Chapitre VI: Chansons Sentimentales

21 Tháng Năm 201412:41 SA(Xem: 6875)

Les grands thèmes de l’inspiration émotive, au Vietnam comme partout ailleurs, sont : l’amour, la famille, la patrie et le travail. C’est dans ce cadre que nous allons étudier les chansons sentimentales, les plus nombreuses dans la littérature populaire Vietnamienne.

 

 

Section I. L’AMOUR ET LE MARIAGE

 

 

Si nous accolons ensemble ces deux termes, c’est que chez nous l’amour vise généralement à être couronné par le mariage.

 

 

La beauté féminine

 

 

Demandons-nous d’abord comment était conçue la beauté féminine. Bien entendu, la beauté naturelle est préférée à celle qui est obtenue grâce à des artifices :

62. Cô kia má phấn môi son

Nắng dầu mưa giãi càng giòn càng ưa

Cô kia mặt trẽn mày trơ

Vàng đeo bạc quấn càng dơ dáng đời. Celle-ci, dont les joues sont blanches comme du fard et les lèvres rouges comme du vermillon

A beau s’exposer au soleil et à la pluie, elle n’en devient que plus jolie.

Celle-là, affigé d’un visage insipide et effronté, A beau s’entourer de bijoux d’or et d’argent, elle ne fait que se rendre plus déplaisante.

 

 

Cette préférence se comprend et persiste toujours, malgré la prolifération actuelle des salons de beauté, mais enfin cela ne nous renseigne pas beaucoup sur les canons de la beauté féminie d’autrefois. Ecoutons donc cet éloge décerné par un amoureux à sa belle :


63. Cổ tay em trắng như ngà Con mắt em liếc như là dao cau Miệng cười như thể hoa ngâu

Cái khăn đội đầu như thể hoa sen.

Votre poignet est aussi blanc que l’ivoire

Et votre regard aussi aiguisé qu’un couteau à découper des noix d’arec.

Votre bouche qui sourit ressemble à la fleur d’aglaé,

Et le turban qui surmonte votre tête offre l’image d’une fleur de lotus.

 

 

Cet amoureux-là n’est pas très prolixe. Un autre, plus flatteur, ou doué d’un esprit plus analytique, détaille comme suit les charmes de sa belle :

64. Một thương tóc bỏ đuôi gà

Hai thương ăn nói mặn mà có duyên

Ba thương má núm đồng tiền

Bốn thương răng lánh hạt huyền kém thua

Năm thương cổ yếm đeo bùa

Sáu thương nón Thượng quai tua dịu dàng

Bẩy thương nét ở khôn ngoan

Tám thương ăn nói lại càng thêm tươi

Chín thương cô ở một mình

Mười thương con mắt hữu tình với ai.

Je vous aime, premièrement, pour vos cheveux tressés en queue de coq, Deuxièmement, pour votre conversation si enjouée et spirituelle,

Troisièmement, pour vos joues creusées en fossettes comme des sapèques, Quatrièmement, pour vos dents plus éclatantes que des grains de jais,

Cinquièmement, pour votre couvre-sein auquel pend un talisman, Sixièmement, pour votre chapeau de latanier muni d’une jugulaire

de soie si douce

Septièmement, pour votre sage conduite,

Huitièmement, pour votre visage qui s’éclaire si joliment lorsque vous parlez, Neuvièmement, parce que vous vivez seule,

Et dixièmement, parce que vos yeux sont si chargés d’amour pour moi.

 

 

On voit que les anciens canons de la beauté féminine diffèrent sensi- blement de ceux de notre temps. Aucun mot de la mensuration de la gorge ni des hanches! Par contre, une grande importance était attribuée à ces colifichets puérils : un couvre-sein mignon auquel pendait coquettement un talisman, un


chapeau de latanier muni d’une jugulaire en soie. Et nous ne parlons ni des cheveux tressés en queue de coq, ni des dents noires laquées. C’était la mode de nos grand’mères, et même en notre pays si longtemps et si farouchement conservateur, la mode a fait des bonds gigantesques. Ce qu’il importe toute- fois de noter, ce qui plait éternellement, aujourd’hui comme autrefois, au jeune homme vietnamien, c’est la sage conduite de son élue, sa conversation spirituelles, son doux maintien, et la flamme d’amour qui luit dans ses yeux de colombe.

 

 

Cependant, des yeux trop lumineux, trop perçants, effraient plus qu’il ne séduisent. Un jeune homme pas très galant en fait ironiquement l’éloge dans la chanson suivante :

65. Ước gì anh lấy được nàng

Để anh mua gạch Bát Tràng về xây

Xây dọc rồi lại xây ngang

Xây hồ bán nguyệt cho nàng rửa chân.

Có rửa thì rửa chân tay

Chớ rửa chân mày chết cá ao anh. Si je pouvais, Mademoiselle, vous épouser, J’achèterais des brique de Bát Tràng pour bâtir 1

En long et en large

Un étang semi-lunaire.

Vous pouvez y laver vos pieds et vos mains,

Mais, de grâce, n’y lavez pas vos sourcils qui pourraient assasiner mes poissons.

 

 

Des déclarations d’amour

 

 

Dans les familles de lettrés, il était interdit aux jeunes hommes et aux jeunes filles de se parler. Il n’en était pas de même dans le commun peuple, où les mœurs étaient plus tolérantes. Mais encore fallait-il chercher un prétexte pour entrer en conversation avec l’élue ou l’élu de son coeur. Ce prétexte indispensable existait : c’était l’offre d’une chique de bétel .

66. Gặp nhau ăn một miếng trầu

Gọi rằng nghĩa cũ về sau mà chào

 

 

1 Bát Tràng : village réputé pour ses fours à briques.


Miếng trầu đã nặng là bao Muốn cho đông liễu tây đào là hơn Miếng trầu kể hết nguồn cơn

Muốn xem đây đấy thiệt hơn thế nào

Miếng trầu là nghĩa tương giao

Muốn cho đây đấy duyên vào hợp duyên.

Puisque nous nous rencontrons ici, prenons une chique de bétel

Qui nous autorisera à nous saluer une autre fois. Ne donnez pas trop d’importance à la chique de bétel

Qui ne fait que rapprocher le saule de l’Est du pêcher de l’Ouest.

Grâce à elle, nous pouvons nous faire des confidences Et nous connaître l’un de l’autre plus intimement. La chique de bétel, c’est simplement un motif

Pour présenter l’un à l’autre ceux que le destin veut lier ensemble.

 

 

Comme on le voit, tout en affirmant que l’acceptation d’une chique de bétel n’engage à rien, le jeune homme déclare déjà ouvertement sa flamme. Aussi la jeune fille, si elle est prudence, ne doit-elle pas accepter à la légère :

67. Sáng ngày tôi đi hái dâu

Gặp hai anh ấy ngồi câu thạch bàn.

Hai anh đứng dậy hỏi han,

Hỏi rằng : Cô ấy vội vàng đi đâu ?

Thưa rằng : Tôi đi hái dâu. Hai anh mở túi đưa trầu mời ăn. Thưa rằng : Bác mẹ tôi răn,

Làm thân con gái chớ ăn trầu người.

Ce matin je suis allée cueillir des feuilles de mûrier

Et j’ai rencontré deux jeunes gens qui pêchaient à la ligne sur un banc de pierre.

Ils se sont levés pour me demander :

-O ù allez-vous donc si précitamment, Mademoiselle ?

-Je vais cueillir des feuilles de mûrier, répondis-je.

Alors, ouvrant leurs poches, ils m’ont offert une chique de bétel.

-Non, leur dis-je, mes parents m’ont recommandé

Que les jeunes filles ne doivent pas accepter du bétel des inconnus.


Supposons maintenant que la chique de bétel a été acceptée, et que la jeune fille ne refuse pas d’écouter les galanteries débitées par son amoureux. Que va dire celui-ci ? Il va proposer le mariage, mais d’une façons indirecte :

68. Hôm qua tát nước đầu đình Bỏ quên cái áo trên cành hoa sen. Em được cho chúng anh xin

Hay là em để làm tin trong nhà.

Áo anh sứt chỉ đường tà,

Vợ anh chưa có, mẹ già chưa khâu.

Áo anh sứt chỉ đã lâu,

Muốn mượn cô ấy vào khâu cho cùng.

Khâu rồi anh sẽ trả công,

Ít nữa lấy chồng anh lại giúp cho.

Giúp em một thúng xôi vò,

Một con lợn béo, một vò rượu tăm, Giúp em đôi chiếu em nằm,

Đôi chăn em đắp, đôi chầm em đeo.

Giúp em quan tám tiền cheo,

Quan năm tiền cưới, lại đèo buồng cau.

Hier, je suis allé irriguer des rizières près du temple communal, Et j’ai oublié ma veste sur une feuille de lotus,

Si vous l’avez, Mademoiselle, rendez-la moi

A moins que vous ne vouliez la conserver en souvenir.

Son pan décousu n’a pas été raccommodé

Car ma mère est vieille, et je n’ai pas encore de femme.

Ma veste a été décousue depuis longtemps, Voudriez-vous, Mademoiselle, me la raccommoder ? En retour, je vous offrirai

Le jour où vous vous marierez,

Un panier plein de riz gluant bien cuit,

Un porc bien gras, et une jarre pleine d’alcool de premier jet, Une paire de nattes moeleuses,

Deux couvertures bien rembourrées, et deux pendentifs bien ciselés, A cela j’ajouterai une ligature huit au titre de redevance communale,

Et une ligature et demie comme cadeau de noces, accompagnée d’un régime d’arecs.


Le jeune homme qui a fait cette indirecte déclaration d’amour n’est pas un sot. Il rencontre la jeune fille de ses rêves en un endroit désert. Pour l’aborder, il se sert d’un stratagème. Il invente effrontément qu’il a perdu une veste et il demande à la jeune fille si elle ne l’aurait pas trouvé par hasard. Bien sûr, il n’a rien perdu du tout, mais cet innocent mensonge présente 3 avantages :

- D’abord d’entrer en conversation avec la jeune fille,

- Ensuite de révéler à celle-ci qu’il est encore célibataire,

- Et enfin, de lui faire indirectement une déclaration d’amour. En effet, les présents qu’il lui annonce pour son mariage ne sont pas autre chose que ceux doit faire le prétendant. En les prenant à sa charge, il se campe d’office en

prétendant le malin !

 

 

Toutefois, ce subterfuge, même dicté par l’amour, ne nous paraît pas très honnête. C’est le langage de l’esprit, pas celui du coeur. Nous lui préférons la chanson suivante, plus franche et plus passionnée :

69. Cái quạt mười tám cái nan

Ở giữa phất giấy, hai nan hai đầu.

Quạt này anh để che đầu

Đêm đêm đi ngủ, chung nhau quạt này.

Ước gì chung mẹ, chung thầy,

Để em giữ cái quạt này làm thân.

Rồi ta chung gối, chung chăn,

Chung quần, chung áo, chung khăn đội đầu.

Nằm thời chung cái giường tàu, Dậy thời chung cả hộp trầu ống vôi. Cơm ăn chung cả một nồi,

Gội đầu chung cả dầu hồi nước hoa.

Chải đầu chung cả lược ngà,

Soi gương chung cả cành hoa giắt đầu. Cette éventail a dix huit lamelles de bambou Recouvertes de papier.

Je m’en sers pour protéger ma tête du soleil

Ah ! si nous pouvions nous en servir en commun au lit !

Je vous le confierais en gage d’amitié,

Nous aurions alors en commun oreiller et couverture, Pantalons, robes et turbans.

Dans notre lit en commun nous nous reposerions,


Et au réveil, nous emploierions en commun boîte de bétel et étui de chaux.

Nous mangerions en commun du riz dans une marmite,

Et nous nous laverions les cheveux avec des parfums communs à nous deux.

En commun nous nous peignerions avec un peigne d’ivoire

Et nous regarderions en commun dans le miroir nos têtes ornées de fleurs.

 

 

Déclaration d’amour de la jeune fille

 

 

En général, la jeune fille se montre réservée et ne fait pas les premiers pas. Il arrive cependant que, brûlant d’amour pour un jeune homme insensible à ses charmes, elle lui déclare sa flamme, oh, pas effrontément, mais tout de même assez explicitement pour qu’il la comprenne :

70. Vào vườn hái quả cau xanh Bổ ra làm sáu mời anh sơi trầu Trầu này têm những vôi tầu

Giữa nệm cát cánh, hai đầu quế cay.

Trầu này ăn thật là say,

Dù mặn, dù nhạt, dù cay, dù nồng.

Dù chẳng nên đạo vợ chồng,

Sơi năm ba miếng kẻo lòng nhớ thương.

J’entre dans le jardin pour cueillir une noix d’arec bien fraîche, Je la découpe en six, et vous offre une chique de bétel.

Cette chique, je l’ai composée avec de la chaux de Chine, De la campanule au milieu, et de la cannelle bien piquante

aux deux extrémités.

Elle sera bien savoureuse, je vous l’assure, Et qu’elle nous mène ou non au mariage,

Prenez-en, je vous prie, quelques morceaux pour calmer

mon chagrin d’amour.

 

 

Voici une déclaration d’amour encore plus pressante :

 

 

71. Thiên duyên kỳ ngộ gặp chàng Khác gì như thể phượng hoàng gặp nhau. Tiện đây ăn một miếng trầu

Hỏi thăm quê quán ở đâu chăng là

Xin chàng quá bước về nhà


Trước là trò truyện, sau là nghỉ chân.

Le sort a voulu que nous nous rencontrions Comme le phénix male rencontre le phénix femelle Voulez-vous accepter cette chique de bétel

Et me dire dans quel village vous demeurez ?

Daignez, je vous prie, venir chez moi

Pour que nous causions d’abord, ensuite pour que vous y reposiez vos pas.

 

 

Si le jeune homme hésite à répondre à son appel, l’invitation de la jeune fille se fait plus directe :

72. Anh kia có vợ hay chưa ? Mà anh ăn nói gió đưa ngọt ngào. Mẹ già anh để nơi nao ?

Để em tìm về hầu hạ thay anh.

Chẳng tham nhà ngói rung rinh, Tham vì một nỗi anh xinh miệng cười. Miệng cười anh đáng mấy mươi,

Chân đi đáng nén, miệng cười đáng trăm.

Etes-vous marié ou célibataire

Pour que vos paroles soient aussi douces que le zéphyr ?

Où avez-vous laissé votre vieille mère ?

Voulez-vous que j’aille la trouver et l’entourer de soins à votre place ?

Il m’importe peu que vous soyez riche ou pauvre,

Car je m’ambitionne que votre bouche si gracieusement souriante.

Combien précieuse est votre bouche souriante !

Si votre démarche vaut un tael d’or, elle en vaut au moins cent !

 

 

Mais le plus souvent les déclarations de la jeune fille ne sont qu’un simple jeu pour s’amuser et rire aux dépens des nigauds qui s’y laissent attraper. Voici deux scènes qui illustrent ce jeu.

 

 

Première scène : Un jeune homme passe sur la grand’route pendant que des jeunes filles sont en train de travailler dans les champs. Aussitôt, l’une d’elles se met à chanter :

73. Hỡi người đi đường cái quan Dừng chân đứng lại em than vài lời. O vous qui passez sur la grand’route,


Arrêtez-vous un instant pour que je vous confie quelques paroles.

 

 

Le passant, devant cette provocation, n’ose pas s’arrêter et allonge ses pas. Il est poursuivi par des éclats de rire et cette chanson :

 

 

74. Đi đâu vội mấy ai ơi ! Công việc đã có chị tôi ở nhà. Pourquoi tant vous presser ?

Les travaux du ménage, ma soeur n’est-elle point à la maison pour s’en occuper ?

 

 

Mais si le passant est un audacieux qui ose la taquiner à son tour, la jeune fille change aussitôt ses batteries et répond dédaigneusement :

75. Thân chị như cánh hoa sen

Em như bèo bọt chẳng chen được nào.

Votre soeur ainée est pareille à une fleur de lotus ; Comment la vulgaire lentille d’eau que vous êtes, petit frère, oserait-elle s’y frotter ?

 

 

Blessé dans son amour-propre, le passant réplique du tac au tac :

 

 

76. Lậy trời cho cả mưa rào

Cho sấm, cho chớp, cho bão to gió lớn, Cho sen chìm xuống, cho bèo lên trên.

Plaise au Ciel qu’il pleuve à verse,

Que le tonnerre gronde, que l’éclair brille, et que la tempête fasse rage, Pour que le lotus soit immergé, et pour que la lentille d’eau lui grimpe dessus.

 

 

L’imprudent ! Cinglante comme une gifle, la chanson suivante le fera s’enfuir à toute vitesse :

77. Nhất cao là núi Ba Vì

Chị còn vượt được sá gì cỏ may !

Nhất đẹp là núi Sơn Tây

Chị còn chẳng tiếc nữa giây bìm bìm !

Très élevée est la montagne Ba Vì

Que votre soeur ainée franchit aisément ;

qu’est pour elle une humble herbe des champs ?


Très belle est la montagne de Sơn Tây Que votre soeur ainée dédaigne encore ; qu’est pour elle un pauvre liseron ?

 

 

Deuxième scène : Le héros, ou plutôt la victime de la malignité des jeunes filles, est cette fois-ci un paysan. Voyant une belle jeune fille en train de couper l’herbe auprès d’une mare, il s’empresse de la courtiser :

 

 

78. Mặt trời đã xế về tây Hỡi cô cắt cỏ bên đầy bên vơi Cô còn cắt nữa hay thôi

Để tôi cắt với làm đôi vợ chồng ?

Le soleil décline déjà à l’Occident.

Ô vous qui coupez l’herbe, vos deux paniers sont l’un plein, l’autre encore à moitié vide.

Allez-vous continuer à en couper ?

Voulez-vous que je vous aide, comme un mari aide sa femme ?

 

 

La jeune fille, qui a encore un long travail à faire alors que la nuit est près de tomber, a un mouvement d’impatience :

79. Trầu vàng còn để trong cơi

Anh kia đũa mốc chớ chòi mâm son.

Le bétel d’or est dans sa boîte précieuse

Ô vous qui êtes comme des baguettes moisies,

n’allez pas prétendre à grimper sur le plateau de vermillon.

