- Avant - Propos
- Chapitre I: La Littérature Sous La Dynastie Des Lý
- Chapitre II: La Littérature Sous Les Dynasties Des Trần Et Hồ
- Chapitre III: La Littérature Sous Les Dynasties Des Lê Et Mạc.
- Chapitre V: De 1740 Au Début Du Xixè Siècle
- Chapitre VI: La Littérature Sous Les Nguyễn Dans Leur Dernière Période De Pleine Souveraineté.
- Chapitre VII: La Littérature De 1862 À 1913.
Nguyễn Gia Thiều
(1741 – 1798)
Il appartenait à une famille aristocratique. Son père était le marquis Dat Vu et sa mère la princesse Quỳnh Liên, fille du prince Trịnh Cương (1709-1729). Il était donc neveu de Trịnh Doanh (1740-1767), cousin de Trịnh Sâm (1767-1782), et oncle de Trịnh Khải (1783-1786).
Malgré ses illustres origines, Nguyễn Gia Thiều se désintéressait de la carrière mandarinale. Aussi bien assistait-il à la décadence irrémédiable de la dynastie de sa famille maternelle. A l’intérieur, des révoltes de paysans, des révolutions de palais, des rébellions militaires ébranlaient le régime jusque dans ses fondations. Et à l’extérieur, l’étoile des Tây Sơn allait se lever au Sud et pulvériser le royaume pourri du Nord dans une campagne foudroyante (1786).
Nommé commandant militaire de la province de Hưng Hóa et marquis de Ôn Như, il démissionna en 1783 devant le spectacle navrant de la décomposition du régime, et se retira dans sa résidence sise sur les bords du Grand Lac de Hanoi (alors appelée Thăng Long). Fermant ses yeux et ses oreilles aux évènements du monde, il passait son temps à composer des poèmes, à jouer de la guitare, à boire de l’alcool et à jouer aux échecs avec quelques amis intimes. Il prit même deux noms taoïstes : Tâm thi Viên Tử et Hi Tôn tử, et deux noms bouddhistes : Sưu Chân et Như Ý Thiên pour afficher son indifférence à légard des ambitions humaines et sa foi en la vanité du monde. A l’avènement des Tây Sơn, il eut le courage de refuser leurs offres de collaboration. Il mourut obscurement en 1798 ; sa vie fut l’illustration vivante de la théorie pessimiste qui forme le sujet de son chef d’œuvre Cung Oán ngâm Khúc (la complainte d’une femme du harem royal).
La Complainte d’une femme du harem royal offre avec la Complainte de la femme du guerrier beaucoup de points analogues :
1/. Quant à la forme :
- les deux poèmes sont construits sur le même rythme : une succession de strophes composées chacune de deux vers de sept mots suivis d’un couple de vers de 6 et 8 mots (song thất lục bát);
- longueur sensiblement égale : 412 vers pour le Chinh Phụ ngâm et 356 vers pour le Cung oán ngâm khúc.
2/. Quant au fond :
- les deux poèmes sont également des complaintes, des monologues plaintifs d’un seul personnage qui est la femme d’un guerrier dans le premier, et une femme du harem royal dans le second. Ce ne sont pas des romans comme le Hoa Tiên, Đoạn trường tân thanh, Lục Vân Tiên que nous verrons plus loin.
- les deux poèmes ont été plus ou moins inspirés à leurs auteurs par les évènements dont ils furent témoins : guerres continuelles d’une part ; de l’autre, le destin malheureux des innombrables femmes du harem royal ;
- enfin, on peut remarquer que les vedettes des deux poèmes appartiennent également à l’aristocratie, comme leurs auteurs d’ailleurs.
