Cao Bá Quát

21 Tháng Năm 20143:07 SA(Xem: 6798)

C A O B Á Q U Á T

( ? - 1854)

 

La vie de Cao Bá Quát présente avec celle de Nguyễn Công Trứ, son illustre contemporain, certains points de ressemblance, avec cependant un dénouement tragiquement différent.

 

Originaire du village de Phú Thị, province de Bắc Ninh, il appartenait à une famille de lettrés remarquables. Et dès sa jeunesse, il s’est illustré par son talent littéraire et son vaste savoir.

 

Comme Nguyễn Công Trứ, il a échoué plusieurs fois à l’examen, et a vécu dans la pauvreté. Ce n’est qu’en 1831 qu’il fut reçu licencié au centre d’examen de Hanoi. Il se rendit à Huế pour passer le doctorat. Vainement, car son caractère orgueilleux le fit détester de tous les examinateurs qui s’acharnaient à le faire échouer. N’a-t-il pas dit un jour :”Quatre paniers de caractères sont distribué dans le monde. J’en accapare deux ; le troisème est attribué à mon frère Nhạ et à mon ami Siêu. Les lettrés partagent le dernier”?

 

Il dut ainsi végéter jusqu’en 1841 où la Cour consentit enfin à l’engager comme petit fonctionnaire au ministère des Rites. Malgré ses grands talents, il n’obtint aucun avancement, car poussé par le démon de l’orgeuil, il osa railler tous les grands dignitaires, jusqu’aux princes Tụy Lý et Tùng Thiện qui étaient pourtant des bons poètes. Ceux-ci avaient fondé un cercle littéraire et invitèrent Cao Bá Quát à en faire partie. Mais en lisant les œuvres de ce cercle, notre poète se boucha les narines et s’écria :

Ngán cho cái mũi vô duyên

Câu thơ thi xã, con thuyền Nghệ An !

 

 Pitié pour mon nez malheureux

Qui doit sentir le parfum des poèmes de votre cercle, pareil à celui des joncques de Nghệ An !

 

(Les joncques de Nghệ An transportent la sauce de poisson, dont l’odeur est plutôt nauséabonde).

 

Exédée enfin de ses insolences, la Cour l’envoya comme instituteur à Quốc Oai, province de Sơn Tây, en 1854. C’était lui infliger une grande humilliation, car Cao Bá Quát, qui se jugeait apte à remplir les fonctions de ministre, se vit confier l’éducation d’une dizaine de gosses dans un district perdu dans la Moyenne-Région du Nord-Việt Nam.

 

Ulcéré, il accepta d’entrer dans le complot de Lê Duy Lương, un descendant des Lê qui tentait de soulever la population du Nord contre la dynastie des Nguyễn. La révolte fut vite réprimée, et Cao Bá Quát fut saisit et condamné à mort avec toute sa famille.

 

Ainsi donc, aussi bien doué que Nguyễn Công Trứ, Cao Bá Quát a eu une fin tragique. Tandis que les insuccès n’ont fait que fortifier en le premier sa volonté de réussir pour servir le pays, ils ont poussé le second au désespoir puis à la rebellion.

 

On pourrait aussi expliquer cette divergence de destins des deux plus grands poètes du milieu du XIXè siècle par des considérations historiques :

 

Nguyễn Công Trứ, on se le rappelle, a vécu dans sa jeunesse une époque héroïque. Il a assisté aux triomphes prestigieux de l’empereur Quang Trung, de l’empereur Gia Long et de leurs généraux. Et il a débuté dans la carrière mandarinale à un moment où la dynastie des Nguyễn était encore en pleine gloire. Son devoir était donc tout tracé : pacifier le pays, à l’exemple des héros dont il voulait suivre les traces.

 

Cao Bá Quát, au contraire, a débuté dans la vie plus tardivement. Du règne des Nguyễn, il n’a connu que la corruption des fonctionnaires et la misère du peuple. Sa foi dynastique s’en ressentait fâcheusement et s’écroulerait lorsqu’il serait blessé dans son immense orgueil.

 

Et pourtant, dans sa jeunesse, il avait voulu, tout autant que Nguyễn Công Trứ, réaliser de grandes choses pour le service du pays.

 

 

 

 

Cuộc phong trần

 

Chẳng lưu lạc dễ trải mùi trần thế,

Còn trần ai khôn tỏ mặt công hầu.