 

 

Le paysan sourit : à quoi bon se fâcher contre une jeune fille arrogante qui ne comprend pas la plaisanterie : Il se borne donc à lui répondre ironiquement

:

80. Trầu vàng đâu ở mãi trong cơi, Sợ mai trầu héo, trầu ơi là trầu !

Le bétel d’or ne restera pas éternellement dans sa boîte précieuse.

Il finira par se faner, et c’en sera fait de lui !

 

 

Cette fois, la jeune fille se fâche réellement. Quel est ce malotru qui ose la railler ? Elle va donc lui faire voir de quel bois elle se chauffe :

81. Bao giờ trạch đẻ ngọn đa,


Sáo đẻ dưới nước thì ta lấy mình.

Bao giờ rau diếp làm đình

Gỗ lim thái ghém thì mình lấy ta.

Quand la petite anguille naîtra au sommet d’un banian, Et que le merle naîtra sous l’eau, je vous épouserai. Quand on emploiera les légumes à construire le temple

Et le bois de fer à composer une salade, vous pourrez m’épouser.

 

 

Du coup, notre railleur bat prudemment en retraite. Comment pourrait-il lutter contre cette langue de vipère ?

 

 

Une idylle qui finit à peine commencée

 

 

C’est une belle après-midi d’hiver, inondée de soleil. Cependant, sur la Rivière des Parfums qui se déroule paresseusement entre deux berges verdoyantes, un vent froid souffle assez fort pour inciter les gens à rester frileusement dans leurs chaumières bien abritées. Et sur la nappe liquide déserte, se voient seulement deux jonques aux voiles gonflées qui avancent rapidement à peu de distance l’une de l’autre. Elles viennent probablement de décharger leurs produits de pêche au marché Đông Ba, et, délestées maintenant, elles se hâtent vers leurs hameaux lointains.

 

 

Tout à coup, de la première jonque s’élève une voix cristalline :

82. Bớ chiếc ghe sau !

Chèo mau em đợi,

Kẻo khỏi khúc sông này bờ bụi tối tăm.

Ô vous qui êtes dans la barque qui suit, Ramez vite, je vous attends !

De peur qu’après ce méandre les buissons de la berge ne deviennent trop sombres.

 

 

Le jeune homme qui somnole dans la seconde jonque sursaute. Cette voix cristalline, quelle voix divine ! A qui peut-elle appartenir, sinon à une adora- ble jeune fille ? Il s’empresse de répondre :

83. Bớ chiếc thuyền lan

Khoan khoan ngớt mái,

Đặng đó đây tỏ một hai lời phải trái nghe chơi.


Ô vous qui êtes dans la barque d’orchidée, Ralentissez vos coups de rame !

Pour que je puisse vous dire quelques mots en manière de passe-temps.

 

 

En lançant ses notes cristallines sur le miroir des eaux, la sampanière n’a voulu que taquiner son compagnon de route. Peut-être est-ce un homme marié, ou même un vieillard, une vieille femme ? N’importe, son partenaire a répondu, et c’est indubitablement la voix d’un jeune homme bien élevé. Amusée, elle continue son jeu :

84. Trời một vùng đêm dày không hạn, Mượn gió chiều hỏi bạn ngàn sông. Thân em là gái chưa chồng,

Tơ duyên có chắc như giòng nước không ?

Sous le ciel immense, dans la nuit infinie,

J’ai recours au vent du soir pour demander à mon compagnon de route : Je suis encore célibataire,

Mais votre amour sera-t-il aussi sûr que cette eau qui coule ?

 

 

Comprenant qu’il s’agit d’une plaisanterie, le jeune homme se garde bien de prendre au sérieux cette invitation ensorcelante. La preuve, c’est que s’il tente de forcer l’allure de sa jonque en serrant ses voiles, la même manœuvre est immédiatement exécutée sur l’autre jonque pour garder entre les deux une distance convenable. Pour ne pas s’avouer vaincu, il entre dans le jeu :

85. Thuyền ai trôi trước, Cho tôi lướt đến cùng.

Chiều đã về trời đất mông lung, Phải duyên thì xích lại

Cho đỡ não nùng tiếng sương !

Ô vous qui êtes sur la barque de devant, Laissez-moi vous approcher.

Le crépuscule est tombé, la terre et le ciel se fusionnent en une masse indistincte.

Si le sort doit nous unir, venez donc

Pour que le bruit que fait la brume en tombant soit moins lugubre à mon coeur !


Ainsi, sur des kilomètres et des kilomètres, les deux jonques se poursuivent en échangeant leurs chansons. Et ce qui n’est au début qu’un jeu finit par devenir, insensiblement, une idylle sincère. Au delà de la griserie des paroles, les deux jeunes coeurs se mettent à battre à l’unisson. Et tout est oublié : dans l’immensité déserte du ciel et de la rivière, rien n’existe plus que ces deux coeurs qui balbutient leur premier serment d’amour.

 

 

Mais du temps a passé, et le ciel se colore des teintes mauves du crépuscule. On arrive à un confluent ; à droite, un bras de mer mène au village de Đại Lược ; à gauche, la rivière remonte à celui de Kim Long. La première jonque fonce à droite. Réveillé à l’improviste de son rêve d’amour, le jeune homme essaie un moment de poursuivre sa bien-aimée. Mais la nuit est tombée sur le bras de mer mugissant. Son village à lui est encore loin, et sa vieille mère l’y attend anxieusement. Que faire ? D’un coup de gouvernail, il oblique à gauche. Et il lance à son amoureuse inconnue ce dernier couplet qui met fin à leur idylle fugitive :

86. Tình về Đại Lược

Duyên ngược Kim Long

Đến đây chỗ rẽ của lòng !

Gặp nhau còn biết trên sông bến nào ?

L’amour s’en va du côté Đại Lược

Tandis que la route du Destin remonte vers Kim Long.

Ici est le point où nos deux coeurs se séparent. Pourrons-nous encore, sur cette rivière, nous rencontrer à un autre débarcadère ?

 

 

Des obstacles au mariage

 

 

Toutes les idylles ne conduisent pas au mariage. Parmi les obstacles, celui qui parait maintenant insignifiant, mais qui avait son importance autrefois, est l’éloignement des villages des deux amoureux. Les voies de communication étaient en effet rares et difficiles, et beaucoup de parents hésitaient à marier leur fille au loin, ce qui équi- valait pratiquement à la perdre définitivement.

87. Có con mà gả chồng gần

Nửa đêm đốt đuốc mang phần cho cha.

Có con mà gả chồng xa

Ba sào ruộng tréo chẳng ma nào cầy.


A marier notre fille tout près,

Elle viendrait, même à minuit en allumant des torches, nous apporter ses cadeaux.

A marier notre fille au loin,

Nos trois arpents de terre n’auraient personne pour les cultiver.

 

 

88. Có con mà gả chồng gần

Có bát canh cần nó cũng đem cho.

Hoài con mà gả chồng xa, Trước là mất giỗ sau là mất con. A marier notre fille tout près,

Même un bol de bouillon au céleri, elle viendrait nous l’offrir.

Quant à la marier au loin, merci !

Nous y perdrions nos anniversaires, et notre fille par-dessus le marché !

 

 

La jeune fille elle-même avait cette répugnance :

89. Gà khôn gà chẳng đẻ lang, Gái khôn gái chẳng bỏ làng gái đi.

Une poule prudente ne pond pas en dehors de son poulailler,

Une fille sensée ne quite pas son village pour aller se marier ailleurs.

 

 

90. Ăn chanh ngồi gốc cây chanh, Lấy anh thì lấy về Thanh chẳng về.

Quand on veut manger des citrons, il faut s’assoir au pied du citronier.

Je veux bien vous épouser, mais quant à suivre jusqu’à Thanh Hóa, merci !

 

 

La jeune fille qui s’exprime ainsi doit être originaire du Nord-Vietnam, dont Thanh Hóa, province de son amoureux est éloignée de plusieurs jours de route. Cette casanière n’est pas très courageuse, ou plutôt pas assez amoureuse pour vaincre la distance. Ce n’est pas comme ce fougeux amoureux qui essaie de convaincre sa belle :

91. Thương em tam tứ núi anh cũng trèo

Thất bát giang anh cũng lội, cửu thập đèo anh cũng qua.

Pour l’amour de vous, j’escaladerai trois ou quatre montagnes, Je franchirai même sept ou huit fleuves, et neuf ou dix cols.


Un autre obstacle, plus sérieux celui-ci, est la volonté contraire des parents qui sont souvent influencés par des considérations tout à fait étrangères à l’amour : la famille du prétendant, sa fortune, un horoscope défavorable, des promesses faites antérieurement à un autre parti, etc. Voici un jeune homme, refusé par les parents de sa belle, qui se plaint à celle-ci :

92. Đôi ta làm bạn thong dong

Như đôi đũa ngọc nằm trong mâm vàng.

Bởi chưng cha mẹ nói ngang

Để cho đũa ngọc mâm vàng cách xa.

Nous formons à nous deux un couple parfait

Pareil à des baguettes de jade posées sur un plateau d’or.

Mais nos parents y ont mis obstacle,

De sorte que les baguettes de jade du plateau d’or sont séparées.

 

 

Souvent femme varie

 

 

Mais le plus grand ennemi de l’amour, autrefois comme aujourd’hui, est, on s’en doute, l’argent. Voici un jeune homme qui reproche à son ex-fiancée d’avoir manqué à sa promesse :

93. Đồng tiền Vạn Lịch khắc bốn chữ vàng

Tiếc công gắn bó với nàng bấy lâu.

Bây giờ nàng lấy chồng đâu ?

Để anh đem phúng trăm cau nghìn vàng.

Trăm cau anh để cúng nàng Nghìn vàng anh đốt giải oan lời thề. Xưa kia nói nói thề thề

Bây giờ bẻ khóa trao chìa cho ai ?

En regardant la sapèque d’or gravée de quatre caractères, Je regrette les liens d’amour qui nous attachaient jadis.

A quand votre mariage, Mademoiselle ? Pour que je vienne vous apporter en condoléance

cent noix d’arec et mille lingots d’or votif. Les cent noix d’arec vous seront laissées

Mais les mille lingots d’or votif seront brûlés pour libérer notre promesse.

Jadis, vous m’avez fait promesses et serments.

Et maintenant, vous brisez le cadenas de notre amour pour en offrir la clé à un autre !


 

 

Cet amoureux évincé manque de générosité en prononcant l’oraison funèbre de son amour. Cet autre nous plait beaucoup plus dans l’expression de sa douleur. Il vit tout près de Hanoi, au village de Ngọc Hà enserré entre le Grand Lac et le Fleuve Rouge. Les habitants de ce village se consacrent entièrement à la culture des fleurs, toute l’année.

 

 

Au printemps, les dahlias jaunes, rouges, violettes et bleues miroitent à la rosée du matin, tandis que les roses, veloutées comme les lèvres des jeunes filles, sourient doucement au crachin qui flotte en fine poussière.

 

 

En été, les fleurs de chlorante exhalent leur parfum pénétrant sous les ardents rayons du soleil, tandis que les fleurs de lotus, émergeant des minuscules étangs, mettent une note de fraîcheur délicieuse dans le décor brûlant.

 

 

Quand arrive l’automne, avec son cortège de typhons et de nuits illuminées de lune, c’est au tour des frangipaniers et des magnolias de prendre la relève parfumée et colorée.

 

 

Enfin, en hiver, à l’approche du Tết, rivalisent de grâce toutes sortes de fleurs : celles roses du pêcher, celles blanches de l’abricotier, celles jaunes du chrysanthème, et surtout la reine à la mode : le glaïeul, à la fois rose, blanc, jaune et violet.

 

 

Dans ce village édénique, à côté de ces fleurs naturelles, s’épanouissent des fleurs humaines qui font la joie et le tourment des élégants de Hanoi. Car les jeunes filles de Ngọc Hà, dispensées des durs travaux agricoles, ont la peau douce et les membres délicats des filles de l’aristocrat. Leur costume, mi citadin mi paysan, ajoute encore à leur charme. Charme ensorcelant, qui met au supplice les jeunes gens du village, restés rustres. Coquettes mais prudentes, la plupart consentent à contracter mariage dans le village même. Quelques-une cependant, attirées par le mirage des lumières de la ville, cèdent aux paroles mielleuses des Don Juan de Hanoi. Ce qui fait que leurs amoureux, les voyant revenir au village en brillant équipage, soupirent amèrement :

94. Dẫu rằng đá nát vàng phai


Ba sinh phải giữ lấy lời ba sinh.

Duyên kia có phụ chi tình

Mà toan sẻ gánh chung tình làm hai ?

Bây giờ người đã nghe ai

Thả chông đường nghĩa, rắc gai lối tình.

Nhớ lời hẹn ước đinh ninh,

Xa xôi ai có thấu tình chăng ai ?

Que la pierre s’use ou que l’or se fane,

Le serment des trois existences, vous auriez dû le tenir.

En quoi ai-je pu vous déplaire

Pour que vous coupiez notre amour en deux ?

Vous avez dû écouter quelqu’un

Pour semer des pieux et des épines sur le chemin de notre amour. Pendant que je conserve toujours intact le souvenir de notre serment éternel, Comprenez-vous ce que je ressens, vous déjà si éloignée de moi ?

 

 

Hélas ! il arrive que les lumières de la ville ne soient qu’un mirage, et que notre candide jardinière doive retourner chez elle après avoir essuyé les mauvais traitements d’un séducteur indélicat qui préfère à sa beauté la fortune de quelque riche citadine. C’est l’heure de la revanche de notre amoureux dédaigne :

95. Tham vàng bỏ nghĩa ai ơi ! Vàng thì đã hết, nghĩa tôi vẫn còn.

Ma pauvre amie, vous avez délaissé l’amitié pour l’or.

L’or n’est plus, mais mon amitié vous reste.

 

 

Car le pauvre amoureux est trop bien heureux que sa belle daigne revenir à lui. Il pardonnera, elle se repentira, . . . et ils auront beaucoup d’enfants.

 

 

Regrets tardifs

 

 

Imaginons deux maisons voisines ayant un mur mitoyen. Dans l’une vivait un jeune homme et dans l’autre une jeune fille. Ils s’apercevaient de temps en temps, se jetaient peut-être quelques coups d’oeil furtifs ou même s’échan- geaient des sourires timides lorsqu’ils se rencontraient par hasard au marché du village, mais c’était tout, car c’étaient des jeunes gens de bonne éducation, qui n’osaient pas enfreindre les bornes de la bienséance. Le jeune homme


songeait certainement à demander sa jolie voisine en mariage un de ces jours, mais rien ne pressait : ils étaient encore si jeunes ! Quant à la jeune fille, elle attendait patiemment qu’une entremetteuse vint, avec un plateau de bétel, demander sa main à ses parents pour ce distingué jeune homme qu’était son voisin.

 

 

Mais le sort en a décidé autrement. Un autre jeune homme du village (ou peut-être un homme déjà mûr, mais riche) a pris les devants, a sollicité la main de la jeune fille. Les parents de celle-ci, sans consulter, ont acquiescé. Et elle, en fille obéissante, n’a pas formulé un seul mot de protestation. Le jour de mariage, elle a suivi son époux à sa demeure, le coeur gros de chagrin mais pur de tout reproche.

 

 

Le mariage ne s’est pas révélé très heureux. Son mari est un homme brutal, trop âpre au gain pour perdre son temps à la guider au pays du Tendre. Et aujourd’hui, elle a obtenu de sa belle-famille la permission d’aller voir ses parents. Elle va au jardin soigner ses fleurs dont personne ne s’est occupé depuis son mariage. Son voisin, perché sur le mur mitoyen, l’a aperçue. En poussant un soupir, il descend à terre pour ne pas céder à la tentation criminelle de séduire une femme mariée. Mais à terre, maintenant qu’ils sont cachés l’un à l’autre par le mur mitoyen, il ne peut s’empêcher de pousser un soupir plaintif, pour lui-même plus que pour être entendu de sa jolie voisine :

96. Trèo lên cây bưởi hái hoa

Je grimpe sur le pamplemousse pour cueillir une fleur.

 

 

Que vient faire ici la fleur de pamplemousse ? et pourquoi notre amoureux la chante-t-il ? C’est parce que son idole, dont l’image l’obsède nuit et jour, évoque irrésistiblement en son esprit, par son teint éclatant de blancheur et sa grâce suave, la fleur de pamplemousse dont les pétales blancs et délicats dégagent un parfum si pénétrant :

Bước xuống vườn cà hái nụ tầm xuân

Puis je descends dans le potager d’aubergines pour cueillir un bourgeon d’églantine.

 

 

Nous savons déjà que notre honnête jeune homme s’est rappelé que sa voisine est une femme mariée, et que pour ne pas céder à une tentation coupable il s’est hâté de descendre en bas du mur mitoyen pour ne plus la


Mais ses yeux rencontrent au bas du mur le bourgeon d’églantine qui vient de s’épanouir, image d’une jeune femme éclose à l’amour. Il en souffle atrocement, et sa douleur s’échappe avec le secret de son amour :

Nụ tầm xuân nở ra xanh biếc

Em đã có chồng anh tiếc lắm thay.

Hélas ! le bourgeon d’églantine s’est épanoui, resplendissant dans son vert d’émeraude,

Et vous êtes mariée, me laissant un regret éternel !

 

 

La jeune fille, jeune femme maintenant, entend cette plainte doulou- reuse. Quelle va être sa réaction ? Se taire, et s’enfuir pour ne pas manquer à son devoir conjugal, même en pensée ? Oui, c’est ce qu’elle devrait faire. Mais cela dépasse ses forces. Elle a aimé en silence ce jeune homme qu’elle n’a pas pu épouser. Puisqu’elle est contrainte par le sort à en être séparée à jamais, pourquoi ne pas profiter de cette heure providentielle où ils sont seuls pour soulager son coeur du chagrin qui le ronge par une explication loyale ?

 

 

Ba đồng một mớ trầu cay

Sao anh chẳng hỏi những ngày còn không ?

Bây giờ em đã có chồng

Như chim vào lồng, như cá cắn câu.

Cá cắn câu biết đâu mà gỡ, Chim vào lồng biết thủa nào ra ?

Avec trois sapèques vous pouviez acheter un lot de bétel piquant ; Que ne me demandiez-vous en mariage alors que j’étais encore libre ?