Toutefois, les sujets des deux poèmes sont complètement différents et, conséquemment, les buts poursuivis par les deux auteurs. Dans le Chinh phụ ngâm, le poète a voulu simplement exprimer les sentiments éprouvés par une jeune femme dont le mari est parti en guerre ; il n’a voulu soutenir aucune thèse, ni l’antimilitarisme (les tableaux de la guerre ont été en effet brossés sinistrement, mais héroïquement aussi, sans aucune pensée défaitiste), ni même le destin malheureux de la femme dans la société féodale comme pourraient le faire croire les deux premiers vers du poème :
Lorsque le vent et la poussière s’élèvent en tourbillons,
Combien infortunées sont les femmes aux joues roses.
La lecture du poème tout entier montre en effet que l’auteur n’a pas donné suite à cette thèse féministe, et qu’il a peint les misères de la guerre tant au côté du guerrier que de celui de sa femme restée à la maison.
Au contraire, le Cung oán ngâm khúc est manifestement un poème à thèse dans lequel l’auteur, un confucianiste décadent doublé d’un philosophie taoïste et d’un fidèle bouddhiste, a voulu démontrer :
- l’opposition entre le destin et le talent (symbolisé par la beauté féminine) ;
- la fatalité, qui fixe à chaque créature son destin inexorable, sans possibilité de s’y soustraire ;
- et la vanité des choses humaines .
Au fond, ces trois thèses ne sont que des aspects différents d’une même pensée : le procès de la société féodale :
- qui ne pouvait souffrir aucune personalité supérieure susceptible de porter ombrage à l’autorité absolue du souverain sur ses sujets, de l’homme sur la femme, du père de famille sur ses enfants ;
- qui voulait rester figée dans un cadre immuable depuis mille ans, où le moindre geste, la moindre pensée devait se conformer à la tradition transmise par les ancêtres ;
- qui, par conséquent, ne pouvait tolérer que deux attitudes chez les hommes et femmes supérieurs :
*ou la soumission au pouvoir établi (devenir mandarin et servir le pays, être bonne épouse, bon fils, etc : idéal confucianiste) ;
*ou la retraite dans une idéologie mystique qui put consoler des déboire du monde (pensée taoïste-bouddhique).
(Remarquons entre parenthèse que la vraie pensée bouddhique n’est pas ce pessimisme désenchanté que le commun peuple lui a attribué. Mais le marquis de Ôn Như lui-même n’a pas échappé à cette erreur général).
Dans ce cadre figé, il n’y avait donc pas de place pour les révoltés, les réformateurs, les gens épris de justice sociale et du respect de la personne morale considérée en tant qu’individu. Nguyễn Gia Thiều, quoique aristocrate et parce que aristocrate, n’a pas eu l’énergie de démolir cette société féodale qui condamnait, pour bâtir une autre fondée sur la justice et la liberté. Là fut son drame, et là fut aussi le drame de presque tous les écrivains de l’ancien temps, et particulièrement de Nguyễn Du avec son Đoạn trường tân thanh, notre chef d’œuvre national que nous aurons l’occasion d’étudier plus loin.
Comme nous l’avons fait pour le Chinh phụ ngâm, nous nous bornerons à donner du Cung oán ngâm khúc quelques extraits seulement, en regrettant de ne pouvoir citer en entier ce pur joyau de notre trésor littéraire .
Cuộc đời khổ sở
Kìa thế tục như in giấc mộng,
Máy huyền vi mở đóng khôn lường.
Vẻ chi ăn ướng sự thường,
Cũng còn tiền định khá thương, lọ là.
Đòi những kẻ thiên ma bách chiết,
Hình thì còn, bụng chết đòi nau.
Thảo nào khi mới chôn nhau,
Đã mang tiếng khóc bưng đầu mà ra.
Khóc vì nỗi thiết tha sự thế,
Ai bầy trò bãi bể nương dâu ?
Trắng răng đến thủa bạc đầu,
Tử sinh kinh cụ làm nau mấy lần ?
Cuộc thành bại hầu cằn mái tóc,
Lớp cùng thông như đúc buồng gan.
