Le Vietnamien, très perspicace, s’observe, observe les autres et les lois
qui régissent la vie sociale, le tout à travers une optique effroyablement clairvoyante, réaliste jusqu’à devenir matérialiste. Il est à remarquer que la plupart de ces observations psychologiques renferment implicitement un précepte de morale utilitaire. Par exemple le proverbe suivant qui met les gens en garde contre la vanité :
Được tiếng khen
Ho hen chẳng còn
À vouloir gagner des éloges
On perd son souffle.
peut être considéré comme une observation aussi bien qu’un conseil.
Cela étant entendu, la principale difficulté qu’on rencontre dans l’étude des observations psychologiques est leur nombre immense et leur contenu infiniment varié qui touche à tous les sujets. Après réflexion, nous avons adopté la classification suivante, qui n’est certainement pas la meilleure, mais qui a au moins le mérite d’être assez claire :
1. le coeur humain
2. les rapports entre les membres de la société
3. les travers des hommes
4. les lois qui régissent la vie sociale.
Section I . Du coeur humain
Vivant dans un milieu très simple, dont les essentielles préoccupations sont les travaux agricoles, la paix dans la famille et dans le hameau, l’homme du peuple ne peut pas être un psychologue bien subtil. Il est pourtant doué d’un solide bon sens, qui lui fait découvrir les grandes lois du coeur humain.
Il est d’abord convaincu que la raison fonctionne pareillement chez tous les hommes, et que ce qui plaît ou déplaît aux uns doit aussi plaire ou déplaire aux autres :
118. Suy bụng ta ra bụng người
De ce que nous pensons, nous pouvons déduire ce que les autres pensent.
119. Bụng trâu làm sao, bụng bò làm vậy
Comment est le ventre du buffle, celui du boeuf l’est aussi.
Il sait encore que les fugements qu’on forme sont souvent entachés de subjectivité :
120. Yêu nên tốt, ghét nên xấu
On trouve beau ce qu’on aime, et laid ce qu’on déteste.
qu’il est vain de vouloir satisfaire tout le monde :
121. Ai uốn câu cho vừa miệng cá
Qui saurait courber l’hameçon à la mesure de la bouche du poisson ?
que le coeur est souvent inconstant :
122. Có mới nới cũ
En possession d’un objet neuf, on néglige l’ancien.
123. Yêu nhau lắm, cắn nhau đau
Plus on s’aime, et plus douloureusement on se déchirera.
124. Đứng núi này trông núi nọ
Etant sur une montagne, on regarde vers une autre.
125. Được voi đòi tiên
Qui a l’éléphant convoite l’immortelle.
que le malheur rend compatissant :
126. Ăn nhạt mới biết thương mèo
À faire maigre, on apprend à avoir pitié des chats.
(Ces animaux, qui sont friands de poisson, sont souvent exclusivement nourris de riz)
qu’enfin la nécessité contraint les hommes à faire des choses que leur coeur désapprouve :
127. Đói đầu gối phải bò
Quand le ventre est vide, les genoux doivent ramper.
Section II. Des rapports sociaux a) Entre parents et enfants
On sait que pour les Vietnamiens, dont la religion principale est le culte des ancêtres, avoir des enfants est un devoir que seuls les bonzes osent enfreindre :
Bất hiếu hữu tam, vô hậu vi đại
Des trois crimes d’impiété filiale, le plus grave est celui de mourir sans postérité.
Quelles peuvent bien être les raisons de cette préoccupation ? Eco- nomiques, pour ne pas laisser le domaime familial en friches ? Politiques, pour rendre la nation puissante avec une nombreuse population ? Religieuses, pour que les âmes des morts n’errent pas désemparées dans le Royaume des Ombres ? Quoi qu’il en soit, ce n’est pas au Vietnam d’hier ni même d’au- jourd’hui que la pratique du contrôle des naissances sera accueillie :
128. Có con tội sống
Không con tội chết
Avoir des enfants, c’est le martyre pendant la vie
(à cause des soucis qu’ils occasionnent)
Mais n’avoir pas d’enfant, c’est le supplice après la mort. (car on n’aura personne pour entretenir son culte)
129. Trẻ cậy cha
Già cậy con
Jeune, on s’appuie sur son père ; Vieux, on est soutenu par ses enfants.