Maintenent, je suis enserrée par les liens du mariage

Comme un oiseau en cage, ou comme un poisson ayant mordu à l’hameçon.

Comme le poisson pourrait-il se libérer de son hameçon ?

Comme l’oiseau pourrait-il sortir de sa cage ?

 

 

Oui, lui dit-elle, il vous était facile de me demander en mariage. Vous saviez bien que mes parents, qui étaient pauvres, n’auraient pas repoussé votre pauvreté, et que quelques chiques de bétel, coutant trois sapèques, auraient suffi pour demander ma main. Mais vous n’avez pas fait ce geste rituel indispensable. Et maintenant, je suis enserrée par les liens du mariage, par


qu’à endurer stoïquement ma douleur pour le reste de mes jours.

 

 

Et elle s’enfuit après avoir poussé ce cri déchirant de douleur. Espérons toutefois qu’elle réussira à surmonter sa douleur, car de toute façon elle est mariée, et le devoir l’oblige, sinon à aimer son mari, du moins à le respecter et à ne plus penser à son ancien amoureux.

 

 

Le mal d’amour

 

 

Il en est d’autres plus malheureuses qui n’arrivent pas à chasser de leur coeur le mal d’amour, car elles ne sont soutenues par aucune force morale. Voici par exemple une qui aime sans être aimée :

 

 

97. Đêm qua trời sáng trăng rầm Anh đi qua cửa em nằm không yên. Mê anh không phải mê tiền

Thấy anh lịch sự có duyên dịu dàng.

Thấy anh em những mơ màng, Tưởng rằng đây đấy phụng hoàng kết đôi. Thấy anh chưa kịp ngỏ lời

Ai ngờ anh đã vội dời gót loan.

Thiếp tôi mê mẩn canh tàn

Chiêm bao như thấy anh chàng ngồi bên.

Tỉnh ra lẳng lặng yên nhiên Tương tư bệnh phải liên miên cả ngày. Ngỡ rằng duyên nợ đó đây,

Xin chàng hãy lại chơi đây chút nào

Cho thiếp tỏ thiệt mới nao.

La nuit dernière, le ciel était illuminé de la pleine lune. Vous êtes passé devant ma porte, me laissant toute rêveuse.

Je suis tombée amoureuse de vous, non à cause de votre argent, Mais parce que vous avez une tournure élégante et un charme si doux.

A peine vous ai-je vu que je me surprends à rêver

Que le phénix mâle au phénix femelle s’unirait. Mais je n’ai pas eu le temps de vous adresser la parole Que vous avez déjà éloigné vos pas gracieux.


Que vous étiez assis tout près de moi. Grande fut ma déception à mon réveil solitaire,

Et depuis lors le mal d’amour me torture à chaque instant.

Si le sort nous prédestine l’un à l’autre. Veuillez donc venir me visiter un moment Pour que je vous confie tout mon coeur.

 

 

Et cette autre qui est probablement séparée de son amoureux pour un motif quelconque, un voyage d’affaires de celui-ci, par exemple :

98. Có đêm ra đứng đằng tây, Nom lên lại thấy bóng mây tà tà. Có đêm ra đứng vườn hoa

Nom lên lại thấy sao tà xanh xanh.

Có đêm thơ thẩn một mình,

Ở đây thức trắng năm canh rõ ràng.

Có đêm tạc đá ghi vàng,

Ngày nào em chả nhớ chàng, chàng ôi.

Thương chàng lắm lắm, chàng ơi.

Nhớ miệng chàng nói, nhớ lời chàng than.

Nhớ chàng như nhớ lạng vàng, Khát khao về nết, mơ màng về duyên. Nhớ chàng như bút nhớ nghiên,

Như mực nhớ giấy, như thuyền nhớ sông.

Nhớ chàng như vợ nhớ chồng, Như chim nhớ tổ, như rồng nhớ mây. Des nuits je vais à l’Occident

Pour regarder les nuages qui flottent.

Des nuits je vais au jardin

Pour regarder les étoiles qui pâlissent.

Des nuits j’erre toute seule

Et me tiens éveillée durant les cinq veilles.

En souvenir de celle où nous nous échangêmes notre serment d’amour, Je ne passe pas une journée sans penser à vous, ô mon chéri !

A vous sans cesse je pense,

A votre bouche, à vos soupirs.

Je vous regrette comme si je perdais une once d’or


A cause de votre doux caractère, et de votre élégant maintien.

Je pense à vous comme le pinceau pense à l’encrier, Comme l’encre au papier et la barque au fleuve, Comme l’épouse à son époux,

Comme l’oiseau à son nid, et le dragon à ses nuages.

 

 

Le mal d’amour n’épargne pas le sexe fort, bien entendu. Voici un amoureux qui exhale sa plainte :

99. Đêm qua ra đứng bờ ao

Trông cá cá lặn trông sao sao mờ. Buồn trông chênh chếch sao Mai, Sao ơi sao hỡi, nhớ ai sao mờ ? Buồn trông con nhện chăng tơ

Nhện ơi nhện hỡi, nhện chờ mối ai ?

Đêm đêm tưởng giải Ngân Hà Chuôi sao tinh đẩu đã ba năm tròn. Đá mòn nhưng dạ chẳng mòn

Tào khê nước chẩy hãy còn trơ trơ.

La nuit dernière, me tenant sur le bord de la mare, Je regardais les poissons : ils plongeaient au fond ; les étoiles : elles palissent au ciel.

Tristement je regardais l’étoile du Berger qui s’inclinait à l’horizon.

O étoile, m’écriai-je, à qui penses-tu pour être si pâle ? Tristement je regardais une araignée qui tissait sa toile.

O araignée, lui dis-je, qui attends-tu donc ? Nuit après nuit, je contemplais la Voie Lactée

Avec la constellation du Grand Ours, depuis tantôt trois ans !

La pierre peut s’user, mais non pas mon amour

Pareil au ruisseau dont l’eau coule inlassablement nuit et jour.

 

 

100. Nhớ ai nhớ mãi thế này

Nhớ đêm quên ngủ, nhớ ngày quên ăn.

Nhớ ai con mắt lim dim,

Chân đi thất thểu như chim tha mồi.

Nhớ ai ngơ ngẩn, ngẩn ngơ, Nhớ ai ai nhớ, bây giờ nhớ ai. Nhớ ai bổi hổi bồi hồi


Như đứng đống lửa, như ngồi đống than.

Nhớ ai như nhớ thuốc lào,

Đã chôn điếu xuống lại đào điếu lên.

Savez-vous que je pense incessamment à vous Jusqu’à oublier de dormir la nuit, et de manger le jour ? A penser à vous, mes yeux deviennent hagards,

Et mes pas incertains comme ceux d’un oiseau qui cherche sa proie.

Je pense à vous jusqu’à en devenir stupide

Sans savoir si vous daignez m’accorder une toute petite pensée.

Je pense à vous jusqu’à en être consumé Comme si j’étais debout dans un brasier, comme si j’étais assis sur un charbon ardent.

Oh ! Vous me manquez comme le tabac à un intoxiqué

Qui, après avoir enterré sa pipe, la déterre de nouveau.

 

 

 

 

Du Mariage

 

 

Toutes les jeunes filles pensent au mariage quand elles atteignent l’âge de puberté. C’est une idée fixe qui les plonge dans des méditations interminables et délicieuses, mais non dépourvues d’inquiétude :

101. Thân em như tấm lụa đào Phất phơ giữa chợ biết vào tay ai ? Em ngồi cành trúc, em tựa cành mai,

Đông đào tây liễu, biết lấy ai bạn cùng ?

Je suis comme une pièce de soie

Qui flotte au milieu du marché sans savoir à qui elle sera livrée.

Je m’assieds sur une branche de roseau, je m’appuie contre une branche d’abricotier ;

Entre le pêcher à l’Est et le saule à l’Ouest, je ne sais qui prendre pour faire ensemble la route de la vie.

 

 

Non seulement la jeune fille trouve que le but de sa vie réside en le mariage, ses amis l’y poussent aussi :

 

 

102. Tròng trành như nón không quai

Như thuyền không lái, như ai không chồng.


Gái có chồng như gông đeo cổ,

Gái không chồng như phản gỗ long đanh.

Phản long đanh anh còn chữa được Gái không chồng chạy ngược chạy suôi, Không chồng khốn lắm chị em ơi !

Vacillante comme un chapeau sans jugulaire

Ou comme une barque sans gouvernail, telle est la situation d’une fille sans mari.

Bien entendu, la femme mariée porte une cangue au cou,

Mais la fille sans mari est comme un lit dont les clous sont détachés. Un lit dont les clous sont détachés pourrait à la rigueur être réparé, Mais une fille sans mari se démènerait en vain sans trouver une issue.

Ah ! mes pauvres amies, combien pitoyable est le sort des filles sans mari !

 

 

103. Ai ơi trẻ mãi du mà

Càng so sánh lắm càng già mất duyên.

Còn duyên như tượng tô vàng

Hết duyên như tổ ong tàn ngày mưa, Còn duyên đóng cửa kén chồng

Hết duyên ngồi gốc cây hồng lượm hoa

Còn duyên kén cá chọn canh

Hết duyên củ ráy dưa hành cũng chôi.

Còn duyên kén những trai tơ

Hết duyên ông lão cũng vơ làm chồng.

On ne saurait rester jeune éternellement, Et plus on choisit, plus sa grâce vieillit.

Encore grâcieuse, on est comme une statue dorée,

Mais la grâce envolée, on est comme une ruche d’abeilles abimée par un jour de pluie.

Encore grâcieuse, on ferme sa porte pour choisir un époux, Mais la grâce envolée, on s’assied au pied d’un rosier

pour ramasser des fleurs tombées.

Encore grâcieuse, on choisit le meilleur poisson et le meilleur bouillon, Mais la grâce envolée, on se rabat sur l’oignon et le gouet. Encore grâcieuse, on fait un choix entre les jeunes gens,

Mais la grâce envolée, on ramasse même un vieillard pour l’épouser.


Les jeunes hommes ne manquent pas de brandir cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des jeunes filles pour les amener à un mariage dont elles ne veulent pas :

 

 

L’un essaie d’amadouer sa belle par des flatteries :

104. Đào liễu em ơi một mình

Đôi vai gánh chữ chung tình đường xa

Tấm áo nâu xếp nếp em để trong nhà Ba vuông khăn tím phất phơ em đội đầu, Tấm yếm đào sao khéo giữ mầu

Răng đen rưng rức, mái đầu em hãy còn xanh.

Ấy thế mà sao em ở vậy cho nó đành

Sao em chẳng kiếm chút chồng lành kẻo miệng thế mỉa mai ?

Sách có chữ rằng : Xuân bất tái lai.

Ô vous qui vivez solitaire comme le pêcher et le saule, Laisserez-vous l’amour ployer vos deux épaules

sur le long chemin de la vie ?

Votre robe brune, vous la laissez en plis turban violet. Votre couvre-sein garde précieusement sa couleur rose De même que vos dents sont encore brillantes de laque et vos cheveux resplendissants d’un bleu noir.

Avec de tels trésors, pourriez-vous rester seule indéfiniment ?

Pourquoi ne cherchez-vous pas un mari afin d’éviter les moqueries du monde ?

Ne savez-vous pas qu’il est écrit que le printemps une fois envolé ne revient jamais ?

 

 

Mais la jeune fille persiste dans son refus. Le prétendant se fait alors plus pressant, et la menace du danger de devenir vieille fille si elle ne l’écoute pas

:

105. Cô kia má đỏ hồng hồng

Cô chưa lấy chồng cô đợi chờ ai ?

Buồng không lần lữa hôm mai, Đầu xanh mấy lúc da mồi tóc sương. Ô vous qui avez des joues roses,

Qui attendez-vous pour n’être pas encore mariée ?

Jour après jour, dans votre chambre solitaire,


Ne craignez-vous pas de voir bientôt votre verte jeunesse acquérir peau d’écaille et cheveux de neige ?

 

 

106. Dẫu ngồi cửa sổ chạm rồng

Trăm khôn nghìn khéo không chồng cũng hư

Con giai chưa vợ đã xong

Con gái chưa chồng buồn lắm em ôi.

Même assise auprès d’une fenêtre sculptée de dragons, Même douée de mille talents, une fille sans mari ne vaut rien. Un vieux garçon, passe encore !

Mais une vieille fille, oh ! quelle tritesse !

 

 

Enfin, devant le refus obstiné de la jeune fille, le prétendant éconduit devient furieux, et se venge bassement en imaginant cette scène :

 

 

107. Đi đâu mà chẳng lấy chồng Người ta lấy hết chổng mông mà gào Gào rằng : Đất hỡi, trời ơi,

Sao không thí bỏ cho tôi chút chồng ?

Ông trời ngoái cổ xuống trông,

Mày hay kén chọn, ông không cho mày.

Voyez-vous cette fille qui est restée célibataire

Et qui, voyant toutes ses amies se marier, lève ses fesses pour rugir : Ô Terre, ô Ciel !

Pourquoi ne voulez-vous pas me faire l’aumône d’un mari ?

Le Ciel, regardant en bas, lui répond :

Tu as voulu trop choisir, je ne te donnerai pas de mari .

 

 

En ménage

 

 

L’amour a conduit heureusement au mariage, et la jeune fille quitte allègrement ses parents pour aller suivre son époux. Si celui-ci vit dans un village lointain, quelle douleur doit ressentir la mère d’être séparée de sa fille chérie ! Mais la jeune femme, toute à son amour, n’en a cure :

108. Tay mang khăn gói sang sông Mẹ gọi mặc mẹ, theo chồng cứ theo. Thuyền bồng giở lái về đông,


- Con đi theo chồng, để mẹ cho ai ?

-Mẹ già đã có con trai,

Con là phận gái dám sai chữ tòng.

Chỉ thề nước biếc non xanh

Theo nhau cho trọn, tử sanh cũng đành.

Trời cao bể rộng mông mênh,

Ở sao cho trọn tấm tình phu thê.

Les bras chargés de bagages, elle traverse le fleuve, Pour suivre son mari, malgré les appels de sa mère,

Cependant que la barque se dirige vers l’Est, celle-ci se lamente :

-Tu t’en vas avec ton mari, mais qui s’occupera de ta mère ?

-Maman, c’est le devoir de ton fils,

Et celui de ta fille est de suivre son mari.

Nous nous sommes juré, devant les eaux violettes et les montagnes bleues

Un amour éternel jusqu’à la vie et la mort. A l’égal du ciel infini et de la mer immense,

Je tiens à ce que soit accompli notre amour conjugal.

 

 

En ces temps heureux, le féminisme n’existait pas encore, et le mari se laissait noblement nourrir par sa femme. S’il était un lettré, il avait naturellement ses études à faire pour essayer de décrocher une licence ou un doctorat. Mais cette chance n’arrivait qu’à un sur cent, et bien peu voyaient se réaliser le rêve de faire une rentrée triomphale au village.

Ngựa anh đi trước, võng nàng theo sau.

Lui à cheval devant, et elle le suivant dans un hamac.

 

 

Qu’importe, toutes les femmes de lettrés entretenaient cet espoir jusqu’à leur vieillesse.

109. Đôi bên bác mẹ cùng già

Lấy anh hay chữ để mà cậy trông.

Mùa hè cho chí mùa đông, Mùa nào thức ấy cho chồng ra đi. Hết gạo thiếp lại gánh đi

Hỏi thăm chàng học ở thì nơi nao

Hỏi thăm đến ngõ thì vào

Tay đặt gánh xuống miệng chào : Thưa anh

Xin chàng kinh sử học hành


Để em cầy cấy cửi canh kịp người

Mai sau xiêm áo thảnh thơi

Ơn trời lộc nước đời đời hiển vinh.

Mes parents, aussi bien que les vôtres, sont déjà vieux,

Et je vous ai confié ma vie, à vous qui êtes savant dans les lettres.

Eté comme hiver,

Je vous apporte les fruits de chaque saison, Du riz quand vous en manquez,

Jusqu’à l’endroit où vous poursuivre vos études. Après avoir demandé votre adresse, j’arrive à votre porte,

J’entre, je pose à terre mon fléau, et je vous dis poliment : Bonjour !

Ne songez qu’à vos livres

Et me laissez cultiver la terre et tisser la toile.

Un jour viendra où vous revêtirez la robe du lauréat

Grâce au ciel, et les bienfaits du pays nous combleront d’honneurs jusqu’à l’éternité.

 

 

Voici encore des conseils que prodigue une femme à son mari pour l’encourager dans ses études :

 

 

110. Canh một dọn cửa dọn nhà, Canh hai dệt cửi, canh ba đi nằm Canh tư bước sang canh năm,

Trình anh dậy học chớ nằm làm chi.

Nữa mai chúa mở khoa thi Bảng vàng chói lọi kia đề tên anh. Bõ công cha mẹ sắm sanh,

Sm nghiên sắm bút cho anh học hành.

A la première veille de la nuit, je fais les travaux du ménage,

Je tisse de la toile à la seconde veille, et ne vais au lit qu’à la troisième.

La quatrième veille se passe, et dès que sonne la cinquième : Réveillez-vous, vous dis-je, et ne dormez plus.

Le Prince ouvrira bientôt un examen

Tâchez de travailler pour que votre nom brille sur le tableau d’or des lauréats,

Afin que soient récompensés les efforts de nos parents

Qui se sont imposés des sacrifices pour vous permettre


de poursuivre vos études.

 

 

Même s’il n’était pas un lettré, le chef de famille ne se préoccupait pas davantage de gagner de l’argent pour nourrir les siens. Ce soin prosaïque était complètement abandonné à sa femme, à part les travaux agricoles auxquels il devait bien participer. Le reste du temps, il élevait des coqs de combat, des rossignols, soignait les fleurs de son jardin, ou allait tout simplement boire de l’alcool avec ses amis. Toutes les dépenses du ménage, c’était à la femme de s’en charger. Elle devait filer le coton, élever des vers-à-soie, engraisser des porcs, cueillir des feuilles de thé, et surtout faire le commerce des produits d’artisanat : miroirs, fards, du fil, des aiguilles, du papier, des pinceaux, des bâtons d’encre, etc, qu’elle allait acheter à des dizaines de lieues de sa maison et qu’elle revendait au marché de son village. Aussi était-elle debout bien avant le lever du soleil et ne rentrait chez elle qu’à la nuit tombante. Voudrait- elle consacrer tout son temps à l’affection de son mari qu’elle ne le pourrait pas :

111. Nửa đêm ân ái cùng chồng

Nửa đêm về sáng gánh gồng ra đi.