Bệnh trần đòi đoạn tâm can,
Lửa cơ đốt ruột dao hàn cắt da.
Gót danh lợi bùn pha sắc xám,
Mặt phong trần nắng rám múi nâu.
Nghĩ thân phù thế mà đau,
Bọt trong bể khổ, bèo đầu bến mê.
Mùi tục lụy lưỡi tê tân khổ,
Đường thế đồ gót rỗ kỳ khu.
Sóng cồn cửa bể nhấp nhô,
Chiếc thuyền bào ảnh lô xô mặt ghềnh.
Trẻ tạo hóa đành hanh quá ngán,
Đắm đuối người trên cạn mà chơi !
Lò cừ nung nấu sự đời,
Bức tranh vân cẩu vẽ người tang thương.
Đền vũ tạ nhện giăng cửa mốc,
Thú ca lâu dế khóc canh dài.
Đất bằng bỗng rấp chông gai,
Ai đem nhân ảnh nhuốm mùi tang thương.
Mùi phú quí nhử làng xa mã,
Bả vinh hoa lừa gã công khanh.
Giấc Nam Kha khéo bất bình,
Bừng con mắt dậy, thấy mình tay không.
Sân đào lý mưa lồng man mác,
Nền đỉnh chung nguyệt gác mơ màng.
Cánh buồm bể hoạn mênh mông,
Cái phong ba khéo cợt phường lợi danh.
Quyền họa phúc trời tranh mất cả
Chút tiện nghi chẳng trả phần ai.
Cái quay búng sẵn trên trời,
Mờ mờ nhân ảnh như người đi đêm.
Hình mộc thạch vàng kim Ố cổ,
Sắc cầm ngư ủ vũ e phong.
Tiêu điều nhân sự đã xong,
Sơn hà cũng ảo, côn trùng cũng hư.
Cầu Thệ Thủy ngồi trơ cổ độ,
Quán Thu Phong đứng rũ tà huy.
Phong trần cả đến sơn khê,
Tang thương đến cả hoa kia cỏ này.
Tuồng huyễn hóa đã bầy ra đấy,
Kiếp phù sinh trông thấy mà đau !
Trăm năm còn có gì đâu,
Chẳng qua một nấm cỏ khâu xanh rì !
Mùi tục lụy dường kia cay đắng,
Vui chi mà đeo đẳng trần duyên ?
Cái gương nhân sự triền triền,
Liệu thân này với cơ thiền phải nao.
Thà mượn thú tiêu dao cửa Phật,
Mối thất tình quyết dứt cho xong.
Đa mang chi nữa đèo bóng,
Vui gì thế sự mà mong nhân tình.
Lấy gió mát trăng thanh kết nghĩa,
Mượn hoa đàm đuốc tuệ làm duyên.
Thoát trần một gót thiên nhiên,
Cái thân ngoại vật là tiên trên đời.
La vie n’est que douleur.
La vie est pareille à un rêve ;
Imprévisibles sont les ressorts qui la dirigent.
Même les faits les plus insignifiants comme le manger et le boire
Sont fixés par un destin inexorable, hélas !
Combien de gens que les épreuves ont brisés
N’ont plus que le corps, l’esprit ayant été anéanti !
Quoi de plus naturel dès lors
Que nous pleurions en naissant à la vie !
Nous pleurons parce qu’au cours de l’existence,
Combien de fois les champs de mûrier se transforment en océan,
Parce que de l’enfance à la veillesse,
Mort, naissance, frayeurs, inquiétudes nous brisent tant de fois le cœur !
La poursuite du succès rend clairsemés nos cheveux,
La chance et la malchance irritent notre foie.
Et pendant que les maladies ravagent notre corps,
Le feu de la faim brule notre estomac, le couteau du froid coupe notre peau.
Sur le chemin des honneurs nos souliers se salissent de boue grise,
Et notre visage se tanne, exposé au vent et à la poussière de l’aventure.