130. Tre già măng mọc
Quand le bambou vieillit, les jeunes pousses apparaissent.
Les parents Vietnamiens, on l’a vu, ne témoignaient pas à leurs enfants cette tendresse excessive qu’ont pour les leurs les Occidentaux, et qui tend d’ailleurs à entrer dans nos mœurs modernes, mais leur amour paternel et maternel n’en était pas moins solide :
131. Con vua vua dấu
Con chúa chúa yêu
Le roi chérit ses enfants, Le prince les siens.
132. Con đầu cháu sớm
Le premier enfant et le premier petit-enfant.
(sont les favoris des parents et des grands-parents)
133. Nước mắt chẩy suôi
Les larmes coulent vers le bas.
(L’affection va des parents aux enfants, mais rarement des enfants aux parents)
134. Hùm dữ chẳng nỡ ăn thịt con
Même le tigre féroce ne dévore pas ses petits.
(Même si l’enfant commet une grande faute, les parents n’ont pas le coeur de le punir)
135. Chết cha ăn cơm với cá
Chết mẹ lá liếm đầu đường
L’orphelin de père peut encore manger du riz avec du poisson
Mais l’orphelin de mère est réduit à lécher des feuilles au bord du chemin. (La tendresse maternelle est plus grande que la tendresse paternelle)
surtout à l’égard des garçons qui seuls peuvent assurer le culte des ancêtres :
136. Một trai là có
Mười gái là không
Avoir un fils, c’est avoir une descendance
Qui serait même avec dix filles.
De leur côté, les enfants entouraient généralement de soins pieux leurs vieux parents, même et surtout si ceux-ci étaient pauvres :
137. Con không chê cha mẹ khó
Chó không chê chủ nhà nghèo
Les enfants ne se plaignent pas d’avoir des parents nécessiteux
Comme les chiens ne se plaignent pas d’appartenir à des maîtres pauvres.
L’observateur perspicace notait cependant que la piété filiale était loin d’égaler la tendresse paternelle, ce qui n’était après tout qu’une loi du coeur humain :
138. Cha mẹ nuôi con bằng trời bằng bể
Con nuôi cha mẹ con kể từng ngày
Immenses comme le ciel et la mer sont les soins donnés par les parents à leurs enfants,
Mais ceux-ci comptent par jour ceux qu’ils donnent à leurs parents.
b) Entre mari et femme
Bien qu’en général décidés par les parents et non par les intéressés eux- mêmes, les mariages vietnamiens ne laissaient pas de se révéler heureux pour la plupart. L’amour n’en était pas forcément absent, et à son défaut, l’estime réciproque et le sentiment du devoir en formaient une base autrement plus solide :
139. Thuận vợ thuận chồng
Tát bể đông cũng cạn Quand l’accord règne entre époux L’océan même peut être vidé aisément.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas d’unions malheureuses dont nous percevons les échos attristés dans les soupirs suivants :
140. Cơm chẳng lành
Canh chẳng ngọt
Dans un ménage en discorde Le riz ne parait jamais bien cuit Ni le potage bien assaisonné.
141. Thứ nhất vợ dại trong nhà
Thứ hai nhà dột, thứ ba nợ đòi.
Le premier ennui est d’être marié à une femme sotte,
Le second est d’habiter une maison dont le toit laisse suinter l’eau de pluie
Le troisième est d’être poursuivi pour dette.
142. Chồng ăn chả
Vợ ăn nem
Tandis que le mari mange du pâté
La femme s’offre du hachis de viande.
Nous exposerons plus tard la position de la femme dans la société vietnamienne quand nous aurons pris connaissance des chansons et des contes. Pour le moment, contentons-nous de constater que cette position était très consolidée par la naissance d’enfants :
143. Gái có con
Như bồ hòn có rễ
La femme qui a des enfants
Est comme le savonnier qui a pris racine.
et que les maris rendaient volontiers justice à leur épouses :
144. Vắng đàn bà
Gà bới bếp
Quand la ménagère n’est pas là
Les poules farfouillent dans la cuisine.