Elle consacra la première moitié de la nuit à aimer son mari

Et celle qui précède le matin à transporter ses marchandises au marché.

 

 

Dieu sait pourtant combien elle aime son mari :

 

 

112. Yêu anh cốt rũ xương mòn

Yêu anh đến thác vẫn còn yêu anh.

Je t’aimerai jusqu’à ce que mes os soient brisés et anéantis, Jusqu’à la mort, je t’aimerai, ô mon amour !

 

 

Je ne pense pas qu’on puisse trouver ailleurs des accents aussi touchants de l’amour conjugal. Sous ses dehors réservés, la femme vietnamienne aime son mari – quand elle l’aime – d’un amour aussi passionné, aussi ardent que n’importe quelle fille d’Eve. Mais elle sait toujours se dominer. Quelquefois le mari ne se résigne pas à ses trop brèves caresses, et veut la retenir au lit. Courageusement elle se dégage :

113. Xin chàng bỏ áo em ra Để em đi chợ kẻo mà lỡ phiên Chợ lỡ phiên tốn công thiệt của


Miệng tiếng người cười rỡn sao đang ?

Lấy chồng gánh vác giang sơn, Chợ phiên đã lỡ, giang sơn còn gì ? Relachez, de grâce, ma robe

Pour que je puisse arriver à temps au marché, en ce jour de foire.

Si je manquais cette foire, j’y perdrais ma peine et mon argent

Sans compter les railleries dont on ne me ferait pas grâce. Vous savez bien que la femme doit tenir le foyer de son mari, Comment pourrais-je accomplir cette tâche si je venais

à manquer un jour de foire

 

 

Pour l’amour de son mari, non seulement la femme se montre vaillante au travail, mais encore elle se prive de tout :

114. Vì chàng thiếp phải bắt cua, Những như thân thiếp, thiếp mua ba đồng. Vì chàng thiếp phải mua mâm,

Những như thân thiếp, bốc ngầm cũng xong.

Vì chàng thiếp phải long đong, Những như thân thiếp cũng xong một bề. Vì chàng nên phải gắng công,

Nào ai xương sắt da đồng chi đây.

A cause de toi, je dois aller pêcher des crabes

Tandis que seule, je les aurais achetés pour trois sapèques.

A cause de toi, je dois acheter un plateau (pour servir les repas) Tandis que seule, j’aurais mangé avec mes doigts.

A cause de toi, je dois me donner mille tracas (pour gagner de l’argent) Tandis que seule, je me serais contentée d’un rien.

A cause de toi, je dois m’imposer mille efforts

Bien que je n’aie pas des os de fer ni une peau de bronze.

 

 

Enfin, on vante la gentillesse de Madame Butterfly, mais on oublie que sous ce point de vue la femme Vietnamienne ne le cède à aucune femme du monde. Dans notre précédent ouvrage (Les chefs d’œuvre de la littérature vietnamienne), nous avons esquissé la figure idéale de Mme Tú Xương qui se tuait à travailler pour nourir son sacripant de mari. La chanson qui suit met en valeur la douceur angélique de la femme vietnamienne :

115. Chồng giận thì vợ làm lành,


Miệng cười hớn hở rằng anh giận gì ?

Thưa anh, anh giận làm chi , Muốn lấy vợ bé em thì lấy cho.

Quand le mari se met en colère, la femme se montre douce, Sourit gentiment, et lui dit : Qu’as-tu contre moi ?

Ô mon chéri, à quoi bon m’en vouloir ?

Si tu veux une concubine, je te la donnerai.

 

 

Vestiges du régime matriarcal.

 

 

Il est certain que dans une société confucianiste le mariage doit suivre le régime patriarcal, d’après l’adage :

Tại gia tòng phụ, xuất giá tòng phu, phu tử tòng tử. La jeune fille doit obéir à son père, la femme à son mari, la veuve à son fils.

 

 

On peut penser toutefois qu’avant l’introduction du Confucianisme au Vietnam, c’était le régime matriarcal qui prédominait d’après le vestige suivant qui en subiste : la coutume du gửi rể, qui oblige parfois le gendre à venir vivre dans la famille de sa femme. Il est vrai qu’on pourrait interpréter cette coutume par des considérations purement économiques : Quand une jeune fille de famille riche épouse un homme pauvre, les deux époux ont intérêt à vivre sous la protection des parents de la femme plutôt que d’aller s’établir avec leurs propres ressources. Il n’en demeure pas moins que dans cette coutume, très rarement observée d’ailleurs, l’époux appartient plus à la famille de l’épouse que celle-ci n’appartient à la famille de l’époux. Et la situation du gendre dans sa belle-famille est loin d’être enviable. Sans compter qu’il y est regardé d’un oeil ironique et plutôt dédaigneux, il est obligé de travailler dur, et gratis, pour le compte de ses beaux-parents. Voici en quels termes il se plaint amèrement :

116. Trời mưa cho ướt lá khoai, Công anh làm rể đã hai năm ròng.

Nhà em lắm ruộng nhiều đồng,

Bắt anh tát nước cực lòng anh thay !

Tháng chín mưa bụi gió may,

Cất lấy gầu nước chân tay rụng rời.

Pendant que la pluie mouille les feuilles de patate,


Je songe au travail que j’ai fourni durant deux années entières que j’ai passées chez toi.

Tes parents possèdent beaucoup de rizières et de prairies

Qui ont exigé pour être irriguées combien de mes pénibles efforts !

En ce jour du neuvième mois, de pluie et de vent tourmenté, Mes bras et mes jambes sont rompus de fatigue

en soulevant les sceaux d’eau.

 

 

L’achat de la femme.

 

 

La coutume du gửi rể, avons-nous dit, n’est qu’une exception, et une exception très rare. La règle qui prédomine est en effet le régime patriarcal, dans lequel la femme est subordonnée à son mari.

De ce régime patriarcal découlent plusieurs conséquences que nous étudierons successivement :

- l’achat de la femme par son mari

- l’oppression de la femme par sa belle-famille,

- le mariage précoce,

- les unions mal assorties,

- la polygamie et le concubine.

 

 

L’achat de la femme .

 

 

Voici une femme mal mariée qui se plaint de ce que sa mère l’a vendue contre son gré :

117. Mẹ tôi tham thúng xôi dền,

Tham con lợn béo, tham tiền Cảnh Hưng, Tôi đã bảo mẹ rằng đừng,

Mẹ hấm, mẹ hứ, mẹ bưng ngay vào.

Bây giờ kẻ thấp người cao,

Như đôi đũa lệch, so sao cho đều ?

Ma mère a convoité le panier de riz gluant,

Le porc bien gras, et les grands ligatures de sapèques.

Je lui ai dit de les refuser,

Mais elle a gromelé et maugrée, et a tout emporté dans la maison.

Maintenant, nous voilà mal assortis, mon mari et moi,

Telles deux baguettes d’inégale longueur qu’on assemblerait en vain.


L’oppression de la femme.

 

 

Il est inévitable que dans le régime patriarcal la femme ne soit qu’une mineure sans protection légale contre l’oppression de sa belle-famille. C’est pourquoi, le jour du mariage, la mère de la mariée recommande souvent à sa fille :

118. Con ơi mẹ bảo con này Học buôn học bán cho tầy người ta Con đừng học thói chua ngoa

Họ hàng ghét bỏ người ta chê cười.

Dù no dù đói cho tươi,

Khoan ăn bớt ngủ liệu bài cho toan.

Phòng khi đóng góp việc làng,

Đồng tiền bát gạo, sửa sang cho chồng.

Trước là đắc nghĩa cùng chồng Sau là họ mạc cũng không chê cười. Con ơi, nhớ bấy nhiêu lời !

Ma fille, écoute-moi bien :

Tu dois apprendre à faire le commerce comme les autres.

Mais n’apprends pas leur langage acidulé

Sous peine d’être détestée dans ta famille, ou de devenir la risée de tout le monde

Que tu aies faim ou non, sois souriante, Mange peu, dors peu, et veille à ce que,

Lorsqu’il devra participer aux dépenses du village,

Ton mari puisse apporter sa part de sapèques et de bols de riz.

Tu auras rempli tes devoirs envers ton mari,

Et les gens de ta famille ne pourront rien te reprocher.

Ô ma fille ! Retiens bien mes paroles.

 

 

Le mari lui-même, pas très tranquille au sujet des frictions futures entre sa mère et sa jeune femme, est obligé de donner à celle-ci des conseils de prudence :

119. Từ khi em về làm dâu,

Anh thì dặn trước bảo em mọi nhời.

Mẹ già dữ lắm em ôi,


Nhịn cho nên cửa nên nhà,

Nên kèo nên cột, nên xà tầm vông.

Nhịn cho nên vợ nên chồng, Thời em coi sóc lấy trong cửa nhà. Đi chợ thì chớ ăn quà,

Đi chợ thì chớ rề rà ở trưa.

Dù ai bảo đợi bảo chờ,

Thì em nói dối con thơ em về.

Au moment où vous commencez votre vie d’épouse, Je voudrais vous faire quelques recommandations.

Maman est très dure, hélas !

Et vous devrez veiller à manger peu, à vous habiller sobrement, et à ne pas répondre à ses critiques.

En toutes choses, résignez-vous

Pour que la paix règne dans la maison.

Si vous voulez que nous soyons mari et femme, Vous devrez faire attention à tous les soins du ménage. Au marché, ne mangez pas de friandises,

Et n’y restez pas trop longtemps.

Si quelqu’un vous y retient,

Mentez-lui, et dites que vous devez rentrer pour soigner votre bébé.

 

 

Du mariage précoce.

 

 

Les vietnamiens se mariaient très jeunes, pour des raisons économiques. La femme représentait en effet une valeur de travail considérable, et à qui de surcroit on n’était pas obligé de payer des gages.

 

 

120. Quả cau nho nhỏ

Cái vỏ vân vân Nay anh học gần Mai anh học xa

Lấy em từ thủa mười ba

Đến nay mười tám đã hòa năm con.

Ra đường thiếp hãy còn son,

Về nhà thiếp đã năm con cùng chàng.


Toute petite est la noix d’arec, Toute veinée est l’écorce d’arbre.

Un jour, vous étudiez près de la maison ; Un autre, vous travaillez au loin,

Vous m’épousâtes alors que j’avais treize ans. J’en ai dix huit, et cinq enfants nous sont nés.

Je parais une jeune fille quand je vais au dehors, Mais chez nous, j’ai déjà cinq enfants avec vous !

 

 

Ce mariage précoce et déjà fécond peut surprendre. Car en général le mariage précoce n’est qu’un mariage blanc, du moins provisoirement :

121. Lấy chồng tử thủa mười ba

Chồng chê tôi nhỏ chẳng nằm cùng tôi.

Đến năm mười tám đôi mươi,

Tôi nằm dưới đất chồng lôi lên giường, Một rằng thương , hai rằng thương,

Có bốn chân giường, gẫy một còn ba.

Ai về nhắn nhủ mẹ cha,

Chồng tôi nay đã giao hòa cùng tôi.

J’ai été mariée dès l’âge de treize ans

Mais mon mari me négligeait alors, et ne voulait pas coucher avec moi.

Lorsque j’atteins l’âge de dix huit ou vingt ans,

Mon mari m’enlève du sol où je dormais jusqu’à son lit.

À force de me dire qu’il m’aime, une fois, deux fois, Il fait que notre lit a un pied brisé sur quatre.

Qui veut bien se charger d’aller dire à mes parents

Que désormais je vis en parfait accord avec mon mari ?

 

 

Quelquefois, la situation est inversée, et c’est une fille bien formée qui épouse un tout petit garçon. Cette situation scabreuse est racontée dans la chanson suivante :

122. Tham giầu em lấy thằng bé tỉ tì ti, Làng trên xã dưới thiếu gì trai tơ,

Em đem thân cho thằng bé nó giầy vò, Mùa đông tháng giá nó nằm co trong lòng.

Cũng đa mang là gái có chồng,

Chín đêm trực tiết nằm không cả mười .


Nói ra sợ chị em cười,

Má hồng bỏ quá một đời xuân xanh. Em liều mình vì thằng bé trẻ ranh,

Đêm nằm sờ mó quẩn quanh cho đỡ buồn.

Buồn mình em lại bế thằng bé nó lên, Nó còn bé mọn, đã nên cơm cháo gì ?

Nó ngủ nó ngáy khì khì,

Một giấc đến sáng còn gì là xuân ?

Chị em ơi , hoa nở mấy lần ?

Pour sa fortune j’ai épousé un tout petit garçon Alors qu’il y a tant de jeunes gens dans la commune. Je suis condamnées à dormir près de cet innocent

Qui se niche dans mes bras pendant les froides nuits d’hiver.

Je suis en principe une femme mariée

Mais sur neuf nuits, dix sont des nuits blanches !

Je suis obligée de le dire, au risque d’être raillée par mes compagnes, Mais mes joues roses sont condamnées à passer vainement

leurs jours de jeunesse.

Parfois, je suis tentée de faire quelque chose de ce petit garnement

Et le caresse à tout hasard pour soulager mes sens.

Je le prends dans mes bras, je le secoue, Mais étant tout petit, que pourrait-t-il faire ? Il ne sait que dormir et ronfler

Toute la nuit jusqu’au matin, sans penser au printemps qui s’envole.

Ô mes soeurs ! Combien de fois peut s’épanouir la fleur ?

 

 

Des mariages mal asortis

 

 

Comme on vient de le voir, le mariage précoce n’est pas toujours heureux, mais peut quand même s’arranger avec le temps. Les véritables mariages mal assortis sont ceux qui unissent une jeune fille à un vieillard ou à un homme débauché.

 

 

Voici une jeune femme qui se plaint d’avoir épousé un vieillard :

 

 

123. Vô duyên vô phúc

Múc phải anh chồng già.


Ra đàng người hỏi rằng : Cha hay chồng ?

- Nói ra đau đớn trong lòng,

Ấy cái nợ truyền kiếp, có phải chồng em đâu ?

Par malchance ou par malheur, Je suis tombée sur un vieil époux.

Quand je sors avec lui, on me demande : Est-ce votre père ?

Est-ce votre mari ?

Hélas ! C’est douloureux à dire,

C’est moins un époux qu’une dette d’une existence antérieure.

 

 

Cette autre, au contraire, crâne effrontément :

124. Có duyên lấy được chồng già

Ăn xôi bỏ cháy, ăn gà bỏ xương.

Il faut avoir de la chance pour épouser un vieillard

Qui laisse de côté les parties croustillante du riz et osseuse du poulet. (parce qu’il est édenté et ne peut plus les mâcher. Par contre, les gourmets

apprécient mieux le riz croustillant que le riz cuit à point, et les parties osseuses du poulet : cou, ailes et pattes, que ses parties uniquement charnues. Quand les époux sont jeunes tous les deux, ils se partagent ces morceaux

délectables. Mais si le mari est vieux et la femme jeune, celle-ci les aura à elle

seule).

 

 

Mais, plus encore que l’âge, c’est l’indignité du mari qui désespère la femme. Combien à plaindre est cette femme vaillante qui a eu le malheur d’épouser un vaurien, probablement un fils à papa qui ne sait que dilapider la fortune paternelle :

 

 

125. Chồng em nó chẳng ra gì, Tổ tôm sóc đĩa nó thì chơi hoang. Nói ra xấu thiếp hổ chàng,

Nó giận nó phá tan hoang cửa nhà.

Nói đây có chị em nhà ,

Còn ba thùng thóc, với vài cân bông.

Bán đi trả nợ cho chồng,

Còn ăn hết nhịn, hả lòng chồng con.

Đắng cay ngậm quả bồ hòn,

Cửa nhà gia thế chồng con kém người.


Nói ra sợ chị em cười,

Con nhà gia giáo lấy người đần ngu.

Rồng vàng tắm nước ao tù, Người khôn ở với đứa ngu bực mình. Mon mari est un vaurien

Adonné à tous les jeux d’argent.

Si j’en parle, à sa honte et à la mienne,

Il se met en colère, et détruit tout dans la maison.

En confidence, je vous le dis, mes soeurs,

Il ne me reste que trois paniers de paddy et quelques livres de coton, Je les vendrai pour payer les dettes de mon mari,

Quitte à n’avoir plus rien à manger après, pour lui plaire.

Je souffre en silence comme si j’avais dans la bouce un fruit du savonnier

Parce qu’en tout mon mari est inférieur aux vôtres.

Au risque de subir vos railleries,

Je suis forcée de dire que, fille de bonne maison, je suis tombée sur un sot.

Comme un dragon qui se baigne dans une mare stagnante, Combien souffre une personne sage de vivre avec un indigne !

 

 

Trop malheureuse, la femme mal mariée s’en prend au Génie du mariage qui est le Vieillard de la Lune. Et elle soulage son chagrin en s’imaginant qu’elle le roue de coups :

126. Bắc thang lên đến tận trời

Bắt ông Nguyệt lão đánh mười cẳng tay.

Đánh thôi, lại trói vào cây,

Hỏi ông Nguyệt lão : Nào giây tơ hồng ?

Je dresse une échelle jusqu’au ciel

Pour saisir le Vieillard de la Lune et lui donner dix coups de mon avant-bras.

Après l’avoir frappé, je le lie à un arbre

Et lui demande : Où sont vos fils rouges ?

 

 

De la polygamie .

 

 

Il y a lieu de distinguer dans la polygamie deux variétés. Dans la première, le mari possède plusieurs femmes qui ne sont pas égales en droits, certes, mais qui ont toutes rang d’épouses légitimes (vợ cả, vợ thứ). Dans la seconde, au


déguisées, des filles pauvres qui ont été achetées mais non épousées suivant les rites du mariage. Cette distinction légale faite, il faut savoir que la situation de la femme de rang inférieur dépend en fait de sa beauté, de sa gentillesse, de son caractère, et en un mot de l’ascendant qu’elle sait prendre sur l’esprit du mari. Il n’est pas rare de voir une femme de second rang, ou même une femme-servante, prendre le pas sur la femme principale.

 

 

Les hommes étaient bien entendu partisans de cette coutume qui tend d’ailleurs à disparaître si elle n’a pas disparu complètement de nos jours.

