xanh ngắt,

Ngõ trúc quanh co khách vắng teo.

Tựa gối ôm cần lâu chẳng được,

Cá đâu đớp động dưới chân bèo.

 (Op. cit. , p.43)

 

Une partie de pêche en automne

 

Sur l’étang, dont l’eau froide en automne est d’une limpidité extrême,

Se promène une toute petite barque de pêche.

Au souffle du vent, les vagues violettes se rident légèrement,

Et les feuilles jaunies des arbres tombent en bruissant.

Sur le ciel d’un bleu intense des nuages flottent,

Mais le sentier tortueux bordé de bambous est vide de passants.

Accoudé à mes genoux, je tiens ma ligne de pêche longtemps sans résultat

Lorsque tout à coup un poisson mord à l’hameçon sous les lentilles d’eau.

 

Thu ẩm

 

Năm gian nhà cỏ thấp le te,

Ngõ vắng đêm sâu đóm lập lòe.

Làn ao lóng lánh bóng trăng loe.

Da trời ai nhuộm mà xanh ngắt,

Mắt lão không viền cũng đỏ hoe.

Rượu tiếng rằng hay, hay chẳng mấy,

Độ dăm ba chén đã say nhè !

 (Op. cit. , p.45)

 

Beuverie en automne

 

Ma paillote de cinq pièces est toute basse

Dans la ruelle déserte où scintillent des vers luisants dans la nuit profonde.

De la haie contre laquelle elle s’adosse s’échappe une légère fumée,

Et la mare d’à côté miroite sous le clair de lune.

Qui donc a teint en bleu sombre la voute du ciel ?

Mes yeux sans être bordés rougissent déjà.

Je passe pour être adonné à l’alcool, mais pas beaucoup

Car à peine en ai-je bu trois tasses que je tombe déjà ivre !

 

 

Thu vịnh

 

Trời thu xanh ngắt mấy từng cao,

Cần trúc lơ thơ gió hắt hiu.

Nước biếc trông như tầng khói phủ,

Song thưa để mặc ánh trăng vào.

Mấy chùm trước giậu hoa năm ngoái,

Một tiếng trên không ngỗng nước nào ?

Nhàn hứng cũng vừa toan cất bút,

Nghĩ ra lại thẹn với ông Đào.

 (Op. cit. , p.46)

 

 

Paysage d’automne

 

Sous la voûte céleste, très élevée en automne, et d’un bleu intense,

Les tiges de bambou tremblent au souffle du vent.

L’eau violette de la mare semble recouverte de fumée,

Et ma fenêtre aux barreaux disjoints laisse pénétrer à flots la lummière de la lune.

Je vois devant la haie quelques touffes de fleurs de l’an passé,

Et j’entends en haut le cri d’une grue qui vient je ne sais d’où.

Inspiré, je tente de lever mon pinceau,

 

Mais le souvenir du poète Đào 1 me remplit de honte et arrête ma main.

 

Le contraste est frappant. Tandis que Nguyễn Du nous emporte avec ravissement dans des paysages féeriques, Nguyễn Khuyến, beaucoup plus simple, nous émeut avec les paysages familiers du Việt Nam, de cette douce terre du Việt Nam où les gens sont pauvres et la vie difficile, mais qui est celle où nous sommes nés, où nous grandissons, souffrons et aimons, et où nous laisserons nos os un jour.

 

Non content de peindre les paysages, Nguyễn Khuyến a peint aussi la vie des paysans viêtnamiens, a partagé leurs souffrances lors d’une inondation ou d’une mauvaise récolte, et leurs joies à la fête de Nouvel An.

 

 Nước lụt Hà Nam

 

Quai Mễ Thanh Liêm đã vỡ rồi,

Vùng ta thôi cũng lụt mà thôi !

Gạo năm ba bát cơ còn kém,

Thuế một hai nguyên đáng chửa đòi.

Tiếng sáo vo ve chiều nước vọng,

Con thuyền len lỏi bóng trăng trôi.

Đi đâu cũng thấy người ta nói,

Mười chín năm nay lại cát bồi.

 (Op. cit. , p. 57)

Inondation de Hà Nam

 

Le boucle du village de Mễ à cédé ;

Nottre contrée, sans aucun doute, ne sera pas épargnée par l’inondation !