Quelle misère que cette existence éphémère
Pareille à une écume flottant sur la mer des douleurs, à une lentille d’eau égarée dans l’océan des illusions.
Notre langue se paralyse à gouter les aventures de l’existence,
Et notre talon se fatigue à marcher sur la route rocailleuse de la vie.
Voyez-vous sur la mer orageuse plonger et remonter
Cette barque d’illusions ? Elle est notre propre image.
Le Créateur est infiniment cruel
Qui nous noie sur la terre ferme pour s’amuser.
Le four de l’univers pétrit notre destin,
Et le tableau des nuages en forme de chien représente les vicissitudes humaines.
Au Palais de danse, des toiles d’araignée couvrent ses portes vermoulues,
Au Salon du chant, le grillon pleure durant les longues veilles de la nuit.
Sur la route unie où soudain ont surgi des épines,
La silhouette incertaine de l’homme désemparé se profile dans la lumière crépusculaire.
Le fumet des honneurs et des richesses attire les gens de la haute société,
L’appât de la gloire abuse ceux de l’aristocratie.
Mais après s’être réveillés de leur rêve Nam Kha1,
Ils s’apperçoivent, déçus, qu’ils sont restés les mains vides comme auparavant.
Sur la cour plantée de pêchers et d’abricotiers1, la pluie tombe lugublement,
Et la lune s’égare sur l’ancien palais déserté des grands de ce monde.
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1 La légende raconte qu’un homme vivant sous la dynastie des Đường s’est endormi au pied d’un séné. Il rêva qu’il fut recu premier docteur, épousa la fille du roi, et devint premier ministre. Après quelques années de suprême bonheur, il fut vaincu dans une bataille contre l’ennemi, perdit sa charge, perdit sa femme, et voulut se suicider. Il se réveilla juste à ce moment, et vit sur la branche sud (nam kha) du séné une fourmière.
2 Les pêchers et les abricotiers étaient en général plantés comme ornement dans les maisons des grands mandarins.
La carrière mandarinale est une mer immense
Où, frêle voilier, l’ambitieux est balloté par les orages des honneurs.
Ils s’apperçoivent, déçus, qu’ils sont restés les mains vides comme auparavant.
Sur la cour plantée de pêchers et d’abricotiers, la pluie tombe lugublement,
Et la lune s’égare sur l’ancien palais déserté des grands de ce monde.
La carrière mandarinale est une mer immense
Où, frêle voilier, l’ambitieux est balloté par les orages des honneurs.
Le Ciel s’est réservé le pouvoir de distribuer bonheur et malheur
Sans en rien laisser aux hommes.
Tandis que la toupie céleste 1 tourne sans répit,
La silhouette humaine cherche aveuglement son chemin dans la nuit profonde.
Le temps détériore jusqu’aux végétaux et minéraux
Sans en excepter les oiseaux et les poissons, que menacent pluie et vent.
L’homme n’est pas la seule créature qui soit vaine ;
Illusoire sont les monts et fleuves, aussi bien que les infimes insectes.
Le vieux débarcadère tombe en ruines près du pont de “l’eau courante”,
Et l’auberge du “Vent d’automne” se penche lugublement sous la lumière crépusculaire
La loi des vicissitudes s’applique à la nature entière :
Aux monts et aux ruisseaux, aux fleurs et aux herbes.
Le drame des illusions est là, exposé à notre vue.
Combien à plaindre est notre vie éphémère !
Après cent ans, que restera-t-il de nous ?
Une tombe où verdoie l’herbe, et rien de plus !
Amer est le goût des affections du monde ;
Quelle joie pouvons-nous y trouver pour nous y attacher ?
Le miroir des vicissitudes humaines n’est-il pas lumineux
Pour nous inciter à revenir à l’enseignement bouddhique ?
1 La toupie céleste représente la roue du destin.
Plaisons-nous à flâner sous la porte de Bouddha,
Et arrachons de notre cœur les sept sentiments qui l’agitent.