127. Sông bao nhiêu nước cho vừa

Trai bao nhiêu vợ cũng chưa bằng lòng. Comme le fleuve n’a jamais assez d’eau pour le remplir, L’homme n’a jamais assez de femmes pour le satisfaire.

 

 

Le polygame est en général un riche. Abusant de sa fortune, il a raflé un certain nombre de belles filles du village, ce qui doit exciter la jalousie des jeunes célibataires trop pauvres pour en épouser même une seule. D’où cette chanson gouailleuse :

128. Đêm năm canh, năm vợ ngồi hầu, Vợ cả pha nước, têm trầu chàng sơi.

Vợ hai giải chiếu, chia bài,

Vợ ba coi sóc nhà ngoài nhà trong.

Vợ tư giải chiếu quạt mùng,

Vợ năm thức dậy trong lòng xót xa.

Chè thang, cháo đậu bưng ra, Chàng sơi một bát kẻo mà công lênh.

Durant les cinq veilles de la nuit, ses cinq femmes l’entourent de soins :

La première prépare du thé et des chiques de bétel, La seconde étend la natte et distribue les cartes. La troisième a l’oeil à tout, devant et derrière.

La quatrième fait le lit, dispose la moustiquaire,

Et la cinquième se réveille, le coeur déchiré de douleur

Pour lui apporter des bouillons et de la soupe d’haricots :

-Veuillez en prendre un bol qui m’a demandé beaucoup de peine.


tiraillé entre plusieurs femmes, ne sait plus à quel saint se vouer, comme en fait foi cette chanson comique :

129.Sớm mai đi chợ Gò Vấp

Mua một sấp vải Đem về con hai nó cắt, Con ba nó may,

Con tư nó đột, Con năm nó viền, Con sáu đơm nút,

Con bẩy vắt khuy,

Anh bước cẳng ra đi, Con tám níu, con chín trì,

Ớ mười ơi, sao em để vậy còn gì áo anh ?

Ce matin je suis allé au marché de Gò Vấp

Pour acheter une pièce d’étoffe, Ma femme numéro deuxla découpe, Ma troisième en fait une robe,

Ma qratrième ajoute des points de couture, Ma cinquième l’ourle,

Ma sixième fait des boutonnières, Ma septième coud des boutons.

Je m’en vais, pensant être libéré,

Lorsque ma huitième m’arrête et ma neuvième s’accroche à moi.

Ô ma dixième ! Que restera-t-il de ma pauvre robe ?

 

 

Passons maintenant de l’autre côté de la barricade, c’est-à-dire du côté des femmes ayant un mari commun. Nous y trouvons d’abord la jalousie, souvent féroce :

130. Cái cò trắng bạch như vôi

Cô kia có lấy bố tôi thì về. Mẹ tôi chẳng mắng chẳng chê,

Mẹ tôi móc mắt, mổ mề xem gan.

La cigogne est toute blanche comme de la chaux.

 

 

1 C’est l’usage au Sud-Vietnam de numéroter les femmes et les enfants en appelant la première femme, ou second l’ainé des enfants.


Ma mère ne vous réprimandera ni vous dédaignera, Elle ne fera qu’arracher vos yeux, ouvrir votre estomac et regarder votre foie !

 

 

131. Ớt nào là ớt chẳng cay,

Gái nào là gái chẳng hay ghen chồng ?

Vôi nào là vôi chẳng nồng,

Gái nào là gái có chồng chẳng ghen ?

Quel piment n’est pas brûlant ? Quelle femme n’est pas jalouse ?

Quel chaux n’est pas âcre ?

Et quelles est la femme qui de son mari ne veut se réserver l’amour exclusif ?

Cette jalousie féroce entraîne comme conséquence inévitable la situation misérable des concubines :

132.Lấy chồng làm lẽ khó thay

Đi cấy đi cầy chị chẳng kể công .

Đến tối chị giữ lấy chồng

Chị cho manh chiếu nằm không nhà ngoài.

Đêm đêm gọi những : Bớ Hai !

Chờ dậy nấu cám, thái khoai, băm bèo

Quelle triste vie que celle d’une concubine !

Je me tue aux travaux des champs, mais ma soeur1

n’en tient aucun compte.

La nuit, elle garde pour elle notre mari

Et me donne une natte sur laquelle je m’étends seule au dehors de leur chambre.

Au milieu de la nuit, elle m’appelle : Numéro Deux ! Réveille-toi, fais bouillir du son, découpe des patates, et écrase les lentilles d’eau .2

 

 

133.Thân em làm lẽ chẳng hề

Có như chính thất mà lê giữa giường.

Tối tối chị giữ mất buồng

 

 

1 La femme principale

2 pour nourrir les porcs


Cho em manh chiếu nằm xuông chuồng bò.

Mong chồng, chồng chẳng xuống cho, Đến cơn chồng xuống, gà o o gáy dồn. Cha mẹ con gà kia sao mày vội gáy dồn

Mày làm cho ta mất vía kinh hồn về nỗi chồng con.

Concubine, je n’ai jamais pu me glisser

Sur le lit conjugal comme ma soeur la femme principale. Nuit après nuit, elle garde pour elle la chambre de notre mari Et me laisse dormir toute seule sur une natte dans l’étable.

J’y attends mon mari, mais il tarde toujours à descendre,

Et quand il vient enfin, le coq lance déjà son cocorico à plein gosier.

Maudis sois-tu, ô coq, qui chante si tôt

Pour me donner l’épouvante sur ma condition de concubine.

 

 

C’est pourquoi les jeunes filles se donnent mutuellement ce conseil :

134. Đói lòng ăn nắm lá sung

Chồng một thì lấy, chồng chung thì đừng.

Si tu as faim, mange des feuilles de sycomore

Pour avoir un mari à toi seule, plutôt que le partager avec d’autres.

 

 

Mais parfois on trouve des concubines qui vantent leur sort, peut-être pour n’avoir pas à en pleurer :

135. Lấy chồng làm lẽ khỏi lo

Cơm nguội đầy rá, cá kho đầy nồi.

Thà rằng làm lẽ thứ mười

Còn hơn chính thất những người đần ngu.

Concubine, je n’ai à m’inquiéter de rien,

Ayant toujours à ma position du riz froid plein le panier, et du poisson cuit plein la marmite.

Je préfère être concubine, même de dixième rang, Plutôt que d’être femme principale d’un sot.

 

 

De l’adultère.

 

 

En général, les Vietnamiens ont une répulsion instictive pour l’adultère, comme le prouvent les chansons suivantes :

136.Trai tơ gái góa thì chơi,


Chớ nơi có vợ, chớ nơi có chồng.

Ayez des liaisons avec des célibataires ou des veuves, si vous voulez, Mais ne vous attaquez pas aux hommes et aux femmes mariés.

 

 

137.Chơi trăng từ thủa trăng tròn, Chơi hoa từ thủa hoa còn trên cây. Hoa thơm mất nhụy đi rồi

Còn thơm đâu nữa mà người ước mơ.

Jouissons de la lune lorsqu’elle est pleine, Jouissons de la fleur lorsqu’elle est un bouton sur l’arbre. Mais la fleur qui a perdu son pistil

A perdu du même coup son parfum et ne saurait plus tenter personne.

 

 

Il serait trop beau que l’adultère fût ignoré au Vietnam. Il y a existé, mais très rarement, exceptionnellement pour ainsi dire. C’était un phénomène monstrueux, qui ne se rencontrait pas dans un ménage sur cent. Les coupables étaient d’ailleurs sévèrement châtiés : on coupait les cheveux à la femme adultère, et on traînait dans toutes les rues du village, précédée du crieur public qui proclamait son crime à haute voix scandée par des coups de toscin. L’époux bafoué, s’il était féroce, pouvait même lier ensemble les complices surpris en flagant délit sur un radeau qui serait abandonné à la dérive sur un cours d’eau.

 

 

Hâtons-nous de dire que ces châtiments inhumains étaient plutôt rares. En général, on se bornait à chansonner l’épouse adultère (pas son complice, car si l’adultère de la femme risque d’introduire un sang étranger dans la famille de son époux, celui de l’homme ne présente pas cet inconvénient).

 

 

138. Gái chính chuyên lấy được chín chồng Vê viên bỏ lọ gánh gồng đi chơi. Không may quang đứt lọ rơi,

Bò ra lổm ngổm chín nơi chín chồng.

La fille vertueuse a épousé neuf maris, Elle les pétrit en boules mises dans un bocal

qu’elle transporte avec elle lorsqu’elle va en promenade. Mais son fléau se rompt, et par terre son bocal est tombé,

D’où sortent en grouillant ses neuf maris en neuf endroits.


 

 

139. Hỡi cô mặc yếm hoa tầm, Chồng cô đi lính, cô nằm với ai ? Cô đẻ thằng bé con trai ,

Chồng cô về hỏi : Con ai thế này ?

- Con tôi đi kiếm về đây,

Có cho nó gọi bằng thầy thì cho.

Ô vous qui portez un couvre-sein fleuri,

Tandis que votre mari tient garnison au loin, avec qui avez-vous couché

Pour mettre au monde ce garçon ?

Que répondriez-vous à votre mari s’il vous demandait à son retour : De qui est cet enfant ?

- Je l’ai ramassé ailleurs, ô mon homme ! Vous plairait-il qu’il vous appelle papa ?

 

 

Les sens de certaines femmes sont en effet très impérieux, et leur font perdre toute retenue. Voici par exemple une femme adultère qui l’avoue ingénument à son mari :

140.Anh đánh thì tôi chịu đòn,

Tánh tôi hoa nguyệt mười con chẳng chừa.

Đánh tôi thì tôi chịu đau,

Tánh tôi hoa nguyệt chẳng chừa được đâu.

Battez-moi, je consens à ce que vous me battiez, Mais ardente à l’amour comme je suis, je ne pourrais y renoncer même après avoir eu dix enfants.

Battez-moi, je subirai vos coups douloureux,

Mais je ne renoncerai pas pour cette douleur à mon ardeur amoureuse.

 

 

Cette femme adultère est encore effrontée :

141. Hai tay cầm hai trái hồng,

Trái chát phần chồng, trái ngọt phần trai.

Lẳng lơ chết cũng ra ma,

Chính chuyên chết cũng khiêng ra ngoài đồng.

Lẳng lơ cũng chẳng có mòn,

Chính chuyên cũng chẳng sơn son để thờ.

Dans mes deux mains je tiens deux kakis

L’acide est pour mon mari, et le doux est pour mon amant.


Une fois morte, la femme dévergondée devient un fantôme, Mais la vertueuse évite-t-elle d’être enterrée dans les champs ? Pour être dévergondée, je n’ai pas mon sexe plus usée,

Et serais-je vertueuse qu’il ne serait pas laqué pour être adoré !

 

 


Et cette autre :


 

142. Có chồng càng dễ chơi ngang,

Đẻ ra con thiếp, con chàng, con ai ?


Je suis mariée ? La belle affaire pour m’empêcher d’avoir des amants ! Car si j’accouche d’un enfant, de qui pourrait-il être, si ce n’est de moi et de mon mari ?

 

 

Parlons maintenant de l’adultère commis par l’homme marié. Nous savons que les mœurs lui sont plus tolérantes qu’à la femme adultère, et pourvu qu’il ne s’attaque pas à une femme mariée, ses frasques extra-conjugales ne sont pas jugées très sévèrement, sauf de la part de sa propre épouse. Les veuves et les courtisanes constituent d’ordinaire son terrain de chasse. Mais s’il s’avise de courtiser une jeune fille, il risque d’en recevoir une leçon sanglante, comme en fait foi cette chanson :

143. Anh về rẫy vợ anh ra, Công nợ em trả, mẹ già em nuôi.

Anh đã rẫy vợ anh rồi,

Công nợ anh trả, anh nuôi mẹ già.

Allez répudier votre femme,

Et je paierai vos dettes, et je nourrirai votre vieille mère.

Quand vous aurez répudié votre femme,

Vos dettes, vous les paierez, et votre mère, vous la nourrirez.

 

 


Ou cette autre :


 

144. Anh về rẫy vợ anh ra, Con anh thơ dại thì đà có tôi. Anh đà rẫy vợ anh rồi,

Con anh thơ dại, mặc trời với anh.

Allez répudié votre femme,

Et je prendrai soin de votre jeune enfant. Quand vous aurez répudié votre femme,


Avec le Ciel vous vous débrouillerez pour élever votre enfant.


Du veuvage.

 

 

En principe, la femme veuve devait rester fidèle à la mémoire de son mari défunt. Les mœurs et les lois l’encourageaient dans cette voie. Parvenue à la vieillesse, la veuve fidèle recevait un éloge de l’Empereur : Tiết hạnh khả phong (Sa vertu est digne d’être célébrée) qu’elle faisait graver sur une belle planche de bois laqué rouge et or suspendue au milieu de sa maison.

 

 

Mais il y avait, hélas, la question des sens, et certaines ne pouvaient y résister. Voici une veuve qui fit ses recommandations à ses enfants avant de convoler en secondes noces :

145. Hỡi thằng cu lớn, hỡi thằng cu bé, Cu tí, cu tị, cu tỉ, cu tì ơi !

Con dậy con ăn con ở với bà,

Để mẹ đi kiếm một vài con thêm.

Cha con chết đi trong bụng mẹ nó hãy còn thèm, Mẹ xem quẻ bói, vẫn còn đàn em trong bụng này.

Con ra gọi chú vào đây

Để mẹ giao trả cái cơ nghiệp này mẹ bước đi.

Holà ! mon fils ainé, mon fils cadet,

Mon troisième, mon quatrième, mon cinquième, mon sixième chéri

Réveillez-vous, et vivez désormais avec grand’mère

Pour que j’aille chercher quelques enfants de plus.

Votre père est mort, mais mon ventre n’est pas las d’enfanter. J’ai consulté un devin, et il m’a dit que nombre de vos petits frères et soeurs attendent le jour dans mon ventre.

Appelez donc votre oncle

Pour que je lui confie votre héritage avant de m’en aller !

 

 

 

 

 

 

Section II - LA FAMILLE

 

 

La tendresse paternelle et maternelle

 

 

Elle a inspiré quelque belles chansons :


Nuôi con càng lớn mẹ càng lo thêm.

Je te berce, mon enfant, et mes yeux s’emplissent de larmes, Car plus tu grandis, et plus mes inquiétudes augmentent.

 

 

147. Chim trời ai dễ đếm lông , Nuôi con ai dễ kể công tháng ngày ?

Qui peut compter le nombre de plumes des oiseaux ?

Qui s’avise d’évaluer la peine qu’il a endurée pour élever ses enfants ?

 

 

148. Bốn con ngồi bốn chân giường

- Mẹ ơi, mẹ hỡi, mẹ thương con nào ?

- Mẹ thương con bé mẹ thay !

Thương thì thương vậy, chẳng tầy trưởng nam.

Trưởng nam nào có gì đâu ?

Một trăm cái giỗ đổ đầu trưởng nam.

Les quatre fils sont assis aux quatre pieds du lit.

- Mère, ô ma mère, lequel d’entre nous chérissez-vous le plus ?

- C’est le dernier que je chéris le plus, Mais c’est l’ainé que je dois le plus chérir. Il n’a rien, le pauvre aîné,

Mais c’est sur sa tête que retombent tous les anniversaires.

 

 

Il n’est pas tout à fait vrai que l’aîné n’a aucun privilège. Dans les familles riches, une bonne part de l’héritage paternel lui est réservée pour assurer le culte (phần hương hỏa : la part de l’encens et du feu). Mais lorsque les parents ne laissent aucun patrimoine, l’aîné des enfants doit aussi assumer toutes les charges de son état d’aînesse sans en avoir les avantages.

 

 

Si les parents sont parfois obligés de se montrer durs envers leurs enfants, de leur donner des coups de rotin quand ils ont commis une faute, il n’est pas une grand’mère qui ne gâte ses petits-enfants par des contes racontés pendant les longues nuits d’hiver, ou encore par des friandises qu’elle leur rapporte au retour du marché.

149. Bà ơi cháu quí bà thay, Quí bà về nỗi bà hay cho quà. Grand’maman, combien je vous aime


Pour les friandises que si souvent vous me donnez !

 

 

Ce gosse est un cynique ; il n’aime sa grand’mère que par gourmandise. Mais son cynisme même révèle l’affection profonde des grands-parents pour leurs petits-enfants.

 

 

La piété filiale.

 

 

Avec l’amour, c’est le sentiment le plus puissant chez l’homme. Beaucoup de gens de chez nous, dont les parents sont vieux, ont l’habitude d’aller prier chaque nuit pour leur longévité :

150. Đêm đêm ra thắp đèn trời Cầu cho cha mẹ sống đời với con. Chaque nuit je vais allumer la lampe céleste,

Pour prier que mes parents puissent vivre éternellement avec moi.

 

 

Même les petits gosses s’ingénient à faire rire leurs parents lorsqu’ils ont commis quelque faute, moins pour se soustraire à une punition bien méritée que pour leur éviter une colère pénible :

151. Má ơi đừng đánh con đau,

Để con hát bội làm đào má xem.

Maman, ne me bats pas,

Et laisse-moi te jouer la comédie pour te distraire.

 

 

Mais c’est en ayant soi-même des enfants qu’on comprend l’immensité de l’amour maternel :

152. Lên non mới biết non cao, Nuôi con mới biết công lao mẫu từ.

C’est en escaladant la montagne qu’on connaît son altitude, C’est en élevant ses enfants qu’on apprécie la tendresse de sa mère.

 

 

Songent avec plus de ferveur à leurs parents ceux qui en sont séparés pour affaires, et surtout les filles mariées loin de leur village :

153. Vẳng nghe chim vịt kêu chiều

Bâng khuâng nhớ mẹ chín chìu ruột đau.

Thương thay chín chữ cù lao

Tam niên nhũ bộ biết bao nhiêu tình.


En entendant les canards sauvages crier dans le soir, Je pense à ma mère, le coeur tout endolori,

Aux peines infinies qu’elle s’est données pour m’élever, Et aux trois ans où elle m’a allaité de son amour divin.

 

 

154. Chiều chiều ra đứng ngõ sau

Ngó về quê mẹ ruột đau như dần.