145. Vắng trẻ quạnh nhà
Vắng đàn bà quạnh bếp
Sans enfants, la maison est triste
Sans ménagère, la cuisine est déserte.
c) Entre les membres de la grande famille
plutôt qu’à en reconnaître le bon. Aussi ne faut-il pas attacher trop d’im- portance aux frictions qui existaient certainement dans la famille viet- namienne, mais qui n’y étaient pas plus fréquentes ni plus graves que dans n’importe quelle autre société.
C’était d’abord l’égoïsme qui détournait les riches de leurs frères ou cousins pauvres :
146. Anh em ai đầy nồi nấy
À chacun des frères sa marmite de riz
147. Giầu là họ
Khó người dưng
Sont de la famille les riches
Sont des étrangers les indigents.
C’était aussi l’antipathie entre belles-soeurs, antipathie qui s’expliquait par la cohabitation de plusieurs ménages sous le même toit, et qui a disparu avec les nouvelles mœurs obligeant le garçon qui se marie à fonder un foyer à part :
148. Giặc nhà Ngô Không bằng bà cô bên chồng Les pirates chinois
Sont moins redoutables que les soeurs du mari.
d) Entre patrons et employés
Nous aurions aussi voulu pouvoir dire que les proverbes relatifs aux rapports entre patrons et employés étaient dictés par la malice plus que par une impartiale observation. Mais, à notre grand regret, nous sommes obligé de reconnaître que si les serviteurs de la maison, les domestiques, servaient leurs patrons avec dévouement et affection, il n’en était pas de même des employés engagés pour un travail particulier, la construction d’une maison ou la moisson d’une récolte, par exemple. Alors que les premiers se considéraient et étaient considérés comme faisant partie de la famille de leurs patrons qu’ils servaient parfois durant toute leur vie, les seconds ne cherchaient qu’à tricher le plus ingénieusement possible dans un marché où ils se croyaient exploités.
surveiller, d’où ces proverbes sévères :
149. Cơm nhà chúa
Múa tối ngày
Tout en mangeant du riz de leur patron, Les employés dansent nuit et jour.
150. Vắng chúa nhà
Gà vọc niêu tôm
Quand le maître est absent
Les poules farfouillent dans la marmite aux crevettes.
Section III. Les travers des hommes
Le Vietnamien est volontiers moqueur. Historiquement, on pourrait interpréter cette tendance comme l’arme des opprimés, car l’homme du peuple de chez nous n’a cessé d’être opprimé, soit administrativement par les man- darins, sans compter les gouverneurs chinois et français, soit économi- quement par les propriétaires et les usuriers. Les chansons et les contes que le lecteur trouvera plus loin illustreront en abondance cette particularité de l’esprit vietnamien.
Dans le domaine des proverbes, les travers humains font aussi l’objet de railleries innombrables. Pour en clarifier l’exposé, nous allons les classer en deux catégories :
Les travers qui proviennent surtout de la sottise : vanité, vantardise, pré- somption, snobisme, la besace et enfin la paresse ; ceux, plus graves, qui dérivent de la méchanceté: hypocrisie, cynisme, médisance, égoïsme et ingratitude.
a) La sottise et ses différents aspects
La sottise est le défaut que le paysan vietnamien, émule du paysan du
Danube, raille le plus volontiers.
Voici d’abord quelques portraits du sot :
Il ne sait même pas écraser un grain de riz entre ses dents.
152. Đơm đó ngọn tre
Il pose ses nasses au sommet des bambous.
153. Bịt mắt bắt chim
Il veut attraper des oiseaux en ayant les yeux bandés.
154. Khôn nhà dại chợ
Sage à la maison, sot au marché.
Le vaniteux :
155. Con nhà lính Tính nhà quan Fils de soldat
Il se conduit comme un fils de mandarin.
156. Húng mọc tía tô cũng mọc
À voir la menthe pousser, la mélisse veut aussi pousser.
(La menthe est une plante très estimée, alors que la mélisse est sans valeur)
Le vantard :
157. Nói ba voi không được bát nước sáo
Il promet trois éléphants, desquels on n’obtiendra même pas un bol de bouillon.
158. Nói một tấc đến giời
Ses vantardises vont à un pouce du ciel.