Le riz se vend cinq ou trois bol pour une ligature : la famine subsiste

L’impôt, qui est de une à deux piastres par tête, de devrait pas être perçu.

De qui est ce son de flûte qui se répercute sur les flots ?1

Et quellle est cette barque qui se faufile sous le clair de lune ?

Partout j’entends se lamenter

Que depuis dix neuf ans le sable n’a cessé d’envahir nos rizières. 2

 Mất mùa

 

Mấy năm cầy cấy vẫn chân thua,

Chiêm mất đằng chiêm, mùa mất mùa.

Phần thuế quan thu, phần trả nợ,

Nửa công đứa ở, nửa thuê bò.

Sớm trưa dưa muối cho qua bữa,

Chợ búa trầu cau cũng chẳng mua.

Tằn tiện thế mà sao chửa khá,

Nhờ trời rồi cũng mấy gian kho.

 (Op. cit. , p.59)

 

Mauvais récolte

 

La malchance nous poursuit depuis plusieurs années :

La récolte du cinquième mois n’a rien produit, ni celle du dixième.

Le peu qui me reste est pris par les impôts, les dettes,

Les gages des serviteurs, et la location du buffle.

Matin et soir, je n’ai à manger que des légumes salés,

Et je m’interdis même d’acheter du bétel au marché.

Avec tant d’épargne, pourquoi resté-je toujours pauvre ?

Plaise au Ciel qu’un jour mes greniers se remplissent de riz !

 

Cảnh Tết

 

Năm ngoái, năm kia, đói miệng chết,

Năm nay phong lưu đã ra phết !

Thóc mùa, thóc chiêm, hãy còn nhiều,

Tiền nợ, tiền công, vừa trả hết.

Trong nhà rộn rịp gói bánh chưng,

Ngoài cửa bi bô rủ chung thịt !

Ta ước sao cho mãi thế này,

Hễ hết Tết rồi thì lại Tết.

 (Op. cit. , p.63)

 

Fête du Nouvel An

 

L’an dernier, l’avant-dernière année, je pensais devoir mourir de famine,

Et cette année, je nage déjà dans l’opulence !

Riz du cinquième mois, riz du dixième mois, j’en ai encore beaucoup

Bien que toutes mes dettes et les gages des serviteurs aient été payés.

Dans la maison, grande animation pour confectionner des gâteaux de riz gluant !

A la porte, bruyantes conversations pour acheter en commun un porc !

Ah ! si ces jours bienheureux pouvaient durer toujours !

Si le Tết au Tết succédait sans interruption.

 

Enfin, Nguyễn Khuyến a laissé un poème admirable sur la mort de son ami Dương Khuê (grand poète lui aussi, et dont nous parlerons plus loin). Nous ne résistons pas au plaisir de le citer ici, car il peut montrer au lecteur étranger comment les Viêtnamiens concevaient et concoivent l’amitié.

 

Viếng cụ Dương Khuê

 

Bác Dương thôi đã thôi rồi !

Nước mây man mác ngậm ngùi lòng ta.

Nhớ từ thủa đăng khoa ngày trước

Vẫn sớm hôm tôi bác cùng nhau.

Kính yêu từ trước đến sau,

Trong cơn hoạn nạn khác đâu duyên trời.

Cũng có lúc chơi nơi dặm khách,

Tiếng suối nghe róc rách lưng đèo.

Có khi tầng gác cheo leo,

Khúc vui con hát lựa chiều cầm xoang.

Cũng có lúc rượu ngon cùng nhắp,

Chén quỳnh tương ăm ắp bầu xuân.

Có khi bàn soạn câu văn,

Biết bao đông bích điển phần trước sau.

Buổi ly loạn gặp đâu cơ số,

Phận đẩu thăng ai có than trời.

Tôi già bác cũng già rồi,

Biết thôi, thôi thế thì thôi mới là.

Muốn đi lại tuổi già thêm nhác,

Trước ba năm gặp bác một lần.

Cầm tay hỏi hết xa gần,

Mừng rằng bác vẫn tinh thần chưa can.

Kể tuổi tôi còn hơn tuổi bác,

Tôi lại đau trước bác mấy ngày.

Làm sao bác vội về ngay,

Thoạt nghe tôi bỗng chân tay rụng rời.