Ngất ngưởng thay con tạo khéo cơ cầu,

Muốn đại thụ hẳn dìm cho lúng túng.

Thân hệ bang gia chung hữu dụng,

Thiên sinh hào kiệt bất ưng hư.

Hẳn bền lòng chớ chút oán vưu,

Thời chí hũ ngư long biến hóa.

Thôi đã biết cùng thông là mệnh cả,

Cũng đừng đem hình dịch lại cầu chi.

Hơn nhau cũng một chữ thì !

 (Việt Nam thi văn giảng luận II, p.269)

 

L’infortune

 

Sans être dans l’infortune, comment acquérir l’expérience de la vie ?

Et il est naturel que le héros encore dans l’ombre ne puisse être reconnu pour un future duc et marquis.

Combien taquin est le créateur

Qui plonge dans l’infortune ceux qu’il destine à de grandes missions !

Mais ce corps voué au service de la famille et de la patrie ne saurait rester toujours inemployé,

Et ce n’est pas pour les laisser moisir que le Ciel a crée des hommes de talent.

Ayons donc la patience, sans éprouver aucun ressentiment,

D’attendre que vienne le temps où le poisson se changera en dragon 1

Et puisque la chance et l’infortune sont prédéterminées,

Il ne sertà rien de se lamenter.

Le succès viendra en son temps !

 

Remarquons que le ton amer de ce poème, écrit après plusieurs échecs successifs aux examens, reste cependant tempéré par une lueur d’espérance. Notre poète, comme tous les anciens lettrés, croyait en la prédétermination des affaires humaines ; s’il n’a pas encore réussi, c’est parce que le Ciel ne le voulait pas. Et pourquoi le Ciel tardait-il à exaucer ses vœux ? Parce que – et ceci fait partie aussi de la philosophie des anciens lettrés – les hommes appelés à de hautes destinées doivent d’abord subir mille infortunes pour tremper leur caractère.

 

Cependant, la fortune n’a pas souri à Cao Bá Quát. Malgré ses grands talents, on le laissait moisir dans ses fonctions subalternes. Et son ardeur de jeunesse s’est muée en un noir pessimisme qu’il essayait de noyer dans l’alcool.

 

 Uống ruợu tiêu sầu

 

Ba vạn sáu nghìn ngày là mấy,

Cảnh phù du trông thấy cũng nực cười.

Thôi công đâu chuốc lấy sự đời,

Tiêu khiển một vài chung lếu láo.

Đoạn tống nhất sinh duy hữu tửu,

Trầm tư bách kế bất như nhàn.

Dưới thiều quang thấp thoáng bóng Nam san,

Ngoảnh mặt lại, cửu hoàn coi cũng nhỏ.

Khoảng trời đất, cổ kim, kim cổ,

Mảnh hình hài không có, có không.

Lọ là thiên tứ, vạn chung !

 (Op. cit. , p.270)

 

 L’alcool, remède contre le chagrin

 

Trente six mille jours 1 sont vite écoulés,

Et la vie humaine, aussi éphémère que celle d’un insecte, ne mérite qu’un sourire de pitié.

A quoi bon alors se créer des ennuis ?

Ne vaut-il pas mieux passer le temps à vider quelques verres ?

Seul l’alcool peut nous aider à traverser la vie,

Et aucun effort de pensée ne vaut un instant de loisir.

Quand je bois, je vois trembloter l’ombre de la montagne du Sud dans la lumière printanière,

Et la terre entière me semble minuscule

Dans l’infini de l’espace et du temps

Même notre corps est illusoire,

Et à plus forte raison les honneurs et richesses !

 

Tout autant que Nguyễn Công Trứ, Cao Bá Quát s’est adonné aux plaisirs avec passion. Mais tandis que le poète de Hà Tĩnh considérait les plaisirs comme moyen d’exprimer sa conception orgueilleuse de l’homme supérieur à qui toutes les jouissances sont permises, et qui n’a pas besoin de s’embarrasser des scrupules des petites gens :

 Chơi cho lịch mới là chơi,

Chơi cho đài các cho người biết tay

 Tài tình dễ mấy xưa nay !

 

Pour bien s’amuser, il faut le faire élégamment,

Aristocratiquement, et de manière qu’on le sache.

Combien dans le monde peut on compter de ces dilettantes délicats ?