Soir après soir, je vais à la porte de derrière

Pour regarder vers le village de ma mère, le coeur déchiré de douleur.

 

 

155. Chiều chiều ra đứng ngõ xuôi

Ngó không thấy mẹ ngùi ngùi nhớ thương.

Soir après soir, je vais à la porte qui regarde vers la maison maternelle, Mais je ne vois pas ma mère, et mon coeur s’emplit de tristesse.

 

 

Enfin, combien émouvante est cette chanson de l’orphelin :

156. Chiều chiều xách rỏ hái rau

Ngó lên mả mẹ, ruột đau như dần.

Chaque soir, en allant avec une corbeille cueillir des légumes, Je regarde la tombe de ma mère, le coeur déchiré de douleur.

 

 

 

 

Section III - LA PATRIE Patriotisme.

Le patriotisme, cela se comprend, est surtout exacerbé lorsque la patrie est en danger. La tradition rapporte que la chanson suivante prit naissance à l’époque de l’insurrection des soeurs Trưng contre la domination chinoise :

157. Nhiễu điều phủ lấy giá gương, Người trong một nước thì thương nhau cùng. Ainsi que le crêpe rose recouvre le support du miroir,

Que les gens d’un même pays soient unis dans une même affection.

 

 

Après la perte de l’indépendance du pays aux mains des Français, des rives du Fleuve des Parfums (qui arrose Huế) se sont envolées les chansons suivantes :


158. Chiều chiều trước bến Vân Lâu, Ai ngồi, ai câu,

Ai sầu, ai thảm, Ai thương, ai cảm, Ai nhớ, ai mong,

Thuyền ai thấp thoáng bên sông,

Đưa câu mái đẩy, động lòng nước non !

Soir après soir, devant le débarcadère du pavillon Phú Văn, Qui s’assied là pour pêcher à la ligne ?

Qui est triste ? qui est chagrin ?

Qui se plaint ? qui s’émeut ? Qui se rappelle ? qui espère ?

Mais voilà qu’une barque se profile sur la rivière

D’où sortent des chansons de batelier, qui remuent le coeur des eaux et des montagnes.

 

 

159. Đất Thừa Thiên Trai hiền gái lịch Non xanh nước bích

Điện ngọc sông trong , Tháp bẩy từng

Thánh miếu chùa ông

Trách thay ai một dạ hai lòng

Tham đồng bạc trắng, nỡ phụ lòng dân đen.

Dans la province de Thừa Thiên,

Les garçons sont sages et les filles belles, Les monts bleus, les eaux violettes,

Les palais de jade et les rivières claires.

On y trouve une tour à sept étages,

Le temple impérial et la pagode de Monseigneur.

Combien à blâmer sont ceux qui ont nourri la duplicité dans leur coeur, Et qui, pour des piastres blanches, ont trahi la confiance du peuple noir

(le commun peuple).

 

 

Xénophobie.


Le patriotisme peut aussi dévier vers la xénophobie. Dans l’ancien temps, on raillait et on méprisait les filles qui épousaient les Chinois pour de l’argent

:

160. Cô kia đội nón chờ ai ?

Chớ lấy chú chiệc mà hoài mất thân.

Ô vous qui portez un chapeau, qui attendez-vous là ?

Surtout, n’épousez pas le Chinois, sous peine de compromettre toute votre vie.

 

 

161. Bên Tàu hay ở ngược xuôi

Cho nên chú chiệc mọc đuôi trên đầu.

Ne voyez-vous pas que tout est de travers en Chine, Puisque les Chinois portent leur queue sur la tête ?

 

 

On sait que les Chinois, sous la domination mandchoue, portaient leurs cheveux tressés en une natte unique. Avec une mauvaise foi manifeste, le Vietnamien narquois y voit une queue anormale qui, au lieu de pousser au postérieur des bêtes, a poussé sur la tête des Chinois : preuve suffisante pour démontrer que les Chinois n’ont aucun sens de la morale et particulièrement de la fidélité conjugale, et que bien folles seraient les jeunes filles qui y croiraient.

 

 

162. Ba mươi Tết, Tết lại ba mươi,

Vợ thằng Ngô đốt vàng cho chú Khách.

Một tay cầm cái dù rách, Một tay xách cái chăn bông. Em đứng bờ sông

Em trông sang nước người.

Hỡi chú chiệc ơi là chú chiệc ơi !

Một tay em cầm quan tiền

Một tay em xách thằng bồ nhìn, em ném xuống sông.

Quan tiền nặng thì quan tiền chìm

Bồ nhìn nhẹ thì bồ nhìn nổi. Ới ai ơi , của nặng hơn người. En ce dernier jour de l’An,

La femme du Chinois va brûler de l’or votif pour son mari défunt.

D’une main elle tient son parapluie déchiré

Et de l’autre une couverture de coton.


Sur la berge du fleuve elle se tient,

Et regarde du côté de l’Empire Céleste : “Ô mon mari chinois ! s’écrie-t-elle,

D’une main je tiens une ligature de sapèques

Et de l’autre un mannequin. Je les jette dans le fleuve”.

La ligature, lourde, tombe au fond ;

Le mannequin, léger, surnage à la surface.

Ô vous tous, vous voyez bien que l’argent est plus lourd que l’homme.

 

 

Dans cette satire, l’auteur suppose qu’un Chinois est mort, et que sa veuve vietnamienne, au dernier jour de l’an, va brûler de l’or votif en offrande à ses mânes. Mais ce pieux geste n’est en réalité qu’un reproche sanglant. La veuve jette à l’eau une ligature de sapèques, image de l’influence de l’argent sur son mariage, et un mannequin, image du sentiment conjugal qui la liait à son mari étranger. Naturellement, la ligature de sapèques, étant lourde, tombe au fond, tandis que le mannequin, plus léger, surnage à la surface de l’eau. Et l’auteur de conclure victorieusement :

L’argent est plus lourd que l’homme

Ce qui veut dire :

Je vous ai épousé pour votre argent et non pour votre personne.

 

 

Allusion historiques .

 

 

Le plus souvent, l’amour de la patrie se montre discrètement par des allusions historiques ou par l’évocation des particularismes régionaux :

 

 

Période préhistorique :

163. Trứng rồng lại nở ra rồng

Liu điu lại nở ra dòng liu điu.

Des oeufs de dragon naitront des dragons

Comme des oeufs de lézards naitront des petits lézards.

 

 

Cette chanson fait allusion à la légende d’après laquelle le peuple Vietnamien descendrait des dragons et des immortels (Voir la légende des origines du peuple Vietnamien dans la partie consacrée aux contes antiques) .

 

 

164. Sông sâu nước chẩy làm vầy


Ai xui em đến chốn này gập anh ?

Đào tơ sen ngó xanh xanh

Ngọc lành phải giá, gái lành phải duyên.

Cho hay tiên lại gập tiên

Phụng hoàng há dễ đứng chen đàn gà ?

A ce fleuve au courant si rapide

Qui m’a conduite pour vous rencontrer ?

Comme une tendre pêche, comme un bourgeon de lotus,

J’ai attendu pour me marier de rencontrer un époux digne de moi, comme une belle perle ne doit être vendue qu’à un connaisseur. Heureusement, si je suis une immortelle, vous en êtes un aussi, Car des phénix ne pourraient pas s’unir à de vulgaires oiseaux

de basse-cour.

 

 

Il s’agit de la légende de Chử Đổng Tử et de la princesse Tiên Dung

(Voir plus loin aux Contes antiques).

 

 

Domination chinoise :

165. Thương thay thân phận con rùa Trên đình hạc cưỡi, dưới chùa đội bia. Pitoyable est le sort de la tortue

Qui porte une grue dans le temple, et une stèle dans la pagode.

 

 

Cette tortue qui doit supporter d’écrasantes charges, c’est le peuple

Vietnamien qui gémit sous l’oppression chinoise.

166. Vì chồng nên phải gắng công, Nào ai xương sắt da đồng chi đây ?

Pour venger son mari, elle a pris les armes vaillamment

Sans avoir des os de fer ni une peau de bronze.

 

 

Cette chanson fait l’éloge de Trưng Trắc, qui se souleva contre les Chinois en l’an 40 pour venger son mari Thi Sách mis à mort par le gouverneur chinois Tô Định. Mais en réalité, elle avait comploté le soulèvement populaire avec son mari bien avant la condamnation de celui-ci, et ce crime n’a fait que précipiter l’insurrection. Il serait donc injuste de dire que Trưng Trắc n’a écrit cette belle page d’histoire que pour venger son mari.

167. Con ơi con ngủ cho lành


Mẹ đi gánh nước rửa bành ông voi.

Muốn coi lên núi mà coi

Coi bà quản tượng cưỡi voi bành vàng.

Dors, mon enfant, dors,

Et laisse ta mère porter de l’eau à laver le bât de l’éléphant.

Holà ! vous autres, montez sur la colline

Et regardez Madame caracoler sur son éléphant à bât d’or.

 

 

Il s’agit de l’héroïne Triệu Thị Chinh qui leva l’étendard de l’insurrection contre les Chinois en l’an 248. Elle chargeait à la tête de ses troupes, montée sur un éléphant.

 

 


Dynastie des Lý :


 

168. Dầu ai sang cả mặc ai


Thân này nước chẩy hoa trôi sá gì ?

Que m’important honneurs et richesses ?

Ce corps, je l’abandonne aux flots comme une fleur entrainée par le courant.

 

 

En 1044, l’empereur Lý Thái Tông s’empara de la capitale du Champa, et fit prisionnière la reine Mỵ Ê, femme du roi Cham Xạ Đẩu. Il la ramena au Vietnam. Lorsque le cortège arriva sur le Sông Đáy, l’empereur ordonna à la reine prisionnière de venir se présenter à lui. Mais elle s’enveloppa dans ses couvertures et se jeta dans le fleuve. Le peuple Vietnamien, rendant hommage à sa fidélité conjugale, composa cette chanson.

169. Tay cầm bán nguyệt xênh xang, Muôn nghìn cây cỏ lai hàng tay ta.

Devant ma faucille en forme de croissant de lune, que je tiens en main majestueusement,

Toutes les plantes s’inclinent pour venir se ranger sous mes ordres.

 

 

C’est à un véritable conte de fées que cette chanson fait allusion. L’empereur Lý Thánh Tông (1054-1072) n’avait pas encore d’enfant mâle. En allant se promener dans la campagne, il rencontra un jour une jeune paysanne d’une beauté angélique, debout près d’un buisson d’orchidées, qui fauchait l’herbe en déclamant ces deux vers. Séduit par sa voix d’or, par le sens allégorique de la chanson, et par son maintien vraiment majestueux, l’em-


pereur la prit pour épouse de second rang et lui décerna le titre Ỷ Lan phu nhân (la dame aux orchidées). La jeune paysanne lui donna bientôt un fils qui deviendrait l’empereur Lý Nhân Tông (1072-1127).

 

 

Dynastie des Trần :

170 Trách người quân tử phụ tình

Chơi hoa rồi lại bẻ cành bán rao !

Combien répréhensible est le héros ingrat

Lui, après avoir joui de la fleur, casse sa branche pour la vendre à la criée

!

 

 

En 1225, l’impératrice Lý Chiêu Hoàng, âgée à peine de 7 ans, fut mariée d’office à Trần Cảnh qui recueillit le trône des Lý et fonda la dynastie des Trần. Au bout de douze ans de mariage, Lý Chiêu Hoàng n’ayant pas toujours d’enfant, le premier ministre Trần Thủ Độ, dans le but d’assurer l’avenir de la dynastie, força l’empereur Trần Thái Tông à la répudier et à épouser sa belle- soeur, la princesse Chiêu Thánh, déjà enceinte. Cette chanson constitue une satire dirigée contre l’empereur Trần Thái Tông (Pour plus amples détails, voir notre précédent ouvrage : Les chefs d’œuvre de la littérature vietnamienne).

171. Trời Đông A soi đến bậc hè

Ba con đóm nọ lập lòe làm chi ?

Le soleil de l’Est a lui sur la véranda du temple, Et les trois vers luisants scintilleraient en vain.

 

 

Les caractères Đông et A réunis forment le caractère Trần. Le temple désigne celui des empereurs Lý. Et les trois vers luisants désignent les trois derniers fidèles de la dynastie déchue : Đoàn Thượng, Nguyễn Nộn et Lý Quang Bật. Cette chanson, composée par Trần Thủ Độ, le principal artisan de l’avènement des Trần, et répandue par ses soins dans le peuple comme une prophétie, servit à décourager les efforts de résistance des partisans des Lý.

 

 

172. Tiếc thay cây quế giữa rừng

Để cho thằng Mán thằng Mường nó leo.

Dommage que le cannelier de la forêt

Se laisse grimper par des barbares !


Trần Anh Tông au roi Cham Chế Mân en 1306, en échange des deux territoires chams Ô, Lý. Ne comprenant pas la politique habile de l’empereur, qui avait ainsi acquis un vaste territoire sans verser une goutte de sang, le peuple critiqua son geste d’avoir livré sa soeur à un roi barbare.

 

 

173. Đờn kêu tích tịch tình tang

Ai đem công chúa lên thang mà ngồi.

Plaintivement la guitare gémit :

Qui a forcé la princesse à s’assoir sur un bûcher ?

 

 

Au bout d’un an de mariage, le roi Cham mourut et, suivant les coutumes de son pays, la reine veuve devait être brûlée vive en holocauste. Le peuple Vietnamien, en apprenant cette nouvelle, gémit de douleur à l’idée que sa si gracieuse princesse fût brûlée.

 

 

174. Tiếc thay hạt gạo trắng ngần

Đã vo nước đục lại vần than rơm.

Dommage que le beau riz blanc

Qui a été lavé à l’eau trouble soit encore cuit avec du charbon de paille !

 

 

Heureusement l’empereur Trần Anh Tông, prévenu à temps, envoya une ambassade au Champa, soi-disant pour assister aux funérailles royales. Et l’ambassadeur Trần Khắc Chung réussit à enlever la reine et à la ramener vivante au Vietnam, après un long voyage où elle ne sut pas observer la fidélité conjugale à son défunt époux. Le peuple, qui l’avait tant adorée, critiqua vivement sa conduite dans cette satire.

 

 


Dynastie des Hồ :


 

175. Kiến leo cột sắt sao mòn

Tò vò xây ổ sao tròn mà xây ?


Comment pourrait la fourmi user la colonne de fer en y grimpant ?

Comment pourrait la guêpe bâtir une ruche solide ?

 

 

Avant d’usurper le trône des Trần, Hồ Quý Ly fit bâtir à grands frais la capitale de l’Ouest à Nghệ An, pour s’y ménager un refuge en cas d’intervention chinoise. Ses craintes se vérifièrent, mais pas ses espoirs, car la


prédit cette chanson.

176. Chàng về Hồ thiếp cũng về Hồ, Chàng về Hồ Hán, thiếp về Hồ Tây.

Vous revenez à Hồ, moi aussi ;

Mais si vous vous ralliez à Hồ Hán, je me jetterai dans le lac de l’Ouest.

 

 

Il y a d’abord un jeu de mots dans cette chanson. Hồ, qui signifie lac, désigne aussi la dynastie qui a usurpé le trône des Trần. Hồ Hán Thương fut le second souverain de cette dynastie usurpatrice.

 

 

La chanson évoque aussi un drame douloureux survenu dans une famille au moment où les Chinois, sous prétexte de châtier les Hồ usurpateurs, envahirent le Vietnam en 1407. Le mari était un prince Trần, et il avait participé à plusieurs complots contre le dictateur Hồ Quý Ly. Lorsque celui-ci eut détrôné le dernier empereur Trần en 1400, notre conspirateur fut obligé de se cacher pour ruminer sa vengeance. Mais en 1407, l’invasion chinoise vint changer l’orientation de sa pensée. Refoulant dans son coeur sa haine personnelle pour les Hồ qui n’étaient que l’ennemi de sa famille, il offrit ses services à Hồ Hán Thương pour aller combattre l’envahisseur chinois, l’ennemi de la patrie.

 

 

Mais sa femme ne comprit pas cette conception élargie du devoir. Elle tint son mari pour un traître, et alla se suicider dans le lac de l’Ouest (le Grand Lac de Hanoi) pour expier le crime de son mari. Hélas ! celui-ci, à la sanglante bataille de Đa Bang, succomba lui-même devant la supériorité écrasante des forces chinoises.

 

 

Ainsi périt ce ménage héroïque, le mari pour sauver la patrie, et la femme pour sauver l’honneur de la famille.

 

 

Dynastie des Lê :

 

 

177. Con cò lặn lội bờ sông

Gánh gạo đưa chồng tiếng khóc nỉ non.

Nàng về nuôi cái cùng con

Để anh đi trẩy nước non Cao Bằng.


A porter du riz à son mari, pleure plaintivement.

- Revenez, ma chère, nourir nos enfants,

Et laissez-moi partir vers les eaux et les monts de Cao Bằng.

 

 

Cette chanson aurait été composée au temps de la lutte entre les Trịnh et les Mạc qui, après avoir été expulsés de la capitale Thăng Long, se sont accrochés à Cao Bằng pour un siècle encore.

178. Chớ khinh chùa Tích không thờ Mà đem xôi oản cúng nhờ gốc cây. Ne néglisez pas le culte dans la pagode

Pour porter vos offrandes au pied de l’arbre.

 

 

La pagode désigne l’empereur Lê, et l’arbre désigne le seigneur Trịnh qui s’est emparé de tout le pouvoir réel. (Dans la cour des pagodes il y a de grands arbres, et les gens superstitieux leur dédient un culte). Cette chanson conseillait aux gens de rester fidèles à la dynastie impériale.

 

 

179. Đường ra xứ Huế quanh quanh Non xanh nước biếc như tranh họa đồ Yêu em anh cũng muốn vô,

Sợ truông nhà Hồ, sợ phá Tam Giang.

- Phá Tam Giang ngày nay đã cạn, Truông nhà Hồ Nội tán cấm nghiêm. La route qui mène à Huế serpente, serpente

Au milieu des montagnes bleues et des eaux violettes, on dirait une peinture

Je vous aime, mon amour, et voudrais bien y aller,

Mais j’ai peur du maquis des Hồ et de la lagune des Trois Fleuves.

- La lagune des Trois Fleuves est présentement comblée,

Et quant au maquis des Hồ, il a été pacifié par le Ministre de l’Intérieur.