159. Trong đom đóm, ngoài bó đuốc Dedans, c’est la pâle lueur d’un ver luisant, Dehors, c’est la brillante clarté d’une torche.
Le présomptueux :
160. Đánh trống qua cửa nhà sấm
161. Múa rìu qua mắt thợ
Il se permet de brandir le rabot devant le maitre menuisier.
2 Đũa mốc chòi mâm son
Voyez-vous ces baguettes de mauvais bois qui se hissent sur un plateau de bois laqué ?
163. Ăn mày đòi sôi gấc
Mendiant, il réclame du riz gluant cuit au momordica !
Le snob :
164. Bụt nhà không thiêng lại đi cầu Thích Ca ngoài đường On dédaigne le Bouddha de chez soi pour aller adorer le Bouddha de la rue.
165. Gánh vàng đi đổ sông Ngô
Jeté de l’or dans les fleuves de Chine.
Celui qui ne voit que les défauts des autres :
166. Chân mình thì lấm mê mê
Đi cầm bó đuốc mà rê chân người.
Les pieds tout crottés,
Il ose aller inspecter ceux des autres avec une torche.
167. Chó chê mèo lắm lông
Le chien critique le chat pour ses nombreux poils.
(alors que tous les deux sont affligés d’un pelage surabondant)
168. Việc người thì sáng
Việc nhà thì quáng
Tel qui est claivoyant sur les affaires d’autrui
Est souvent aveugle quant à ses propres affaires.
Le paresseux :
Il ne peut donc souffir les paresseux qui vivent à la remorque des autres. Voici comment il les fustige :
169. Há miệng chờ sung
Il ouvre la bouche et attend que les figues y tombent d’elles mêmes.
170. Ăn như thuyền chở mã
Làm như ả chơi trăng
Quand il mange, c’est comme une jonque chargée de papier votif
(en très grand quantité, à cause de sa légèreté)
Mais quand il s’agit de travailler, c’est comme une demoiselle qui s’en va promener au clair de lune.
(c’est-à-dire indolemment)
171. Người giầu tham việc
Thất nghiệp tham ăn
Le riche pense à bien travailler
Le fainéant ne songe qu’à bien manger. b) La méchanceté et ses différents aspects L’hypocrite et le cynique :
Si le lettré apprécie les belles phrases savamment tournées, l’homme du peuple, plus franc, les prend en horreur. Et l’hypocrite est durement traité par lui :
172. Miệng thơn thớt
Dạ ớt ngâm
Bouche doucereuse
Mais coeur méchant comme macéré de piment.
173. Thương miệng thương môi
Thương miếng sôi miếng thịt
Ses condoléances ne partent que de sa bouche et de ses lèvres, C’est pour le morceau de riz gluant et de viande qu’il les prononce.
En sens inverse, le cynisme n’a pas non plus l’heur de lui plaire. Autant il déteste la fausse vertu, autant il se méfie des gens qui offensent la vertu outrageusement :
174. Cố đấm ăn sôi
Il tend son échine aux coups pour obtenir un peu de riz gluant. Le médisant :
De caractère simple et doux, l’homme du peuple fuit comme de la peste les médisants, cette plaie des sociétés trop raffinées :
175. Lưỡi không xương nhiều đường lắt léo
La langue qui n’a pas d’os souvent se contorsionne.
176. Lưỡi mềm độc quá đuôi ong
Toute souple qu’elle soit, la langue est plus dangereuse que l’aiguillon de l’abeille.
L’égoïste :
Nous avons vu que l’homme du peuple, par prudence, est volontiers égoïste. Il n’en reste pas moins écoeuré de la laideur de ce vice, quand il l’observe chez les autres :
177. Chưa qua cầu đã cất dịp
Il n’a pas franchi le pont qu’il en enlève les travées .
178. Giầu điếc sang đui
Les riches n’ont pas d’oreilles et les puissants pas d’yeux.
L’ingrat :
Mais surtout l’ingratitude qui excite le plus l’indignation de l’homme du peuple, qui n’arrive pas à comprendre cette noirceur :
179. Ăn cháo đái bát
Il pisse sur le bol dans lequel il vient de manger la soupe.