 

Cao Bá Quát, lui, concevait avec désenchantement les plaisirs comme une façon de vivre vite, de mettre les bouchées doubles dans un banquet qu’il savait éphémère :

 

 Thấm thoắt

 

Nhân sinh thiên địa gian nhất nghịch lữ,

Có bao lăm ba vạn sáu nghìn ngày,

Như thoi đưa, như bóng sổ, như gang tay.

Sực nhớ chữ cổ nhân bỉnh chúc,

Cao sơn lưu thủy, thi thiên trục,

Minh nguyệt thanh phong tửu nhất thuyền.

Giang tay người tài tử, khách thuyền quyên,

Chén rượu thánh câu thơ thần thích chí.

Thành thị ấy mà giang sơn ấy,

Đâu chẳng là tuyết nguyệt phong hoa.

Bốn mùa xuân lại thu qua,

Đời người thấm thoắt như là con thoi.

Cho hay kẻ thế ở đời.

 (Op. cit. , p.278)

 

La vie est brève

 

L’homme est dans la vie comme dans une auberge de passage;

Bien courte est la durée de trente six mille jours

Qui passent comme une navette, ou l’ombre d’un cheval.

Et je me rappelle ce mot : Les anciens allumaient leurs flambeaux 1

Devant le spectacle des montagnes élevées et de l’eau courante, on doit composer mille poèmes,

Et pour jouir de la lune brillante et du vent frais, il faut avoir sa barque pleine d’alcool.

Que l’homme de talent et la belle femme se donnent la main

Pour goûter ensemble l’alcool saint et la poésie divine !

Que ce soit dans la ville ou dans les monts et fleuves,

Ne trouvons-nous pas partout la neige, la lune, le vent et les fleurs?

Le printemps passe, bientôt ce sera le tour de l’automne,

Et la vie est brève comme une navette qui passe.

Telle est la signification de notre existence !

 

A la briève de la vie humaine, s’ajoute dans l’esprit du poète un nouveau motif de pessimisme : le spectacle des bassesses de ses collègues, qu’il ne craignait pas de fustiger en ces phrases vengeresses :

Ngán nhỉ kẻ tham bề khóa lợi, mũ cánh chuồn đội trên mái tóc, nghiêng mình đứng chực cửa hầu môn ;

 Quản bao kẻ mang cái giàm danh, áo giới lân trùm dưới cơ phu, mỏi gối quì mòn sân tướng phủ.

Quản bao kẻ mang cái giàm danh, áo giới lân trùm dưới cơ phu, mỏi gối quì mòn sân tướng phủ.

 (Op. cit. , p.276)

Honte à ceux qui, enchaînés par l’intérêt, se courbent en attendant devant les palais princiers, le bonnet de libellule 1 sur les cheveux !

 

A ceux qui, le mors des honneurs à la bouche, s’épuisent à rester agenouillés dans la cour du premier ministre, l’habit brodé de phénix 2 sur la carcasse !

 

Dans une société féodale, de pareils pamplets étaient évidemment intolérables. Et nous ne sommes pas surpris de voir Cao Bá Quát exilé à Quốc Oai, où il ne tarderait pas à lever l’étendard de la révolte.

 

A l’heure de son exécution, lorsque le tambour retentit pour donner au bourreau le signal d’accomplir sa sinistre besogne, le poète révolté proféra une dernière injure (en vers !) d’une sublime grossièrreté qui rappelle le mot de Cambronne :

 

 Ba hồi trống dục đù cha kiếp,

 Một nhát gươm đưa đéo mẹ đời

 (Op. cit. , p.273)

 

Trois roulement de tambour : maudit soit le sort !

Un coup d’épée : foutue la vie ! 

 

 

 

1 Ornement vestimentaire des mandarins civils.

2 Ornement vestimentaire des mandarins militaires.



1 D’après la légende, la carpe qui réussit à franchir la cascade de Vũ Môn se mue en dragon. C’est l’image du lettré qui réussit à l’examen et se transforme du jour au lendemain en mandarin.

 

1 Durée maximum de la vie humaine.

 

1 Allusion à un vers célèbre du poète Lý Thái Bạch (Li Tai Bai 李太白) qui disait que “les anciens allumaient leurs flambeaux pour s’amuser pendant la nuit, de peur que la journée ne fut trop brève.

 

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