Ai chả biết chán đời là phải,

Vội vàng chi đã mải lên tiên ?

Rượu ngon không có bạn hiền,

Không mua không phải không tiền không mua.

Thơ muốn viết, đắn đo chẳng viết,

Viết đưa ai, ai biết mà đưa.

Giường kia treo những hững hờ,

Đàn kia gẩy cũng ngẩn ngơ tiếng đàn !

Bác chẳng ở, dẫu van chẳng ở,

Tôi tuy thương, lấy nhớ làm thương.

Tuổi già hạt lệ như sương,

Hơi đâu ép lấy hai hàng chứa chan.

 (Op. cit. , p.69)

 

Oraison funèbre de Dương Khuê

 

Hélas ! mon ami Dương n’est plus !

Ma tristesse en est infinie comme l’eau et les nuages.

Je me rappelle que depuis le jour où nous avons été reçus en même temps,

Nous n’avons jamais cessé d’être ensemble, soir et matin.

Notre affection et notre estime mutuelles ne se sont pas démenties un seul instant

Et n’ont fait que se développer dans les périls que nous avons traversés.

Des fois nous voyagions ensemble en pays étranger,

Des fois nous écoutions ensemble l’eau tombant des torrents,

Des fois, dans un étage bien élevé,

Nous apprécions ensemble le chant et la musique.

Des fois, ensemble nous dégustions le bon alcool

Enfermé tout plein dans des jarres de printemps.

Des fois nous discutions littérature

Dans une bibliothéque pleine de livres.

Maints périls nous ont menacés dans cette période de troubles,

Mais jamais nous n’avons gémi de notre pauvreté.

Vieux j’étais déjà, et vous aussi.

Nous nous comprenions, et cela nous suffisait.

J’aurais voulu aller vous voir souvent, mais la vieillesse m’a rendu paresseux.

Trois ans auparavant, je vous ai rencontré ;

Nous tenant la main, nous nous sommes demandé des nouvelles,

Et je me suis applaudi de ce que votre santé était toujours excellente.

Mon âge est plus chargé que le vôtre,

Et je suis tombé malade quelques jours avant vous.

Pourquoi donc êtes-vous mort si subitement ?

En apprenant cette nouvelle, j’ai eu les bras et les jambes coupés.

Qui ne sait que la vie ne vaut pas qu’on y tienne,

Mais pourquoi vous hâter tant d’aller chez les immortels ?

J’aime le bon alcool, mais depuis que je n’ai plus de bon ami pour le déguster avec moi,

Je n’en achète plus, et non par manque d’argent.

J’aime à écrire des poèmes, mais j’hésite à les écrire,

Car à qui les adresser maintenant ? et qui saurait les apprécier ?

J’avais pour vous un lit, qui ne sera plus jamais utilisé,

Et une guitare qui ne veut plus rendre que des sons discordants.

Vous ne voulez plus rester sur terre, même si l’on vous en priait ;

J’en souffre affreusement, mais je ne veux plus souffrir en pensant à vous.

Les larmes d’un vieillard sont comme de la rosée,

A quoi bon se torturer à les répandre abondamment ?

 

Les deux derniers vers pourraient surprendre à première vue, car ils sembleraient dénoncer une sécheresse de cœur chez l’auteur. Mais à y penser plus attentivement, on saisit la sensibilité profonde du vieillard devant la mort de son vieil ami. “Vous m’avez abandonné sur cette terre, semble-t-il lui dire. Vous n’êtes qu’un égoïste, et je ne vous pleurerai pas”. Mais à peine a-t-il écrit ces vers par dépit que la douleur le terrasse de nouveau et que les larmes inondent ses yeux, lui faisant sentir à quelle triste solitude il est condamné désormais.

 

Le lecteur aura certainement remarqué que nous n’avons cité de Nguyễn Khuyến aucun poème sur les thèmes favoris des lettrés : Chí nam nhi (aspiration de l’homme viril) et Thu nhàn (délices des loisirs). Si nous ne l’avons pas fait, c’est parce que Nguyễn Khuyến n’a écrit aucun poème sur ces deux thèmes. Et l’on saisit par là toute la différence qui sépare la génération de Nguyễn Công Trứ de celle de Nguyễn Khuyến. Alors que celle-là avait été pleine de confiance dans les destinées du pays et la mission grandiose de ses dirigeants, celle-ci non seulement se taisait pudiquement sur ce thème exaltant, mais même n’osait plus vanter orgueilleusement sa conception épicurienne de la vie. L’idéal du lettré, en effet, était d’être un homme supérieur par le talent, par les grands services qu’il pouvait rendre au pays, mais aussi par une vie débordante, remplie par la poésie, la musique, l’alcool et l’amour.