Pourquoi nous attacher encore à des liens douloureux ?
Pourquoi nous cramponner aux joies vaines de l’existence ?
Lions plutôt amitié avec le vent frais et la lune claire,
Et prenons les fleurs et les torches de la pagode pour nous aider à chercher le salut.
Alors, nous serons délivrés de la condition humaine.
Bienheureux sont ceux qui échappent au cycle de la vie et de la mort !
Được sủng ái
Ý cũng rắp ra ngoài đào chú,
Quyết lộn vòng phu phụ cho cam.
Ai ngờ trời chẳng cho làm,
Quyết đem dây thắm mà giam bông đào.
Hẳn túc trái làm sao đây tá ?
Hay tiền nhân hậu quả xưa kia ?
Hay thiên cung có điều gì ?
Xuống trần mà trả nợ đi cho rồi.
Kìa điểu thú là loài vạn vật,
Dẫu vô tri cũng bắt đèo bòng.
Có âm dương, có vợ chồng,
Dẫu từ thiên địa cũng vòng phu thê.
Đường tác hợp trời kia giong ruổi,
Lọt làm sao cho khỏi nhân tình.
Thôi thôi, ngoảnh mặt làm thinh,
Thử xem con tạo gieo mình nơi nao.
Tay Nguyệt lão khờ sao có một,
Bỗng tơ tình vướng gót cung phi.
Cái đêm hôm ấy đêm gì ?
Bóng dương lồng bóng trà mi trập trùng.
Khoa thược dược mơ mòng thúy vũ
Đóa hải đường thức ngủ xuân tiêu.
Cành xuân hoa chúm chím chào,
Gió đông thôi đã cợt đào ghẹo mai.
Xiêm nghê nọ tả tơi trước gió,
Ao vũ kia lấp ló trong trăng.
Sanh ca mấy khúc vang lừng,
Cái thân Tây Tử lên chừng điện Tô.
Đệm hồn thúy thơm tho mùi xạ,
Bóng bội hoàn lấp ló trăng thanh.
Mây mưa mấy giọt chung tình,
Đình trầm hương khóa một cành mẫu đơn.
Tiếng thánh thót cung đàn thúy địch ,
Giọng nỉ non ngọn địch đan trì.
Càng đàn, càng địch , càng mê,
Càng gay gắt điệu, càng tê tái lòng.
Mày ngài lẩn mặt rồng lồ lộ,
Sắp song song đôi lứa nhân duyên.
Hoa thơm muôn đội ơn trên,
Cam công mang tiếng thuyền quyên với đời.
Trên chín bệ mặt trời gang tấc,
Chữ xuân riêng sớm trực trưa chầu.
Phải duyên hương lửa cùng nhau,
Xe dê lọ rắc lá dâu mới vào.
Khi ấp mận ôm đào gác nguyệt,
Lúc cười sương cợt tuyết đền phong
Đóa lê ngon mắt cửu trùng,
Tuy mày điểm nhạt nhưng lòng cũng xiêu.
Vẻ vưu vật trăm chiều chải chuốt,
Lòng quân vương chi chút trên tay.
Má hồng không thuốc mà say,
Nước kia muốn đổ, thành này muốn long.
En faveur
J’étais donc résolue à rester en dehors de la forge du Destin
Et à fuir les chaînes du mariage.
Mais le Ciel ne le permettait pas,
Et voulait entortiller la fleur de pêcher dans des fils rouges .1
Probablement me restait-il à payer une dette d’une existence antérieure,
A subir la loi des enchaînements du passé au présent ?
Ou aurais-je commis quelque tort dans le Céleste Palais
Pour en recevoir le châtiment sur terre ?
Les animaux et les oiseaux même, quoique non doués d’intelligence,
Sont obligés de s’accoupler deux à deux.
Le principle Mâle doit s’unir au principe Femelle,
Telle est la loi de la Nature.