180. Ăn sung ngồi gốc cây sung
Ăn rồi lại ném tứ tung ngũ hoành
Voyez –vous celui-là qui, assis au pied d’un figuier,
Après en avoir mangé à satiété les fruits, les jette de tous côtés ?
181. Có bát sứ phụ tình bát đàn
Aussitôt qu’il a la vaisselle de porcelaine, il dédaigne la vaisselle de terre.
182. Được chim bẻ ná
Được cá quên nơm
À peine a-t-il pris l’oiseau qu’il brise son arbalète, À peine a-t-il pris le poisson qu’il oublie sa nasse.
183. Khỏi rên quên thầy
Il oublie le médecin dès que ses douleurs cessent.
Section IV. Les lois qui régissent la vie sociale
Comment l’homme du peuple voit-il le monde ? Le trouve-t-il bien fait, conforme aux préceptes moraux enseignés par les sages ? La vertu y est-elle toujours récompensée et la méchanceté toujours punie ? Devant ce grand problème, à la fois métaphysique et pratique l’homme du peuple a trois attitudes :
Imprégné de culture confucianiste et bouddhique, il croit d’abord à la loi de causalité : il y a une justice immanente qui fait naître le bien du bien et le mal du mal.
Mais comme il n’est pas un sot, il ne peut s’empêcher de constater que la lutte pour la vie est très dure, et que le succès va parfois aux violents, aux rusés, aux riches, et pas toujours aux vertueux.
Enfin, il lui reste toujours la ressource de se refugier dans la philosophie du faible : se consoler en se disant que la fortune est passagère et périlleuse :
a) Loi de causalité :
Généralité de la loi :
184. Ăn mặn khát nước
À manger salé, on a soif.
185. Cây thẳng bóng ngay
Cây nghiêng bóng vạy
À arbre droit, ombre droite
À arbre tordu, ombre tordue.
Apllication à l’hérédité :
186. Con nhà tông chẳng giống lông cũng giống cánh
Les enfants de bonne famille ressemblent toujours à leurs ascendants, sinon par leurs plumes, du moins par leurs ailes.
(L’homme de valeur est comparé à un oiseau qui s’élance dans le ciel)
187. Rau nào sâu ấy
À chaque légume son ver.
Application à la vertu et au vice :
188. Ác giả ác báo
Le méchant aura une méchante fin.
189. Ở hiền gập lành
La vertu est toujours récompensée.
190. Đường đi hay tối
Nói dối hay cùng
À force de marcher, on finit par atteindre la nuit ; À force de mentir, on finit par se démentir.
191. Khôn ngoan chẳng đọ thật thà
L’habilité ne saurait vaincre la sincérité.
192. Thật thà là cha quỷ quái
Franchise passe fourberie.
193. Của làm ra để trên gác
Của cờ bạc để ngoài sân
Của phù vân để ngoài ngõ.
Les biens gagnés par le travail sont en sécurité dans le grenier
Mais ceux gagnés au jeu restent dans la cour,
Et ceux acquis par aventure ne séjournent qu’au dehors de la porte.
b) La lutte pour la vie
Primum vivere :
194. Có thực mới vực được đạo
Il faut avoir de quoi manger pour pouvoir se maintenir en vertu.
La force prime le droit :
195. Cá lớn nuốt cá bé
Les grands poissons dévorent les petits.
196. Cả vú lấp miệng em
Gros sein étouffe les cris du nourrisson.
Mais on peut suppléer à la force brutale par l’habileté ou la souplesse :
197. Lạt mềm buộc chặt
Les lanières souples attachent bien.
198. Ngọt lọt đến xương
Les paroles douces pénètrent jusqu’aux os.
Des individus, faibles s’ils restent isolés, peuvent constituer une grande force en se groupant :
199. Góp gió thành bão
Beaucoup de vents font une tempêtre.
200. Chúng khẩu đồng từ
Ông sư cũng chết
Quand toutes les bouches émettent une même opinion, Même le bonze doit mourir.
(Même un homme vertueux comme le bonze ne saurait échapper à la
condamnation d’une foule d’exaltés)
Il faut noter cependant que si la foule est forte par sa masse, il ne faut pas lui demander d’accomplir de sages actes, car elle est souvent irresponsable, et qui dit tout le monde dit personne.