 

 

La lagune des trois Fleuves, qui se trouve sur la route de mer menant à Huế, occasionnait fréquemment des naufrages. Le maquis des Hồ, sur la route de terre, était infesté de pirates, et a été nettoyé par le ministre Nguyễn Khoa Đăng, sous le règne du seigneur Nguyễn Hiến Tông (1691 – 1725).

 

 

180. Đục cùn thì giữ lấy tông,


Même lorsque le ciseau est émoussé, il faut en conserver la partie qui pénètre dans le manche ;

Car si son manche venait à être descellé ou brisé, que resterait-il à espérer ?

 

 

Le seigneur Trịnh Sâm avait deux fils, nés de deux épouses différentes : Tông (qui changerait plus tard son prénom en Khải) et Cán. Cette chanson qui joue sur les mots Tông (race, famille, et ici partie du ciseau qui pénètre dans le manche) et Cán (le manche du ciseau, Trịnh Cán) était popularisée par les partisans du prince Trịnh Tông pour critiquer la conduite du seigneur Trịnh Sâm qui voulait léguer sa couronne à son fils cadet Trịnh Cán.

 

 

181. Ai đem con sếu qua sông

Sếu ăn hết tép, sếu vùng bay đi.

Qui a conduit la grue de ce côté de la rivière

Pour qu’elle dévore toutes les crevettes et s’envole ensuite au loin ?

 

 

Cette chanson fait allusion à Nguyễn Hữu Chỉnh, un sujet des seigneurs Trịnh, qui s’est soumis aux Tây Sơn, puis a conseillé à ceux-ci de s’emparer du royaume du Nord. Dans une campagne foudroyante en 1786, les Tây Sơn détruisirent le shogunat des Trịnh, pillèrent le trésor de la capitale Thăng Long (Hanoi actuel), puis s’en retournèrent au Sud. Ils reviendront en 1788 pour écraser les Chinois appelés à son secours par Chiêu Thống, le dernier empereur des Lê.

 

 

Dynastie des Nguyễn :

 

 

182. Lậy Trời cho chóng gió nồm

Cho thuyền chúa Nguyễn thẳng buồm chạy ra.

Plaise au Ciel que la mousson du Sud arrive rapidement

Pour que les jonques du seigneur Nguyễn avancent toutes voiles déployées.

 

 

Pendant la guerre entre les Tây Sơn et le prince Nguyễn Phúc Ánh, celui- ci faisait chaque année avancer sa flotte au Nord à l’époque de la mousson du Sud.

 

 

183. Ngó lên trên tháp Cánh Tiên


Cảm thương quan Hậu thủ thiềng ba năm.

En regardant vers la tour de Cánh Tiên,

Nous pensons avec attendrissement au Maréchal du Groupe d’armées de l’arrière qui a defendu la citadelle durant trois ans.

 

 

Cette chanson constitue l’éloge funèbre de Võ Tánh, un fidèle du prince Nguyễn Phúc Ánh (futur empereur Gia Long), qui a défendu la citadelle de Bình Định durant trois ans contre les assauts répétés des Tây Sơn. Finalement, en 1801, la citadelle étant réduite à la plus atroce famine, Võ Tánh se fit brûler dans un tour, après avoir écrit au général Tây Sơn Trần Quang Diệu pour le prier d’épargner la vie de ses soldats. Magnanime, Trần Quang Diệu acquiesca à sa demande et fit donner des funérailles grandioses à son valeureux adversaire.

184. Bao giờ bắt được giặc Khôi

Cho yên việc nước chồng tôi được về ?

Quand le rebelle Khôi sera-t-il arrêté

Pour que la paix soit rétablie, et pour que mon mari rentre chez nous ?

 

 

Durant la révolte de Lê Văn Khôi en Cochinchine (1833-1835), la Cour de Huế devait lever plusieurs corps de troupes pour en venir à bout.

 

 

185. Nơi bến Trường Tiền có cây đa bóng mát

Gần bến Bồ Đề có bãi cát phẳng lì.

Trời ơi sanh giặc làm chi

Để quan Trấn Vũ phải ra đi cơ hàn.

Au débarcadère de Trường Tiền est un banian qui donne un frais ombrage, Et au débarcadère de Bồ Đề existe une plage de sable tout unie.

Ô Ciel, pourquoi créez-vous ces rebelles

Pour que les troupes Trấn Vũ soient obligées d’aller guerroyer dans la faim et le froid ?

 

 

Pour lutter contre Lê Văn Khôi, la cour, nous apprend cette chanson, a été obligée d’expédier même les troupes Trấn Vũ qui assuraient la garde de la capitale Huế.

 

 

186.Một nhà sinh được ba vua : Vua còn, vua mất, vua thua chạy giài.


D’une maison sont nés trois empereurs : Un vivant, un mort et un fugitif.

 

 

Il s’agit du prince Kiền Thái, frère de l’empereur Tự Đức. Celui-ci étant mort sans enfant, les trois fils du prince Kiền Thái sont montés successivement sur le trône :

Kiến Phúc qui est mort après un an de règne (1883 – 1884).

Hàm Nghi qui s’est enfui de la capitale après le coup de force manqué de

1885,

Et Đồng Khánh qui a remplacé le précédent (1885 – 1888).

 

 

Particularismes régionaux : Le Nord :

Le Nord-Vietnam comprend trois régions bien distinctes : un delta uniformément plat, une Moyenne-Région où dominent les collines, et une Haute-Région très accidentée.

 

 

Le delta est très souvent dévasté par l’inondation à la saison des pluies (voir plus loin, dans la partie réservée aux Contes antiques, la légende du Génie des Eaux), ce qui fait que la principale préoccupation de ses habitants est de construire des digues assez puissantes pour enrayer la montée des eaux :

187. Cây cao chẳng quản gió lung

Đê cao chẳng quản nước sông tràn vào.

Les grands arbres ne redoutent pas la furie du vent ;

De même, les hautes digues ne redoutent pas d’être submergées par les eaux du fleuve.

 

 

Sur les côtes, tantôt rocheuses et tantôt sablonneuses, les frêles barques faisaient souvent naufrage. Un des points réputés les plus dangereux était l’estuaire du Thần Phù, aujourd’hui comblé, situé dans la province de Ninh Bình. On lui attribuait une puissance naturelle :

188. Lênh đênh qua cửa Thần Phù, Khéo tu thì nổi, vụng tu thì chìm.

Ballotés sur les flots de l’estuaire du Thần Phù,

Survivent les vertueux, alors que les méchants s’y noient.


 

 

La Moyenne-Région, moins peuplée que le delta parce que les voies de communication y sont plutôt difficiles, exerce néanmoins un charme ensorcelant sur les gens qui s’y aventurent par son décor romantique constitué par des collines boisées et des ruisseaux chantants, et par les mœurs pas très farouches de ses filles :

189. Ơ này hò ơ

Sông Thao nước đỏ người đen

Ai lên phố Én thì quên đường về.

Ohé ! ô gué !

Au Fleuve Thao, l’eau est rouge et les filles sont noires, Mais qui est allé à Phố Én oublie le chemin du retour.

 

 

Pourquoi ? Parce que les filles y sont charmantes, malgré leur teint foncé par le soleil.

190. Sông Thương nước chảy đôi dòng Đèn khêu đôi ngọn, anh trông ngọn nào ? Muốn tắm mát anh lên ngọn sông Đào, Muốn ăn sim chín thì vào rừng xanh.

Du fleuve Thương l’eau coule suivant deux courants bien distincts.

Des deux lampes également allumées, laquelle regardez-vous ? Pour prendre un bain bien frais, il faut aller au Fleuve Rouge,

Mais pour manger des figues mûres, il faut pénétrer dans la forêt verte.

 

 

Un jeune homme est touché par deux amours entre lesquels il hésite à faire un choix. Et le spectacle du Sông Thương, dont l’eau est limpide le long d’une rive et trouble le long de l’autre, lui sert de prétexte pour exprimer la perplexité de son coeur : les deux courants du fleuve, les deux lampes allumées probablement dans deux barques de pêche, et enfin la double tentation de prendre un bain frais dans le fleuve et de manger des figues mûres en pénétrant dans la forêt qui borde les rives du fleuve.

191. Mồng bốn tháng ba

Trở về hội Láng, trở ra hội Thầy.

Hội chùa Thầy có hang cắc cớ

Trai chưa vợ nhớ hội chùa Thầy.

Au quatrième jour du troisième mois

Il y a fête au village de Láng et à la pagode du Maître.


La fête du Maître se déroule dans une grotte capricieuse,

Et les garçons célibataires ne manquaient jamais d’y aller chaque année.

 

 

Le Maître dont il s’agit est le bonze Từ Đạo Hạnh qui, sous la dynastie des Lý, vécut et mourut dans la grotte de Sài Sơn, devenue après sa mort un fervent lieu de pèlerinage à cause de nombreux miracles qui s’y sont manifestés. Cette grotte, ouverte sur les deux flancs d’une montagne, est continuellement balayée par le vent, et les jeunes gens et jeunes filles aiment à venir s’y reposer et à se taquiner dans ses nombreux recoins.

 

 

La Haute-Région, sur les confins de la fontière sino-vietnamienne, est réputée pour son climat malsain. Néanmoins, elle a aussi son charme, avec ses forêts impénétrables et ses hautes montanges toujours noyées de brouillard. Ça et là, sur les bords des cours d’eau, s’établissent des villes où se fait un commerce intense.

 

 

Sur la frontière du Nord-Est domine la ville de Lạng Sơn.

192. Đồng Đăng có phố Kỳ Lừa

Có nàng Tô Thị, có chùa Tam Thanh.

Ai lên xứ Lạng cùng anh,

Bõ công bác mẹ sinh thành ra em.

Tay cầm bầu ruợu nắm nem, Mải vui quên hết lời em dặn dò. À Đồng Đăng il y a la rue Kỳ Lừa

La montagne de Tô Thị et la pagode de Tam Thanh.

Qui veut aller à Lạng Sơn avec moi ?

La vie serait manquée sans y aller faire un tour ! L’alcool et le hachis de viande qu’on y trouve

Vous feraient oublier les recommandations de votre femme !

 

 

Le rocher qui représente la femme (Tô Thị) transformée en pierre en attendant le retour de son mari existe aussi bien à Lạng Sơn qu’au Centre- Vietnam (Lire cette légende dans les Contes antiques).

 

 

Sur la frontière du Nord-Ouest, la ville de Laokay est tapie sur les bords du Fleuve Rouge, dans une vallée encaissée par des montagnes.

193. Ai mang tôi đến chốn này,


Bên kia Cốc Lếu, bên này Lào Cai.

Qui m’a amené en cet endroit ?

D’un côté c’est Cốc Lếu, et de l’autre c’est Laokay.

 

 

Cốc Lếu est une agglomération chinoise qui fait face à Laokay. Notre chanteur se plaint d’avoir été exilé dans cette région lointaine et sauvage, mais non dénuée d’attraits, car elle est justement réputée pour son bouillon, le cháo lòng, fait de riz cuit avec des entrailles de porc :

 

 

194. Đi thời nhớ vợ cùng con,

Về thời nhớ bát cháo ngon bên đường.

En y allant, je pensais à ma femme et à mes enfants, Mais rentré chez moi, je pense au bol de soupe si délicieuse qu’on y vendait sur les bords de la route.

 

 

Le Centre :

 

 

A part sa plaine septentrionale constituée par le delta du Sông Mã, le Centre-Vietnam est un pays pauvre encaissé par la mer et la Chaine Annamitique dont certains contreforts la divisent en compartiments isolés les uns des autres. Voici quelques chansons qui expriment son relief accidenté :

195. Khôn ngoan qua cửa sông La

Dễ ai cất cánh bay qua lũy Thầy ?

Bien habiles sont ceux qui franchissent l’estuaire du fleuve La,

Mais qui oserait déployer ses ailes pour survoler la citadelle du Maître ?

 

 

Le Maître dont il est parlé ici est Đào Duy Từ qui a aidé début du 17è siècle, le seigneur Nguyễn Phúc Nguyên à bâtir les deux citadelles de Trường Dục et Đồng Hới, dans la province de Quảng Bình, pour résister contre le shogun Trịnh. La citadelle de Đồng Hới a été appelée Lũy Thầy (citadelle du Maître) en l’honneur de Đào Duy Từ.

196. Chiều chiều mây phủ Hải Vân

Chim kêu gành đá, gẫm thân lại buồn. Chaque soir, les nuages recouvrent le col de Hải Vân Et les oiseaux chantent dans le creux de ses rochers, assombrissant le coeur des voyageurs.


Le col des Nuages (Hải Vân) est situé entre Huế et Đà Nẵng. Plus terrible encore est le col de Cù Mông, situé entre Qui Nhơn et Sông Cầu :

197. Tiếng ai than khóc nỉ non

Là vợ chú lính trèo hòn Cù Mông.

Quelle est cette voix plaintive ?

C’est celle de la femme d’un soldat qui escalade le col de Cù Mông.

 

 

198. Ở nhà thì sợ cái nghèo

Ra đi thì sợ cái đèo Cù Mông.

En restant chez soi, on se condamne à la pauvreté,

Mais si on s’en va faire du commerce, il faut affronter le si redoutable col de Cù Mông.

 

 

Ce pays tourmenté influe naturellement sur la mentalité de ses habitants. Le Centre-Vietnam est toujours réputé pour être le berceau de la révolution, et de fait, les meilleurs guerriers du Vietnam, les fondateurs de dynasties sont pour la plupart issus de cette terre ingrate et héroïque. Même les femmes y sont redoutables :

199. Ai vô Bình Định mà coi Đàn bà cũng biết cầm roi đi quờn. Venez voir les femmes de Bình Định

Qui savent manier le bâton et pratiquer la boxe.

 

 

Heureusement le Centre-Vietnam n’offre pas que cette image belli- queuse. Qui ne connait la grâce langoureuse de Huế, la cité impériale, étendue nonchalamment sur les rives de la Rivière des Parfums ? Voici quelques chansons qui traduisent son charme irrésistible :

200. Gió đưa cành trúc la đà

Tiếng chuông Thiên Mụ, canh gà Thọ Xương.

Le bruit du vent qui fait osciller doucement les branches de bambou Se mélange au son de cloche de la pagode Thiên Mụ et au chant du coq du village Thọ Xương.

 

 

201. Đông Ba, Gia Hội hai cầu,

Có chùa Diệu Đế, bốn lầu hai chuông.

Sur la rivière se mirent les deux ponts Đông Ba et Gia Hội

Ainsi que la pagode Diệu Đế qui a quatre tours et deux clochers.


 

 

Si la ville impériale est célèbre par son site enchanteur, elle l’est plus encore par la beauté ensorcelante de ses jeunes filles. Celles-ci sont très romantiques, et abandonnent volontiers leur coeur à qui sait le prendre :

202. Núi Ngự Bình trước tròn sau méo Sông An Cựu nắng đục mưa trong. Em đây vốn thiệt chưa chồng

Núi cao sông rộng biết gửi lòng cùng ai ? L’Ecran Impérial parait de loin arrondi et de près bosselé, L’eau de An Cựu est trouble au soleil et limpide quand il pleut.

Célibataire je suis ;

Entre cette haute montagne et ce large fleuve, à qui pourrai-je confier mon coeur ?

 

 

Naturellement, les amoureux ne manquent pas. C’est d’abord ce touriste qui, fasciné par la beauté des femmes de Huế, ne se décide pas à choisir laquelle :

203. Chiều chiều ra chợ Đông Ba Ngó về hàng bột, trông ra hàng đường. Nhìn mai, ngắm liễu, xem hường,

Cô nào đẹp nhất xin nhường cho tôi !

Soir après soir, je vais au marché de Đông Ba

Et mes yeux successivement embrassent les boutiques de farine et de sucre.

Je regarde l’abricotier, je contemple le saule, j’observe le rosier.

Que la plus belle des marchandes me soit attribuée !

 

 

Ce sont ensuite les étudiants des autres provinces qui viennent à Huế pour y passer leurs examens. Eblouis par la grâce aristocratique des jeunes filles de la cité impériale, ils en arrivent à oublier leurs compagnes laissées au fin fond de leurs provinces :

204. Học trò trong Quảng ra thi

Thấy cô gái Huế chân đi không đành.

Les étudiants des provinces Quảng qui se présentent à l’examen Après avoir vu Huế et ses jeunes filles, n’ont plus le courage d’en partir. (Au centre d’examen de Huế devaient se présenter les candidats des

provinces Quảng Bình, Quảng Trị, Quảng Nam, Quảng Ngãi).


Le Sud :

 

 

Le Sud, colonisé par les Vietnamiens depuis seulement trois siècles, conserve encore en maints endroits la physionomie rude des terres nouvelles.

 

 

Voici le célèbre Đồng Tháp Mười (la Plaine qui a une tour à dix étages)

sur la frontière septentrionale :

205. Trời xanh, kinh đỏ, đất xanh,

Đỉa bu, muỗi cắn làm anh nhớ nàng.

Remplissant le ciel bleu, le canal rouge et la terre verte, Les sangsues et les moustiques font une sarabande effrénée autour de moi, sans que je cesse de penser à vous.

 

 

C’est un amoureux héroïque, celui-là, qui pense à sa belle pendant que les sangsues le mordent et que les moustiques le piquent par tout le corps. À moins qu’ironiquement il ne compare sa belle à ces voraces sangsues et moustiques.

 

 

La Forêt Sombre (Rừng U Minh), sur la côte occidentale, est encore plus terrifiante :

206. Chèo ghe sợ sấu cắn chân, Xuống bưng sợ đỉa, lên rừng sợ ma.

Sur les canaux, vous avez à redouter les crocodiles, Dans le maquis les sangsues, et dans la forêt les fantômes.

 

 

Pas très loin des côtes, l’ile pénitentiaire de Poulo Condore est la tombe des patriotes qui y sont exilés :

207. Ngó ra Phú Quốc, ngó lại Côn Nôn, Gió rao rao, sóng bửa hết hồn.

Bền gan sắt đá trừ phồn tà gian.

À l’ile Phú Quốc, à l’ile de Poulo Condore,

Le vent souffle avec violence, en déchainant des vagues qui vous terrifient l’âme,

Mais les coeurs y sont solides comme le fer et la pierre pour jurer la perte des traîtres.