Et puisque le Ciel a voulu que je subisse sa loi,
Comment pourrais-je m’y soustraire ?
Allons, détournons la face et taisons-nous
Pour voir où le Ciel veut bien me jeter.
Ce vieillard de la Lune 2 est vraiment stupide
D’enchaîner avec ses fils rouges mes pieds au Palais royal.
Oh ! cette nuit-là, quelle nuit
Où l’ombre du soleil 1 à l’ombre du camélia intimement s’enlaça !
Le dalhia se pâma sous la pluie bienfaisante,
Le sorbier se réveilla dans la nuit printanière ;
Sur le pêcher et l’abricotier les fleurs s’épanouirent en souriant
Au vent de l’Est qui les caressa et les taquina.
Mes vêtements s’éparpillèrent en désordre au souffle du vent,
Et ma robe de plumes apparut à demi sous la lumière de la lune.
Pendant que la musique égrenait ses notes délicieuses,
Le corps de Tây Tử monta au palais de Tô 2.
Combien sentait bon le matelas de fin duvet !
Et comme brillaient au clair de lune les parures de diamant !
Quelques gouttes d’amour en pluie fine tombèrent,
Et la Tour parfumée enferma dans son enceinte une branche de pivoine.
Délicatement la guitare résonnait dans la salle,
Et plaintivement la flute gémissait sur le perron.
De plus en plus la guitare et la flute élevèrent leurs voix,
Et de plus en plus je chavirai dans mon ivresse.
Mes sourcils de ver-à-soie affrontèrent le visage du Dragon 3
Epoux, nous étions devenus deux époux !
Grâces soient rendues à la faveur royale qui a daigné remarquer une fleur parfumée !
Je n’aurai pas à me plaindre d’être une belle femme au monde .
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1 Le Soleil désigne le roi
2 Tây Thi (Xi Shi 西施), favorite du roi Ngô Phù Sai (Wu Fu Cha 吳夫差) , qui fit bâtir pour elle le célèbre palais de Cô Tô (Gu Su 姑蘇).
3 Le Dragon est l’emblème du roi.
Sur son trône à neuf estrades, le visage du Soleil m’est devenu familier,
Que je pouvais contempler matin et soir.
L’encens et le feu nous ayant unis dans l’amour conjugal,
Point n’était besoin que je jetasse des feuilles de mûrier 1 devant ma porte pour y attirer son char.
Des fois il m’embrassait sur l’étage réservé à la contemplation de la lune,
Des fois nous nous souriions dans le palais planté de platanes.
Comme une fleur de poirier qui plaisait à ses yeux,
J’accaparais son cœur même lorsque je négligeais de peindre mes sourcils.
Il me considérait comme un trésor inestimable
Qu’il entourait de mille soins.
Mes joues roses n’avaient pas besoin d’alcool pour l’enivrer,
Et mon sourire reverserait son empire et ébranlerait ses citadelles si je le voulais !
Bị ruồng bỏ
Trong cung quế âm thầm chiếc bóng,
Đêm năm canh trông ngóng lần lần.
Khoảnh làm chi, bấy chúa xuân !
Chơi hoa cho rữa nhụy dần lại thôi.
Lầu đãi nguyệt đứng ngồi dạ vũ
Gác thừa lương thức ngủ thu phong.
Phòng tiêu lạnh ngắt như đồng,
Gương loan bẻ nửa, giải đồng xẻ đôi.
Chiều ủ dột giấc mai trưa sớm,
Vẻ bâng khuâng hồn bướm vẩn vơ.
Thâm khuê vắng ngắt như tờ,
Cửa châu gió lọt, rèm ngà sương gieo.
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1 Un souverain de Chine avait d’innombrables concubines et ne savait, chaque soir, aller chez laquelle. Il amiginait alors de se laisser trainer dans un char tiré par un bouc. Là où le char s’arrêterait, il entrerait. Les concubines royales répandaient alors des feuilles de mûrier devant la porte de leur appartements pour y attirer le bouc.