201. Lắm sãi không ai đóng cửa chùa
Une pagode desservie par beaucoup de bonzes n’est fermée par aucun d’entre eux.
202. Cha chung không ai khóc
Père commun n’est pleuré d’aucun enfant.
203. Lắm thầy thối ma
Avec plusieurs sorciers, le cadavre se putréfie.
(car il n’arrivent pas à s’entendre sur la date de l’enterrement)
Dans une société organisée, la force la plus redoutable est, non pas celle des muscles, mais celle de l’argent :
204. Mạnh về gạo
Bạo về tiền
Grâce au riz
Audacieux grâce à l’argent.
205. Nén bạc đâm toạc tờ giấy
Le lingot d’argent déchire la feuille de papier.
(l’argent fausse les sentences des juges)
206. No nên Bụt
Đói nên ma
Rassasié, on devient un Bouddha
Affamé, on devient un diable malfaisant.
207. Cái khó nó bó cái khôn
La pauvreté enchaine le talent.
Il en résulte que dans une telle société dominée par la force, l’habileté, le grand nombre ou l’argent, les faibles sont d’avance sacrifiés :
208. Chó cắn áo rách
Le chien aboie après les habits déchirés.
209. Nhờ gió bẻ măng
À la faveur du vent, on brise des pousses de bambou.
210. Dậu đổ bìm leo
Quand la haie est abattue, le liseron y grimpe.
211. Mềm nắn rắn buông
On saisit ce qui est mou, on relâche ce qui est dur.
212. Khó giữ đầu
Giầu giữ của
Le pauvre défend sa tête
La riche sa fortune.
c) La philosophie du faible
Le faible, pris dans le terrible engrenage de cette société, va-t-il donc être écrasé inexorablement et pour toujours ? Heureusement non. Car en sa faveur jouent deux autres lois en lesquelles il met son espoir dans ses pires moments de détresse.
La loi des vicissitudes :
213. Sông có khúc
Người có lúc
Le fleuve a ses méandres ;
L’homme a ses périodes (de prospérité et d’infortune)
214. Ai giầu ba họ
Ai khó ba đời
Personne ne peut se vanter que ses trois familles sont toutes riches, Personne non plus n’a à craindre que sa famille reste pauvre pendant trois générations de suite.
(les trois familles : celle du père, celle de la mère, et celle du conjoint)
215. Ai nắm tay đến tối ?
Ai gối tay đến sáng ?
Qui peut fermer son poing jusqu’à la nuit ?
Qui peut reposer sa tête sur le coude jusqu’au matin ?
216. Cười người chớ có cười lâu
Cười người hôm trước hôm sau người cười
Ne raillons personne
Car tel qui raille aujourd’hui sera raillé demain.
217. Mưa chẳng qua ngọ
Gió chẳng qua mùi
La pluie ne dépassera pas midi
Le vent ne dépasse pas l’heure du bouc (14h.)
Loi des compensations :
218. Trèo cao ngã đau
Plus on monte haut, plus douloureuse en sera la chute.
219. Lớn người to cái ngã
Grande taille, chute lourde.
220. To đầu khó chui
Les grosses têtes ont de la peine à passer.
221. Ăn cơm với cáy thì ngáy o o
Ăn cơm thịt bò thì lo ngay ngáy
Ceux qui mangent des crevettes peuvent ronfler paisiblement, Ceux qui mangent du boeuf sont dévorés d’inquiétude.
222. Voi chết về ngà, chim chết về lông
Les éléphant sont tués pour leur ivoire, les oiseaux pour leurs plumes. Conclusion : Pour vivre heureux, vivons cachés.
Enfin, si malgré tout le malheureux reste malheureux, il se console en disant que tel est son sort :
223. Giầu tại phận, khó tại duyên
Richesse et pauvreté sont déterminées par le sort.
Son fatalisme va même plus loin. Puisque le Ciel l’a fait naỵtre, il est impossible qu’il le laisse mourir de faim :
224. Trời sinh trời dưỡng
Le Ciel qui nous a fait naître se chargera de nous nourrir.
225. Trời sinh voi, trời sinh cỏ
À l’éléphant qu’il a créé, le Ciel donne l’herbe.