 

Ces objectifs ne se contredisaient pas, mais formaient au contraire un système parfaitement cohérent. Si Nguyễn Công Trứ osait, en grand seigneur, glorifier les plaisirs à la barbe des puritains, c’est parce qu’il les avait bien mérités par toute une vie d’études laborieuses et consacrée au service du pays. Et s’il ambitionnait tellement de servir son pays, de réussir aux examens et d’entrer dans la carrière mandarinale, c’était pour avoir le droit de mener une vie d’épicurien, une fois sa mission accomplie. Tout cela s’enchainait parfaitement.

 

Mais lorsque le pays avait perdu son indépendance, lorsque le lettré avait failli à sa mission, comme c’était le cas de Nguyễn Khuyến, non seulement la fierté était morte en lui, mais aussi la conception épicurienne de la vie. Nous ne le verrons pas vanter insolemment les plaisirs de l’alcool et des chanteuses. Le respect de soi, en ces premiers jours de l’occupation étrangère, contraignait les lettrés à mener une vie plus respectable que leurs aînés. Ce ne sera qu’un peu plus tard, lorsque la douleur patriotique se sera cicatrisée, qu’on entendra retenir (à partir de 1920)

 

Par delà le fleuve l’hyme de la “Fleur du Pavillon postérieur”

Chanté par des cantatrices oublieuses de la honte de l’esclavage.

 

 Thương nữ bất tri vong quốc hận

 Cách giang do xướng Hậu đình hoa.

 

Ou alors, la fuite vers le plaisir, nous ne disons plus l’épicurisme, sera un moyen d’évasion pour oublier les malheurs du temps chez Dương Khuê, Chu Mạnh Trinh et Trần Tế Xương.

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1 La perte de l’indépendance du pays.

1 Le 14 Juillet, l’Administration française organisait des jeux pour amuser le peuple : regates sur les lacs et rivières, théâtres forains, jeu de balançoire, escalade des colonnes graissées à l’ex trémité desquelles étaient suspendues des ligatures de sapèques. Il n’était pas facile d’attraper celles-ci, parce que la graisse rendait la colonne de bois très glissante.

 

1 Jusqu’aux environs de 1915, les jouets d’enfant, particulièrement ceux mis en vente à l’occasion de la fête de la mi-automne, consistaient surtout en bonhommes de papier représentant les docteurs, rêve des jeunes enfants et de leurs parents !

2 Il y a dans le dernier vers un jeu de mot assez sutil. Đồ signifie à la fois lettré et objet. (Đồ chơi : objet-jouet). L’auteur a voulu, en opposant đồ thật à đồ chơi, faire la satire des mandarins de son époque. A les voir si magnifiques, on pourrait croire qu’ils détenaient un grand pouvoir. En réalité, ils n’étaient qu’un jouet entre les mains du Protectorat.

1 Đào Tiềm (Tao Qian 陶潛), un poète de la dynastie des Tần. Sous-préfet de Bành Trạch, il a démissionné pour n’avoir pas à subir l’arrogance d’un inspecteur. Nguyễn Khuyến a aussi démissionné pour n’avoir pas à servir l’étranger vainquer, mais sa démission fut également une désertion, et il en conçut de la honte.

1 Le plaisir ne perd jamais ses droits. Lorsque toute la campagne est inondée, le son de flûte attachée aux cerfs-volant se répercute très loin sur cette nappe d’eau immense. Et les mélomanes ne manquent pas, au plus fort de la calamité, cette occasion de jouir du son de la flûte aérienne.

2 L’Histoire nous apprend en effet que sous le règne de Tự Đức le Fleuve Rouge a rompu ses digues 19 années consécutives, à causes l’impéritie des mandarins. Et le sable alluvionnaire s’est répandu sur les rizières argileuses, les rendant impropres à la culture.

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