Ngấn phượng liễn chòm rêu lỗ chỗ,
Dấu dương xa đám cỏ quanh co.
Lầu Tần chiều nhạt vẻ thu,
Gối loan tuyết đóng, chăn cù gió đông.
Ngày sáu khắc tin mong nhạn vắng,
Đêm năm canh tiếng lắng chuông rền.
Lạnh lùng thay giấc cô miên,
Mùi hương tịch mịch, bóng đèn thâm u.
Délaissée !
Dans mon palais je suis seule avec mon ombre,
Attendant vainement qu’il vienne, durant les cinq veilles de la nuit.
O Seigneur du printemps 1, combien cruel es-tu
De délaisser la fleur après en avoir épuisé le pistil !
Sur la tour où avec lui j’attendais le lever de la lune, je n’arrive pas à rester un moment tranquille, pendant que tombe la pluie du soir ;
Dans l’étage où avec lui je goutais la fraicheur, impossible de m’endormir pendant que souffle le vent d’automne.
Ma chambre est glaciale comme du cuivre.
Hélas ! le miroir de notre hymen 2 est brisé, de même que la
ceinture de notre affection 1 est coupée en deux.
Que je me réveille tôt ou tard, le visage défait,
Mon âme de papillon ne cesse de vagabonder anxieusement.
Dans la solitude de ma chambre, silencieuse comme une tombe,
Seuls se font entendre le vent qui pénètre sous la porte incrustée de perles, et la rosée qui tombe sur les stores d’ivoire.
Les traces de son char sont déjà recouvertes de mousse par endroits,
Et se perdent dans les touffes de gazon.
Tout le palais semble se vêtir de la mélancolie des soirs d’automne,
Mon oreiller se couvrir de neige, et ma couverture se glacer à l’approche de l’hiver.
Durant les six heures du jour j’attends vainement une oie qui vienne m’apporter une lettre de lui,
Et je passe les cinq veilles de la nuit à compter les sons de cloche du palais.
Combien glacial est mon sommeil solitaire
Dans le parfum fade de l’encens, et sous la lumière blafarde d’une veilleuse !
1 Fils rouges : lien du mariage.
2 La légende raconte que Vi Cố, sous la dynastie des Đường, aperçut une nuit un vieillard assis au clair de lune, occupé à trier des fils de soie rouge. Il l’interrogea, et apprit que c’était le Génie du mariage, et que les fils rouges étaient destinés à être noués aux pieds des futurs conjoints.
1 Seigneur du printemps : le roi.
2 Une princesse royale et son époux, devant l’invasion imminente de leur pays par l’ennemi, cassèrent un miroir dont chacun garda un morceau, en se promettant, s’ils devaient être séparés par les troubles, de chercher à se réunir grâce à signe de ralliement. La princesse fut en effet quelques jours plutard enlevée par un haut dignitaire de la nouvelle dynastie, tandis que son époux, blessé au cours d’une bataille, se cacha dans une lointaine retraite.
Un an après, le prince, déguisé en paysan, revint à la Capitale et apprit des nouvelles de sa femme. Il alla au marché et mit en vente son miroir brisé au prix de cent taels d’or. Stupéfaction hilarante des commerçants qui ne comprenaient rien à cette folie. Vint à passer une servante dévouée de la princesse, avec mission de rechercher partout le miroir cassé. Elle produisit son propre morceau de miroir : les deux morceaux s’accolèrent parfaitement. Alors le prince fut amené par la servante devant la princesse qui pleura abondamment en le revoyant, et décida de se tuer avec lui. Devant cette histoire d’amour touchante, le haut dignitaire s’émut et donna la liberté à la princesse.
1 L’empereur Tuỳ Dạng Đế avait l’habitude d’offrir une ceinture de soie dite ceinture de l’union des cœurs (giải đồng tâm) aux concubines qui lui plai-saient.