Heureusement, à part ces quelques endroits restés sauvages, le travail des colons s’est efforcé partout ailleurs à remodeler la nature pour en faire un jardin édénique.

 

 

Voici Cần Thơ, la capitale florissante de l’Ouest :

208. Xứ Cần Thơ nam thanh nữ tú, Xứ Rạch Giá vượn hú chim kêu.

À Cần Thơ, les jeunes gens sont élégants et les jeunes filles sont belles,

Alors qu’à Rạch Giá on n’entend que le cri des gibbons et le chant des oiseaux.

 

 

Tân Châu et Cao Lãnh, deux ports fluviaux sur le Mékong antérieur, jouissent également d’une grande prospérité :

 

 

209. Gà nào hay cho bằng gà Cao Lãnh, Gái nào bảnh cho bằng gái Tân Châu ? Anh thương em chẳng ngại sang giầu, Mứt hồng đôi lượng, trà tầu đôi cân.

Où pourrait-on trouver des coqs plus superbes que ceux de Cao Lãnh ?

Et des filles plus jolies que celles de Tân Châu ?

En amour, on ne se soucie pas d’être riche ou pauvre, Et deux onces de confiture de kaki, plus deux livres

de thé de Chine vous suffiront pour conclure votre mariage.

 

 

Mais la ville la plus opulente est incontestablement Saigon, la perle de l’Etrême-Orient :

210. Chợ Sàigon đèn xanh đèn đỏ

Anh coi không tỏ rõ anh ngỡ đèn tầu.

Au marché de Saigon scintillent mille lumières bleues et rouges

Que je prends sans le savoir pour des feux de chaloupes.

 

 

211. Đường Saigon cây cao bóng mát,

Đường Chợ Lớn hột cát nhỏ dễ đi.

Les avenues de Saigon sont délicieusement ombragées par de grands arbres,

Et celles de Chợ Lớn, tapissées d’un sable fin, sont douces à la marche.


Ces splendeurs, qui nous font sourire aujourd’hui, datent évidemment des premiers temps de l’occupation française.

 

 

Le Sud, énorme grenier de riz, a de tout temps attiré les populations pauvres du Nord et du Centre. Il est réconfortant de constater que l’hospitalité de nos compatriotes du Sud ne s’est pas jamais démentie un seul instant, comme en fait foi cette chanson :

212. Nhà Bè nước chẩy chia hai

Ai về Gia Định Đồng Nai thì về.

À Nhà Bè, la rivière se divise en deux branches.

Bienvenue soient ceux qui veulent s’établir à Gia Định et à Đồng Nai !

 

 

Ceux qui ont eu l’occasion de visiter la Cochinchine d’il y a trente ou quarante ans savent combien la vie y était facile, et combien les immigrants du Nord et du Centre pouvaient y édifier aisément leur fortune. Cependant, l’amour de la province natale était si fort en eux qu’ils ne pouvaient s’empêcher, même nageant en pleine prospérité, d’y penser douloureusement, surtout s’il y avaient laissé leur famille .

213. Đèn nào cao bằng đèn Châu Đốc, Ngọn gió nào độc bằng ngọn gió Gò Công ? Thổi ngọn đông phong lạc vợ xa chồng,

Đêm nằm nghĩ lại, nước mắt hồng tuôn rơi !

Quelle lampe est plus haute que celle de Châu Đốc 1

Quel vent est plus meurtrier que celui de Gò Công ?

Le vent de l’Est a soufflé pour séparer le mari de la femme,

Et la nuit, en pensant à elle, il verse des chaudes larmes teintées de sang.

 

 

 

 

Section IV - LE TRAVAIL

 

 

La société d’autrefois étant divisée en quatre classes : les lettrés, les agriculteurs, les artisans et les commerçants (sĩ, nông, công, thương), demandons-nous comment le travail était célébré dans chacune d’elles.

 

 

Chez les lettrés :

 

 

1 Il s’agit probablement d’un phare installé pour éclairer la circulation sur le Mékong.


 

 

Les lettrés n’étaient pas l’apanage exclusif d’un certain nombre de familles aristocratiques. Au contraire, tout agriculteur, tout artisan, tout commerçant un peu aisé ambitionnait pour ses enfants la gloire d’accéder à la première classe de la société. Aussi trouvons-nous dans la plupart des berceuses le conseil de se livrer à l’étude :

214. Con ơi muốn nên thân người Lắng tai nghe lấy những lời mẹ cha. Gái thời giữ việc trong nhà

Khi vào canh cửi, khi thêu thùa.

Trai thời đọc sách ngâm thơ, Dùi mài kinh sử để chờ kịp khoa Nữa mai nối được nghiệp nhà,

Trước là đẹp mặt sau là hiển thân.

Ô mes enfants, pour devenir de braves gens, Ecoutez ce que disent vos parents.

Les filles doivent s’occuper des travaux du ménage, Que le tissage et la couture occupent tout leur temps ! Quant aux garçons, ils doivent se livrer à l’étude,

Apprendre soigneusement les livres et se préparer à l’examen

Pour qu’un jour ils puissent soutenir la fortune familiale, Acquérir un bon renom et honorer leur parents.

 

 

Dans les fêtes de village, à l’occasion du Nouvel An, les compliments les plus chaleureux étaient adressés aux lettrés :

215. Mừng nay nho sĩ có tài

Bút nghiên dóng dả giùi mài nghiệp nho

Rõ ràng nên đứng học trò

Công danh hai chữ trời cho dần dần.

Tình cờ chiếm được bảng xuân Ấy là phú quí đầy sân quế hòe Một mai chân bước Cống nghè

Vinh qui bái tổ, ngựa xe đưa mình. Bốn phương nức tiếng vang lừng

Ngao du bể Thánh, vẫy vùng rừng Nho .

Quyền cao chức trọng trời cho,

Bõ công học tập bốn mùa chúc minh.


Vui đâu bằng hội đề danh,

Nghề đâu bằng nghiệp học hành là hơn.

Loués soient les lettrés de talent

Qui s’acharnent à suivre l’enseignement du Maître avec le pinceau et l’encrier !

Simples étudiants ils sont aujourd’hui,

Mais un jour viendra où le Ciel leur accordera haute situation et renommé.

Qu’ils puissent décrocher le tableau printanier 1

Et voilà qu’honneurs et richesses emplissent leur palais plantés de canneliers et de sophoras.2

Ils seront licenciés ou docteurs,

Et feront une rentrée triomphale au village, pour honorer leurs ancêtres, dans un superbe équipage.

Aux quatre coins du monde leur nom retentira

Sur l’océan du savoir, comme dans la forêt des lettres.

Les grands pouvoirs et la haute situation qu’ils recevront du Ciel Les dédommageront des efforts pénibles qu’ils se sont donnés pour étudier durant les quatres saisons de l’année.

A nulle autre pareille est la joie de réussir aux examens ; Incomparable est la profession des lettres !

 

 

Chez les agriculteurs :

 

 

Si les lettrés jouissaient d’une grande considération, l’agriculture était la principale occupation du peuple Vietnamien. Aussi, dans les fêtes de village, ne manquait-on jamais de lui adresser des compliments flatteurs :

216. Nay mừng những kẻ nông phu Cầu cho hòa cốc phong thu bình thời. Vốn xưa nông ở bực hai

Thuận hòa mưa gió nông thời lên trên.

Quí hồ nhiều lúa là tiên

Rõ ràng phú túc bình yên cả nhà.

Bốn mùa xuân hạ thu qua

Muốn cho tiền lúa đầy nhà hán sương.

 

 

1 tableau des lauréats

2 ces arbres faisaient l’ornement des maisons aristocratiques.


Bước qua hạ giá thu tàng

Thu thu tiễn hoạch giầu ngang Thạch Sùng.

Quý nhân cùng kẻ anh hùng, Rắp toan muốn hỏi nhà nông ê đề. Thực thà chân chỉ thú quê

Chuyên nghề nông nghiệp là nghề vinh quang.

Gặp thời là được thọ khang. Tam đa ngũ phúc rõ ràng trời cho. Gloire à vous, les paysans !

Que vos récoltes soient bonnes !

Vous occupez le second rang dans la société,

Mais que la pluie et le vent soient réguliers, et vous vous élèverez au premier rang

Avoir beaucoup de riz, c’est être heureux comme un immortel, Car le riz donne l’abondance et la sécurité dans le ménage. Que durant les quatre saisons de l’année

Vos greniers regorgent de paddy et d’argent !

Que se soit en été, que ce soit en automne,

Vous ne cessiez de vous enrichir à l’égal de Thạch Sùng 3

Les nobles gens, aussi bien que les héros,

Se feront un honneur de cultiver votre amitié. Réels et solides sont les plaisirs de la vie paysanne, Honorable est le métier d’agriculteur.

A vous, longévité !

Les trois abondances et les cinq bonheursvous sont dispensés par le Ciel.

 

 

À vrai dire, le travail agricole est très pénible :

217. Cầy đồng đương buổi đang trưa Mồ hôi thánh thót như mưa ruộng cầy. En labourant en plein midi,

La sueur coule comme de la pluie sur les rizières labourées.

 

 

mais il n’est pas sans charmes :

 

 

 

3 Un homme célèbre par ses fabuleuses richesses

1 Les trois abondances: bonheur, longévité et nombreuse descendance. Les 5 bonheurs: richesse,honneurs, longévité, santé, paix.


218. Rủ nhau đi cấy đi cầy

Bây giờ khó nhọc có ngày phong lưu.

Trên đồng cạn dưới đồng sâu, Chồng cầy vợ cấy, con trâu đi bừa. Allons aux travaux des champ !

Si nous nous fatiguons aujourd’hui, la fortune nous sourira demain.

Partout, dans les rizières sèches ou inondées,

L’homme laboure, la femme repique, tandis que le buffle est attelé au hersage.

 

 

et permet tous les espoirs :

219. Người ta đi cấy lấy công

Tôi nay đi cấy còn trông nhiều bề.

Trông trời trông đất trông mây

Trông mưa trông gió trông ngày trông đêm

Trông cho chân cứng đá mềm

Trời yên bể lặng mới yên tấm lòng.

Les autres font du repiquage pour recevoir un salaire, Mais je le fais en tablant sur mille conjectures :

Sur le ciel, sur le sol, sur les nuages, Sur la pluie, sur le vent, jour et nuit.

Puissent mes pieds se durcir et la pierre s’amolir !

Puissent le ciel et la mer être calmes pour mes inquiétudes !

 

 

220. Bao giờ cho đến tháng năm Thổi nồi cơm nếp vừa nằm vừa ăn. Bao giờ cho đến tháng mười

Thổi nồi cơm nếp vừa cười vừa ăn.

Bao giờ đồng ruộng thảnh thơi

Nằm trâu thổi sáo vui đời Thuấn Nghiêu.

Quand arrivera-t-il le cinquième mois

Pour que nous fassions cuire du riz gluant que nous mangerons, paresseusement étendus sur le lit ?

Quand arrivera-t-il le dixième mois ?

Pour que nous fassions cuire du riz gluant que nous mangerons en riant ?

Lorsqu’enfin les travaux des champs auront été achevés, Nous nous coucherons sur le dos du buffle en jouant de la flute,


comme à l’âge d’or des empereurs Thuấn et Nghiêu.

 

 

221. Ơn trời mưa nắng phải thì Nơi thì bừa cạn, nơi thì cầy sâu Công lênh chẳng quản lâu lâu

Ngày nay nước bạc, ngày sau cơm vàng

Xin ai đừng bỏ ruộng hoang

Bao nhiêu tấc đất, tấc vàng bấy nhiêu. Grâce au ciel, la pluie et le soleil sont réguliers Et ici on herse, là on laboure.

Qu’important nos peines et nos fatigues ?

Cette étendue d’eau blanche comme de l’argent donnera demain du riz d’or.

Que personne ne laisse ses rizières en friche :

Autant de pouces de terrain, et ce sont autant de pouces d’or.

 

 

A ceux qui seraient tentés de poursuivre la carrière glorieuse des lettrés, on donnait souvent ce conseil pratique :

222. Công danh đeo đuổi mà chi

Sao bằng chăm chỉ giữ nghề canh nông ?

A quoi bon poursuivre les honneurs ?

Mieux vaut nous consacrer activement à notre métier traditionnel :

l’agriculture.

 

 

Enfin la chanson suivante donne la description des travaux variés de l’agriculture selon les mois de l’année :

223. Tháng chạp là tháng trồng khoai Tháng giêng trồng đậu tháng hai trồng cà Tháng ba cầy vỡ ruộng ra

Tháng tư làm mạ, mưa sa đầy đồng

Ai ai cũng vợ cũng chồng

Chồng cầy vợ cấy trong lòng vui thay !

Tháng năm gặt hái đã xong

Nhờ trời một mẫu năm nong thóc đầy.

Năm nong đầy, em xay, em giã, Trấu ủ phân, cám bã nuôi heo.

Sang năm lúa tốt tiền nhiều


Em đem đóng thuế đóng sưu cho chồng

Đói no có thiếp có chàng

Còn hơn chung đỉnh giầu sang một mình.

Au douzième mois nous plantons des patates,

Au premier mois des haricots, et au second des aubergines.

Au troisième mois nous labourons la terre,

Au quatrième nous repiquons, alors que la pluie inonde les champs.

Dans toutes les familles, maris et femmes collaborent

Pour labourer et repiquer, avec quelle joie ! Au quinzième mois, la moisson étant faite,

Grâce au ciel, chaque mẫu 1 de rizière nous rapporte cinq grands vans pleins de paddy

Que je décortique et que je pile.

Les balles de paddy, je les entasse pour en faire du fumier;

avec le son, je nourris les porcs.

L’an prochain, espérons qu’avec une bonne récolte j’aurais beaucoup d’argent

Que j’emploierai à acquitter les impôts de mon mari.

Avec lui, que j’aie ou non à manger,

Je serai toujours plus heureuse que d’être riche toute seule.

 

 

Chez les artisans :

Il y avait peu d’artisans spécialisés dans le Vietnam d’autrefois :

Des menuisiers, des forgerons, des potiers, des maçons, etc. Encore ces métiers étaient-ils le plus souvent exercés par les agriculteurs eux-mêmes, dans les mois d’inaction laissés par les travaux des champs. Aussi ces métiers mineurs n’étaient-ils pas beaucoup chantés, sauf la sériciculture à cause de son caractère poétique. C’est un métier de luxe auquel seuls peuvent se consacrer certaines régions privilégiées du Nord-Vietnam, situées principalement dans la Moyenne Région. Là, le long du Sông Đuống, du Sông Cầu, du Sông Nhuệ, du Sông Thương, s’échelonnent des berges verdoyantes plantées de mûrier dont les feuilles constituent l’alimentation exclusive des vers-à-soie.

 

 

Les jeunes filles qui se consacrent à la sériciculture, métier lucratif, sont en général aisées, quelquefois riches, et n’ont pas besoin de s’exposer au soleil, à

 

 

1 le mẫu vaut un tiers d’hectare environ.


pour la plupart jolies. Il faut les voir allant en bande à la cueillette des feuilles de mûrier en chantant comme des pinsons :

224. Em đi hái dâu

Lá dâu xanh xanh

Nuôi tầm dệt áo dâng anh chờ ngày

Trúc mai có đó có đây

Có tay nguyệt lão buộc giây tơ hồng.

Je vais cueillir des feuilles de mûrier, Des feuilles de mûrier toutes vertes

Pour élever des vers-à-soie, tisser leur fil, et vous offrir une robe quand le grand jour (du mariage) viendra.

Nous sommes ensemble comme le bambou et l’abricotier, Et le Vieillard de la Lune a noué à nos pieds ses fils rouges.

 

 

Le vers-à–soie n’est pas éclos que notre Perrette pense déjà à la robe du marié ! Elle peut s’exposer à de durs déboires, car l’élevage des vers-à-soie est très délicat, et dépend étroitement du temps qu’il fait :

225. Lạy trời đừng chuyển gió Tây

Lứa tầm em đã đến ngày nhả tơ.

Plaise au Ciel de ne pas faire souffler le vent de l’Ouest : Ma couvée de vers-à-soie va donner du fil incessamment.

 

 

Et surtout, l’amant de son coeur va-t-il lui rester fidèle ? Ne va-t-il pas porter ailleurs son amour ? Elle se le demande anxieusement, tandis qu’elle donne à manger à ses vers-à-soie :

226. Một nong tầm là năm nong kén Một nong kén là chín nén tơ. Công em trăm đợi nghìn chờ

Mà anh rứt chỉ guồng tơ cho đành.

Un van de vers, c’est cinq vans de cocons, Et un van de cocons, c’est neuf nén 1 de soie. Combien de peine me suis-je donnée dans ce travail !

Auriez-vous le coeur d’arracher cette soie de mon rouet ?

 

 

 

 

1 le nén vaut 10 lạng, soit environ 370 grammes.


de son mari étudiant, par les nuits de pleine lune :

227. Sáng trăng giải chiếu hai hàng

Bên anh đọc sách, bên nàng quay tơ.

Au clair de lune, deux nattes sont étalées face à face ; D’un côté, il lit ses livres ; de l’autre elle file de la soie .

 

 

Chez les commerces :

 

 

Ils constituaient la dernière classe de la société, la moins estimée à cause de ses profits considérés comme illégitimes parce que ne provenant pas du travail mais seulement de l’astuce. À vrai dire, le petit commerce, celui qui s’exerçait de village à village, était entre les mains des femmes. Seuls étaient considérés comme de vrais commerçants les gros spéculateurs qui achetaient dans une province des marchandises à bas prix pour les revendre plus cher dans d’autres provinces.

 

 

Ces gros commerçants portaient leur profession aux nues :

228. Đạo nào bằng đạo đi buôn

Xuống biển lên nguồn, gạo chợ nước sông.

Aucune occupation ne vaut celle du commerce

Qui vous permet de vous aventurer de la mer à la forêt,

en mangeant du riz à tous les marchés et en buvant l’eau à tous les fleuves.

 

 

Mais le peuple, en général, en fait peu de cas :

229. Bìm bịp kêu nước lớn anh ơi Buôn bán không lời, chèo chống mỏi mê. Le coucal nous avertit que le flux est monté,

Hélas ! le commerce ne rapporte rien, et nous nous fatiguons à ramer pour rien.

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